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Théâtre Kléber-Méleau
Lausanne : Angélique Ionatos

Le Théâtre Kléber-Méleau, à Lausanne, accueille le récital Angéique Ionatos, du 18 au 29 mai 2011.

Article mis en ligne le 1er mai 2011
dernière modification le 22 novembre 2011

par Firouz Elisabeth PILLET

Pour saluer le retour d’Angélique Ionatos, absente des scènes depuis son incursion dans le monde onirique de Frida Kahlo avec le spectacle Alas p’a volar, il a fallu la rencontre avec Katerina Fotinaki ; en effet, les deux interprètes se sont alliées pour exprimer toute la lumière, la beauté, la chaleur des poètes anciens ; mis en musique ces poètes sont magnifiquement interprétés grâce à la complémentarité des voix de ces deux artistes, l’une exilée de longue date et la seconde, fraîchement expatriée.

Angélique Ionatos revendique ses cultures multiples – elle a grandi en Belgique, puis en France, et elle a d’ailleurs été de 1989 à 2000 Artiste associée au Théâtre de Sartrouville – et confie que ce récital de chansons s’est élaboré au travers du besoin de chacune des chanteuses d’apporter une contribution très personnelle. Elles avouent ne pas pouvoir prendre une chanson grecque telle quelle pour l’interpréter, il leur a fallu y mettre leur touche personnelle ; pour Angélique qui a quitté la Grèce à l’âge de quatorze ans, il fallait y apposer une touche de l’univers qu’elle s’est créé ensuite, alors que Katerina, qui n’a quitté la Grèce que depuis peu d’années, ressentait moins ce besoin.

Angélique Ionatos et Katerina Fotinaki

Guitariste et compositrice, Angélique Ionatos a mis en musique de nombreux poètes, grecs pour la plupart. C’est avant tout Odyssea Elytis, Prix Nobel de littérature 1979, qui l’a le plus inspirée, au travers de Marie des Brumes, Le Monogramme, Parole de juillet notamment. Guidée par un souci croissant de métissage culturel, Angélique Ionatos est une des voix - et des âmes - de la culture méditerranéenne. De l’avis unanime de la critique, sa voix grave et sensuelle est à elle seule un poème nomade qui creuse le sillon de l’amour et de la destinée, ses thèmes de prédilection. Pour une mise en oreille de ce récital, qui les dira mieux qu’un poète ?

« Les chants des hommes sont plus beaux qu’eux-mêmes,

plus lourds d’espoir, plus tristes, plus durables.

Plus que les hommes j’ai aimé leurs chants.

J’ai pu vivre sans les hommes, jamais sans les chants ;

Il m’est arrivé d’être infidèle à ma bien-aimée,

jamais au chant que j’ai chanté pour elle ;

jamais non plus les chants ne m’ont trompé.

Quel que soit leur langage, j’ai toujours compris tous les chants.

Rien en ce monde,

de tout ce que j’ai pu boire et manger,

de tous les pays où j’ai voyagé,

de tout ce que j’ai pu voir et entendre,

de tout ce que j’ai pu toucher et comprendre,

rien, rien ne m’a jamais rendu aussi heureux que les chants… 
 »
Nazim Hikmet
, « Paris ma rose » – Traduction Hasan Gureh

Angélique a rencontré Katerina en Grèce par le biais d’un ami commun, le baryton grec Spyros Sakkas. Katerina avait besoin de s’envoler, la France l’a attirée, c’est là qu’est née l’idée d’un duo de voix féminines.
« Il y a une très grande entente musicale entre nous. Non seulement parce qu’on est Grecques, mais parce que nous avons des amours communs, une conception de la musique commune et surtout un amour de notre langue. »


Angélique fait partie de la diaspora grecque qui a fui sa terre natale alors sous l’emprise de la dictature des Colonels. Par le biais de l’art et, en particulier, de la poésie, la chanteuse parvient à entretenir un lien avec sa culture d’origine. Aujourd’hui elle met à l‘honneur la poésie et les mots, la guitare et les compositions viennent les accompagner. Elle insiste sur le fait que chaque artiste a différé dans sa manière de mettre en musique les poèmes choisis ; ainsi ces deux voix envoûtantes habillent les plus grand poètes grecs des livres et les présentent au public à leur manière : Sappho, Elytis, Hadjidakis. Deux voix, deux guitares qui invitent à un voyage dans le temps, dans la poésie de la Grèce antique. Mais « Comme un jardin dans la nuit », est aussi doté d’une touche francophone, langue dans laquelle Angélique ionatos a grandi et avec laquelle elle s’est forgé une seconde identité culturelle, ce qui lui permet une merveilleuse interprétation, emplie de nostalgie et de plénitude.


Angélique a la voix cassée, parfois rauque et le port altier des femmes assurées, le pas alerte. Elle regarde Katerina , plus discrète, réservée et admirative. Leurs complémentarité n’est donc pas que vocale mais aussi physique ; leur complicité coule de source et sur scène, chacune trouve sa place, leurs voix se mêlent harmonieusement pour mieux se délier et enfin se retrouver, rendant ainsi un vibrant hommage à la poésie hellénique.
 Angélique Ionatos de souligner : «  C’est une habitude pour les compositeurs grecs de puiser chez les poètes. » Le répertoire de ce récital est donc pleinement assumé...
Et si les textes ne sont pas de Ionatos ni de Fotinaki, l’interprétation les sert bien !

Firouz-Elisabeth Pillet

www.kleber-meleau.ch