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Bâtiment des Forces Motrices, Genève
Genève : Xavier Phillips et l’OSR

Entretien avec Xavier Phillips, concernant son répertoire, les personnalités qui l’ont marqué...

Article mis en ligne le décembre 2007
dernière modification le 22 janvier 2008

par Beata ZAKES

Le 14 décembre à Genève, le violoncelliste Xavier Phillips rendra hommage à Paul Hindemith. Par une soirée d’automne, le musicien parle de sa conception de l’interprète et de ses projets avec passion.

Parlez-nous de votre répertoire. Alors que d’autres artistes affichent leurs préférences, vous semblez être assez « éclectique » en ce qui concerne les programmes de vos concerts et de vos enregistrements...
Je ne vois aucune frontière, j’aime la musique de manière générale. J’essaie de ne pas avoir de préférences, même si mon coeur bat pour la musique contemporaine. J’ai une grande passion pour la création. C’est très excitant de faire une chose nouvelle. J’apprécie le romantisme et J.-S. Bach. Je suis très heureux d’interpréter la « Kammermusik pour violoncelle obligé » de Hindemith, pièce que je ne connaissais pas avant. Dans cette partition, le rôle du violoncelle n’est pas celui d’un leader, il s’agit plutôt de se faire englober dans un ensemble qui existe déjà. Hindemith est un compositeur de grande qualité, malheureusement pas très joué en France. Marek Janowski, qui m’a invité au « Festival Haydn-Hindemith », à Genève cette année, est un chef que j’admire beaucoup ; il est extrêmement soigneux dans son travail. Nous avons collaboré à de nombreuses reprises, par exemple avec l’Orchestre de Monte-Carlo, pour interpréter le concerto de Dutilleux, très cher à mon coeur. Je reviendrai à Genève en mai 2008, pour jouer le Premier concerto de Saint-Saëns.

Xavier Phillips

Parmi les personnalités qui vous ont marqué, Mstislav Rostropovitch est, en importance, la première...
Rostropovitch avait un credo qui est devenu le mien, celui de la création, de l’interprète qui devait défendre le compositeur. Il jouait le concerto de Dvorak comme s’il connaissait son auteur. Cette conception est comparable à celle que Stanislavski prônait en théâtre : le musicien, tel un comédien qui doit se mettre dans la peau de son personnage, doit habiter son rôle, rentrer dans l’état d’esprit du compositeur. L’interprète est en effet un médiateur : une interprétation doit traduire les états d’âme, l’état psychique du compositeur au moment où il concevait l’oeuvre. Etait-il heureux ? Ressentait-il de l’espoir ou plutôt le doute ? Venait-il d’être frappé par un malheur ? Il y a des exemples formidables, comme Chostakovitch ou Schumann. Un interprète doit se renseigner, se documenter le mieux possible, afin de se rapprocher le plus du compositeur. Avec Mstislav Rostropovitch, nous avons souvent parlé des moyens et des méthodes, de comment y arriver.

Le charisme est-il nécessaire pour « véhiculer » le message du compositeur ?
Oui, à condition de ne pas être un charisme qui se met entre le public et l’oeuvre. Le musicien ne doit pas transmettre ses propres émotions mais celles du compositeur. Rostropovitch était contre les grands gestes, les effets démesurés. Il ne s’agit nullement de faire du cinéma dans une salle de concert ! Un interprète doit plutôt dire : « Regardez ce qui se passait à ce moment-là ! », il doit se mettre en retrait. Pour y arriver, il faut connaître la vie, le contexte, tout peut servir, des biographies, des lettres...

N’est-il pas, en quelque sorte, « plus facile » de rentrer dans la peau d’un compositeur qui n’est plus parmi les vivants ?
Les documents historiques nous parviennent de manière indirecte, munis de commentaires, donc interprétés, transformés... Rien ne pourra remplacer le contact direct, la chaleur directe, cette complicité dans laquelle même les moments de silence peuvent être significatifs. Quand on travaille sur une création, on peut toujours demander : « C’est bien comme ça ? » Il y a aussi des moments forts, quand le compositeur dit soudainement « Ce n’est pas comme ça que je voyais ce passage mais surtout ne change rien ! » Voir l’état de grande émotion dans laquelle se trouvent la plupart des compositeurs après une première est merveilleux. Il y a bien évidemment quelques « intellectuels » qui ne montrent rien, mais je n’envie pas cette situation.

Votre agenda est très chargé. Vous allez vous rendre en Espagne, aux Pays-Bas, aux Etats-Unis, en Allemagne, au Brésil, sans mentionner de nombreux concerts dans votre pays. Avez-vous de projets discographiques ?
Au printemps a paru un CD de musique arménienne que j’ai enregistré avec mon frère, le violoniste Jean-Marc Phillips-Varjabédian. C’est pour nous un retour aux sources, nous avons du sang arménien dans nos veines, notre grand-père maternel a fui le génocide et est arrivé à Paris en 1915. Nous sommes imprégnés de cette culture. L’Année Arménienne était une excellente occasion pour l’affirmer. Ces prochains jours doit paraître notre nouveau projet commun, un disque Ravel sur lequel vous allez découvrir entre autres, ma transcription pour violoncelle de Kaddisch, une mélodie hébraïque composée (et non simplement harmonisée) par Ravel sur commande pour la cantatrice Alvina Alvi en 1914...

Propos recueillis et sélectionnés par Beata Zakes

Xavier Phillips à Genève (bâtiment des Forces motrices), avec l’OSR : 14 décembre 2007 et 28 mai 2008.
Renseignements-réservations : 022 807 00 00

En France voisine : 25 mars 2008 à Annemasse, 26 mars à Chambéry, 28 mars à Annecy, 29 mars à Autun. Avec l’Orchestre National des Pays de Savoie. Au programme : Variations Rococo de Tchaïkovsky.

Au Festival International de Musique de Colmar « Hommage à Mstislav Rostropovitch, le 11 juillet 2008. Concerto de Dvorak.