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Genève : Vladimir Spivakov aux Concerts-Club
Article mis en ligne le octobre 2007
dernière modification le 4 octobre 2007

par Beata ZAKES

Le 19 octobre, des musiciens russes offriront aux mélomanes genevois un programme fait de couleurs chaudes d’automne et de quelques échos mutins du printemps. A la baguette : un homme de tête, mais aussi un homme de coeur.

« Je me souviens parfaitement du concert que Charles Munch a dirigé à la tête de l’Orchestre Symphonique de Boston à Leningrad. J’étais très jeune, mais sa présence scénique et son charisme m’ont marqué. Quand Charles Munch a dirigé l’hymne de l’Union Soviétique, toute la salle était émue aux larmes, tant les sonorités qu’il a réussies à obtenir de ses musiciens - même dans ce morceau "imposé" - étaient extraordinaires... Je m’étais demandé alors : Cela doit donc être cela, un chef d’orchestre ? », écrivait Vladimir Spivakov dans son introduction au programme de la dernière édition du Festival de Colmar.

Vladimir Spivakov

Sensibilité et charisme
S’il n’était pas devenu chef, le musicien russe aurait bien pu emprunter une carrière plus bohème, de magicien, d’hypnotiseur, voire de gourou... Le livre de Munch, intitulé Je suis chef d’orchestre, est devenu son Credo artistique, son manuel de maestro, dont il a suivi les leçons avec dévouement et sensibilité : « Le chef d’orchestre doit posséder cette exaltation intérieure, cette flamme dévorante, ce magnétisme qui ensorcelle à la fois les musiciens qu’il dirige et les auditeurs venus écouter la musique. Le chef d’orchestre doit insuffler la vie à la partition ! La musique est l’art d’exprimer l’inexprimable, elle va très au-delà des mots... » Des "témoins mélomanes" peuvent le confirmer : quelque chose se passe, la salle retient le souffle, personne ne pense à feuilleter les programmes, les boîtes à bonbons restent au fond des sacs...

Le maestro et ses orchestres
Vladimir Spivakov : l’homme-orchestre, cerveau et âme de l’orchestre, mais aussi l’homme-machine, le Grand Démiurge, le businessman, l’organisateur... Ses débuts sur le podium remontent en 1979, lorsqu’il a dirigé le prestigieux Orchestre Symphonique de Chicago au Festival de Ravinia. Depuis, il a créé les Virtuoses de Moscou, et, en 2003, l’Orchestre National Philharmonique de Russie. Formée de musiciens expérimentés, souvent issus de différents ensembles encore soviétiques, la phalange, soutenue par le gouvernement et des mécènes privés, perpétue les grandes traditions à travers son répertoire, mais a également comme objectif de soutenir et d’intégrer dans ses rangs de jeunes musiciens. Le festival Vladimir Spivakov invite... (en novembre à Moscou) ou encore le Festival de Colmar, dont la 19e édition a précisément rendu hommage à Charles Munch l’été dernier, révèlent encore d’autres facettes du musicien russe : son sens du contact, son entregent, son esprit d’accueil. En directeur artistique consciencieux, il concocte ses programmes soigneusement, en mélangeant les grands classiques avec des oeuvres oubliées ou modernes ; en parfait hôte, lors des réceptions, il épice ses discours – délivrés avec un charmant accent russe – d’une bonne dose d’humour, tel un businessman ou un politicien américain face à la foule.

Main tendue vers les jeunes
Parfaitement à l’aise dans le monde d’adultes, Vladimir Spivakov se montre aussi en « parfait tonton ». Sa fondation en faveur de jeunes talents a permis à de nombreux enfants, souvent de milieux défavorisés, de découvrir les joies de la musique et de se produire en soliste sous sa direction. Le visage du chef s’illumine : on dirait qu’il se retrouve dans chacun de « ses petits musiciens », et ses protégés le remercient en régalant le public avec des prestations époustouflantes.

La baguette ou l’archet ?
Si l’on essaie de suivre Vladimir Spivakov dans ses multiples activités, on en oublie presque qu’il est aussi (ou avant tout) violoniste ! Elève de David Oïstrakh, en tant que soliste, il a côtoyé les grands : Bernstein, Abbado, Giulini, Solti, Ozawa, Maazel...
De nombreuses gravures témoignent de sa virtuosité, comme la « Méditation », enregistrée en 1995, réunissant quelques beaux morceaux de bravoure. L’interprète trouve également du temps pour la musique de chambre (sonates de Strauss et de Franck, avec Sergey Bezrodny au piano). Ces interprétations de quelques pages de concerts à l’envergure ambitieuse (Chostakovitch, Berg ou Hartmann) sont simplement sublimes. Elles révèlent la grande musicalité de l’artiste, confirment ses compétences techniques, font ressentir la communion entre le soliste et ses accompagnants. L’instrument est bien évidemment à la hauteur de son maître : Vladimir Spivakov joue sur un Stradivarius de 1712.
« Homo Artisticus » par excellence, ce musicien à plusieurs visages aurait facilement gagné, dans le monde de la musique rock, le qualificatif de « bête de scène ». Une chose est sûre, il est né pour durer. A preuve, une dernière citation de Charles Munch, à laquelle il souscrit des deux mains : « Etre chef d’orchestre, ce n’est pas un métier. C’est une vocation, parfois un sacerdoce, souvent une maladie. Une maladie dont on ne guérit qu’en mourant... »

Beata Zakes

Disques parus chez Capriccio

Genève, Victoria Hall, 19 octobre
Philharmonie Nationale de Russie, dir. Vladimir Spivakov. Nikolai Tokarev (piano). A l’affiche : Prokofiev, Chtchédrine, Strauss, Chostakovich.
Location : tél. 022 319 61 11.
Internet : www.culturel-migros-geneve.ch