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Concerts « pour-cent-culturel-Migros »
Genève : Semyon Bychkov

Portrait de Semyon Bychkov, de passage le 12 mai au Victoria Hall.

Article mis en ligne le mai 2010
dernière modification le 29 mai 2010

par Pierre JAQUET

Né le 30 novembre 1952 à Leningrad, Semyon Bychkov est un chef
d’orchestre russe, très russe, mais cosmopolite aussi : naturalisé américain, il a épousé la pianiste française Marielle Labèque, vit à Paris, séjourne souvent à Cologne et s’apprête à déménager à Londres !

L’Ecole des choeurs Glinka de Leningrad pendant dix ans, puis le Conservatoire de Leningrad marquent sa formation de base. En 1973, l’étudiant remporte le concours de direction Rachmaninov et se voit proposer un poste de direction à l’Orchestre philharmonique de Leningrad. Cependant, le contrat est annulé en raison des opinions politiques du personnage. « Les contraintes idéologiques dans la vie quotidienne étaient étouffantes. Mon père, un scientifique, a beaucoup souffert de l’antisémitisme, et sa souffrance m’a beaucoup touché. Cela a précipité mon désir de partir. J’avais besoin d’être libre. » En 1974, Semyon Bychkov quitte Saint-Pétersbourg. La chaleur de l’accueil des sœurs Siloti aux Etats-Unis l’a marqué ; filles d’Alexandre Siloti (cousin de Rachmaninov et ami de Tchaïkovski), elles ont encouragé l’immigrant un peu « perdu ». A New York, ces deux vieilles dames l’ont traité comme leur petit-fils et l’ont recommandé auprès de leurs nombreuses relations et connaissances. Tout est ensuite allé vite. Le musicien a conservé précieusement ce télégramme – objet de fierté – du président Reagan, reçu après un concert-clef pour sa carrière : « Tant que des gens comme vous choisiront les Etats-Unis, ce pays restera un grand pays. » Inutile de préciser que ce voyageur parle couramment cinq langues...

Notoriété
En 1984, c’est l’accession à la notoriété internationale après des remplacements de plusieurs confrères connus. Des concerts donnés avec l’Orchestre du Concertgebouw et les philharmoniques de New York et de Berlin confortent sa réputation. Semyon Bychkov s’installe ensuite à Paris où il est nommé en 1989 directeur musical de l’Orchestre de Paris ; avec la fin du communisme dans son pays natal, l’artiste obtient des engagements : il est, pour plusieurs saisons, premier chef invité de l’Orchestre philharmonique de Saint-Pétersbourg en 1990. En 1997, il intègre l’Opéra Semper de Dresde en qualité de directeur musical. Semyon Bychkov dirige les nouvelles mises en scène de Lady Macbeth de Mzensk (1999-2000), du Chevalier à la rose (2001-02), de L’or du Rhin et de La Walkyrie (2001-02). En mars 2003, sa baguette anime Elektra au Royal Opera House de Covent Garden ; en septembre de la même année c’est une production de Boris Godounov, ouvrage avec lequel le chef a fait ses débuts au Metropolitan Opera de New York en janvier 2004. Les succès se suivent les années suivantes. Toujours à Londres, Lohengrin, a été le succès de l’automne dernier, succès prolongé par coffret paru chez Profil/Hänssler...
Aujourd’hui, il est, pour quelques semaines encore, à la tête de l’Orchestre symphonique du Westdeutscher Rundfunk de Cologne (WDR), une collaboration passionnée qui aura duré 23 ans ! Sa carrière continuera en Grande-Bretagne. En mars 2010, l’homme a déjà fait ses débuts à Londres avec le London Symphony Orchestra. Le BBC Orchestra l’accueillera aussi en tant que Guest Conductor. « Pour la première fois de ma vie, je serai complètement libre. J’ai toujours été responsable d’une institution. A 17 ans déjà, je dirigeai une chorale et cela n’a jamais cessé ! Pour la première fois je ne serai responsable que de moi, mon art et mon travail. C’est génial, quand on y pense ! »

Semyon Bychkov

Distinctions
Semyon Bychkov a gagné ses galons avec de nombreux CD, avec plusieurs ensembles ; le prix Cecilia en Belgique lui a été décerné pour l’enregistrement de la 5e Symphonie de Chostakovitch (Philips) avec le Philharmonique de Berlin, un enregistrement dont le contenu semble faire écho à son propre destin. Casse-Noisettes, un coffret splendide, était déjà paru chez Philips. La discographie récente compte la Symphonie Alpestre et Till Eulenspiegel (avec « son » WDR Orchester), un CD magnifique, haut en couleurs, paru chez Profil Hännsler, et portant splendidement la « patte » russe du maestro... laquelle reflète la personnalité riche en pathos du personnage, bien en accord avec le stéréotype accolé aux Slaves !
Le musicien conçoit la production orchestrale comme un spectacle total. Pour présenter les deux univers que le chef présentera à Genève, l’on pourrait reprendre cette citation parue dans un journal anglais : « Quand j’ai été nommé chef de l’Orchestre de Grands Rapids (Michigan) il y a trente ans, mon premier concert débutait par Ainsi parlait Zarathoustra (de Richard Strauss), et se poursuivait par la Neuvième de Beethoven. Je ne sais pas comment le public y a survécu ! Moi-même j’ai eu de la peine ! Mais j’étais obsédé par les grandes œuvres, je les attendais et je trouve intéressant, avec le recul, que j’aie tellement et tant attendu de Zarathoustra. Pourquoi Strauss ? Comment on se sent relié à telle ou telle musique ? C’est pour moi un grand mystère. Mais avec Strauss, j’ai toujours été fasciné par l’homme et sa vie, les contradictions et les questions qu’il pose, pour lesquelles chacun doit trouver des réponses. Vous pouvez vous immerger dans une de ses pièces, dans certaines circonstances, la faire vivre par conséquent d’une certaine manière ; l’enregistrement devient un miroir dans lequel vous pouvez toujours vous plonger pour améliorer une foule de détails. C’est un processus fascinant... mais finalement vous marchez dans les nuages constamment ! »

Pierre Jaquet

Site internet : www.semyonbychkov.com

Mercredi 12 mai, à 20h30 au Victoria Hall
Orchestre Symphonique de la WDR de Cologne
Semyon Bychkov (direction). Oliver Schnyder (piano)
Œuvres de R. Strauss et Beethoven