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Genève et Verbier : Evgeny Kissin

Evgeny Kissin en Suisse romande : Passion et talent

Article mis en ligne le 1er juin 2011
dernière modification le 22 mars 2013

par Pierre JAQUET

La réputation du pianiste Evgeny Kissin n’est plus à faire. Avec son éternelle tignasse et son visage d’ange, Kissin ressemble toujours au jeune prodige, qui, à 12 ans seulement, avait épaté le monde musical avec un enregistrement des concertos de Chopin.

La première impression donnée par cet artiste au tempérament exceptionnel relève du paradoxe : Face à son instrument Kissin paraît impassible, son visage ne laisse paraître aucun sentiment. Plus étrange encore, ce musicien hors du commun, bientôt quadragénaire, a gardé un visage d’enfant. Et pourtant il offre une musique tout à la fois colorée et soigneusement élaborée !
Pur produit de l’école russe de piano, Evgeny Kissin a eu son premier contact avec le clavier dès l’âge de deux ans. Le jeune moscovite a pour parents une mère professeur de piano et un père ingénieur. A six ans, il a commencé de fréquenter la prestigieuse École Gnessine de Moscou d’où sortent les musiciens russes surdoués. A dix, il pouvait jouer le Concerto pour piano n° 20 K. 466 de Mozart, et il a présenté son premier récital public l’année suivante. En 1984, Evgeny Kissin impressionnait les observateurs en donnant les deux Concertos pour piano de Chopin avec le Philharmonique de Moscou : l’adolescent faisait désormais partie du « star system » de la musique classique.

Le sens des rencontres
Il reste imprégné par sa rencontre avec S. Richter, dont il est à sa manière une sorte de réincarnation : « C’était un géant. J’ai eu la chance de l’écouter souvent. En 1985, j’avais 14 ans, Richter m’a invité à jouer Chopin au festival Nuits de décembre, à Moscou. Nous avons peu discuté, mais sa femme m’a rapporté qu’il avait beaucoup aimé ma prestation. Cet encouragement a été déterminant pour moi. »

Evgeny Kissin
© Nicolas Brodard

On se rappelle aussi de l’image d’un jeune homme de 17 ans jouant le Premier concerto de Tchaïkovsky en compagnie de Karajan et du Philharmonique de Berlin. Lui-même reste marqué par la personnalité du chef :
« Karajan aimait découvrir de nouveaux talents. Mon agent lui a donc envoyé une lettre, accompagnée de mes premiers disques. Quelques jours plus tard, il m’a invité. Par miracle, j’ai joué mieux que jamais. A la fin, il y a eu un long silence. Karajan a retiré ses lunettes noires pour essuyer des larmes. Ce qui s’était passé ne relevait pas de ma volonté propre, je le devais simplement à la présence de Karajan qui avait mobilisé en moi des aptitudes et un potentiel cachés. »
Les plus sceptiques donnaient peu de temps à ce prodige, estimant que, tel une mode, il passerait : Trente ans après, Evgeny Kissin continue de jouer sur les scènes du monde entier. L’enfant doué est devenu un artiste rayonnant et sûr de lui. Kissin a dompté l’insouciance et l’inspiration rétive de la jeunesse pour conférer à son art une densité complexe et magnifique. Familier des prouesses techniques, il est aussi capable, tout comme Richter, donner un souffle et une structure aux pages les plus exacerbées. Kissin est à même de révéler, comme peu d’artistes, les folies et les rêveries.
S’il sait apprécier les richesses que peuvent lui apporter d’illustres mentors, l’artiste aime vivre intensément les moments partagés avec d’autres musiciens. En 1987, le pianiste prodige acquiert ses galons de soliste international au Lichfield Festival où il se produit avec les violonistes Vadim Repin et Maxim Vengerov, sous la baguette de Valery Gergiev. Chez le maestro, le pianiste a découvert une fraternité musicale : « Gergiev a presque vingt ans de plus que moi. Il est comme un grand frère. Je me souviens des nuits passées dans ma chambre d’hôtel, au Japon, où nous jouions ensemble au piano tout ce qui nous passait par la tête, des symphonies aux chansons. Nous avons aussi partagé des chocs esthétiques : A Hambourg, en juin 1987, nous avons entendu le grand chef allemand Günter Wand diriger la Huitième Symphonie de Bruckner. J’étais surpris par l’enthousiasme débordant de Gergiev. Une véritable folie ! »

Un artiste universel
Personnalité forte, Evgeny Kissin a vécu difficilement ses premières années « moscovites ». En 1991, il s’est exilé pour échapper à la conscription et n’a revu son pays natal que sept ans plus tard, pour recevoir un prix illustre. Pour autant ce retour n’a pas été pas définitif. En 2002, il a opté pour la nationalité britannique. Cet attachement trouve certainement une bonne part dans la réception qu’on lui avait faite en 1997 : il avait été le premier pianiste à donner un récital lors des soirées « Proms » à Londres. Devant plus de 6000 personnes ! Aujourd’hui, il vit entre ses deux domiciles londoniens et new-yorkais.
Si son répertoire de prédilection reste Frédéric Chopin (nombreux récitals en solo) et la période romantique (Schubert, Brahms, Liszt, Schumann, Tchaïkovsky et Beethoven), il est très à l’aise dans J.S. Bach et les compositeurs du XXe siècle, hormis les contemporains.
Toujours très engagé dans son interprétation, il lui serait donc impossible, s’il le voulait, de masquer ses origines russes. Brillance, passion et surtout beaucoup de sentiment caractérisent un jeu souvent très convulsif. La musique pour lui relève du théâtre, du récit, de l’aventure... Aller l’entendre c’est véritablement assister à un spectacle, un spectacle de haut niveau !

Pierre Jaquet

23 juin 2011 à 20 h.
Victoria Hall - Genève

23 juillet 2011 à 19 h.
Salle des Combins - Verbier

Franz Liszt
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 Harmonies poétiques et religieuses n° 7 : Funérailles
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 Années de Pèlerinage : 2e année : Italie, S. 161 : Venezia et Napoli, S. 162 : Gondoliera – Canzone – Tarantella

(En 2010, à Verbier, il avait joué Chopin et Schumann)