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En concert et dans les bacs
Entretien : Yaron Herman

Après Montreux et Cully, Yaron Herman en concert et dans les bacs.

Article mis en ligne le décembre 2010
dernière modification le 16 décembre 2011

par Frank DAYEN

Yaron Herman ? On l’a entendu partout cette année : au Cully Jazz ou au Montreux Jazz Festival (MJF), à La Roque d’Anthéron ou à Marciac, au Centre culturel Suisse de Paris, en Allemagne et en Pologne, en solo, en trio ou avec Michel Portal… Tout le monde se précipite pour écouter le prodige de 29 ans, voire pour attester que, enfin, un concert de piano peut devenir spectaculaire.

Le jeune pianiste énergique qui entre en scène en jeans et Converse est bâti comme un sportif. Yaron Herman aurait pu poursuivre sa carrière de basketteur dans l’équipe nationale junior d’Israël s’il ne s’était pas blessé. Ce n’est que vers 15 ans qu’il se tourne vers l’apprentissage du piano. Mais, fort de la méthode Opher Brayer, il affirme d’emblée son sens de l’improvisation et son inventivité : il décroche son premier contrat musical à la sortie d’une jam session imprévue lors d’un transit à Paris. Depuis, celui qui signe 80% de ses morceaux sort son quatrième album, Follow the white rabbit – sans doute le plus personnel.
Entre Brad Mehldau et Keith Jarrett, Yaron Herman s’est produit cette année au Miles Davis Hall du MJF avec Chick Corea et consorts, mais aussi au Château de Chillon lors d’une soirée « Carte blanche autour de Ravel ». Le concept, la rencontre du jazz et du classique (« Jazz meets classic »), pose lui-même le problème de la classification de la musique de ce jeune pianiste-improvisateur, qu’il avait déjà soulevé au Cully Jazz Festival, lors de son concert gratuit improvisé au Temple.

Yaron Herman Trio
© ACT/Arne Reimer

Qu’est-ce que Ravel a donc à voir avec Yaron Herman ?
Yaron Herman : Ravel ayant conçu plusieurs partitions à Montreux (ndr Clarens) où il résida, le MJF m’a demandé si cela m’inspirait. J’ai bien sûr répondu oui, car j’admire Ravel : sa finesse, ses harmonies magnifiques, qui sont autant de paysages sonores, le fait qu’il ne reste que dans un monde émotionnel, que sa musique est très imaginaire. Et j’ai donc essayé d’intégrer Ravel dans mon processus créatif – je n’ai utilisé que des morceaux qu’il a composés à Montreux –, sans que l’on s’en aperçoive.

Votre formation musicale tardive étonne les professionnels.
Qu’est-ce qui fait la musique ? Les notes ou quelque chose d’autre ? Au conservatoire, on apprend des notes, on acquiert des compétences. C’est bien et nécessaire. Mais on n’y apprend pas la musique, qui, elle, se trouve entre les notes. Ainsi, en jazz, on joue qui l’on est. Et c’est la vie qui produit la musique, non la musique qui produit la musique.

Est-il possible de définir la musique de Yaron Herman ?
Je ne peux pas décrire mon style. Je suis même contre l’idée de pouvoir connaître ma musique. Tout ce que je fais, c’est de l’improvisation, c’est-à-dire une musique de l’instant. Pour cela, il faut de la personnalité, il faut pouvoir énoncer quelque chose de personnel. Tenter de définir mon style avec des mots serait vain : les mots ne sont pas nécessaires pour expliquer la musique ; l’écoute et l’émotion, en revanche, oui.

Comme vous, Brad Mehldau a repris des compositions du groupe Nirvana. Quelles sont vos influences ?
La liste serait longue et ne signifierait rien. Mes influences sont ce que je vis. Je ne procède pas par collage ; je tente de créer une histoire. Pour être un improvisateur, il faut une vision complète de la musique : classique, pop, indienne, africaine… Il faut un grand sac à dos. Bien sûr, puisque le MJF m’en donne l’occasion, je vais écouter Keith Jarrett : j’aime sa sincérité, son engagement total dans la musique. Je ne me ferme à aucune influence tant que je garde toujours cet unique but : être libre. Or, être libre c’est avoir le choix, et, pour avoir le choix, il faut connaître… et vivre sincèrement ce qu’on joue.

Propos recueillis par Frank Dayen

Yaron Herman en trio au Nevers Jazz Festival le 12 novembre, au London Jazz Festival le 15, au Sunside de Paris, du 13 au 16 décembre… Infos sur www.yaron-herman.com.