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Au Victoria Hall de Genève
Entretien : Nelson Freire

Nelson Freire sera à Genève en avril, dans le cadre des concerts “Les Grands Interprètes“.

Article mis en ligne le avril 2011
dernière modification le 26 août 2011

par Pierre-René SERNA

Nelson Freire a été consacré, avec Martha Argerich et Friedrich Gulda, comme le pianiste le plus sensible de notre époque. De sa terre natale, le Brésil, il a gardé cette chaleur communicative qui en fait un interprète d’exception, chéri du public et recherché par les plus grandes salles de concert à travers le monde. Il sera au Victoria-Hall le 14 avril prochain, dans le cadre de la série de concerts Les Grands Interprètes.

Vous habitez à Paris, au moins en partie. Est-ce que l’Europe tient une place importante dans votre carrière ?
Je dirais plutôt que je n’habite nulle part. Rio de Janeiro est ma résidence principale. Mais je vaque d’une résidence à l’autre. Un peu entre quatre villes, depuis le début de ma carrière. À cet égard, Genève tient une place particulière. C’est une ville où l’on peut marcher sans se perdre, comme dans ma bourgade de naissance, Boa Esperanza, à l’intérieur du Brésil, où j’ai vécu mon enfance jusqu’à ce que mes pas et ma destinée me mènent à Rio. Quand j’avais 14 ans, vers 1959-1960, j’ai fait mes débuts à Vienne, une cité assez triste. Puis, Martha Argerich m’a incité à venir à Genève peu après, en 1961. Je me rappelle m’être inscrit alors au Concours de Genève… pour finalement ne pas m’y présenter. Il y a eu ensuite un retour à Rio, pour parfaire ma formation. Mais Genève représente d’une certaine façon le lieu où pour moi tout a commencé.

Nelson Freire
© Hennek

Votre carrière s’est alors répartie entre ces territoires…
La France est venue plus tard, qui m’a adopté et où je me sens bien. Mais Vienne et Genève ont fait en quelque sorte partie de ma croissance…

Parlez-nous du programme que vous allez offrir au Victoria-Hall…
Les organisateurs réclament toujours que l’on programme très longtemps à l’avance. Mais j’ai pour mauvaise habitude de beaucoup modifier. Au point que, parfois, tout change ! Mais je peux vous livrer le détail du récital tel qu’il est aujourd’hui établi. Il y aura la Sonate en fa majeur de Mozart, la Fantaisie de Schumann, des extraits des Visions fugitives de Prokofiev – une rareté, d’une couleur impressionniste et très russe en même temps ; après l’entracte, La maja y el ruiseñor extrait des Goyescas de Granados, et j’achève par Liszt, en cette année où on célèbre le musicien et auquel je viens de consacrer un disque tout récent : Murmures de la forêt, Rapsodie hongroise n°3, la moins connue, les Valses oubliées et la Deuxième Ballade.

Est-ce à dire qu’il s’agit de vos œuvres et compositeurs de prédilection ?…
Je n’ai pas d’œillères. J’ai un répertoire assez étendu, même s’il ne correspond pas forcément au répertoire courant. Car je joue surtout ce que j’aime. L’amour reste pour moi le critère principal, la vraie motivation. Cela dit, Schumann, Mozart et Chopin restent parmi mes élus. En compagnie de beaucoup d’autres…

Pour le bis, que le public ne manquera pas de réclamer, nous ferez-vous le plaisir de jouer la transcription d’après Orphée de Gluck, si émouvante, que vous donnez souvent en bis en hommage à celle qui fut votre professeur, Guiomar Novaes ?
Honnêtement, je n’y avais pas pensé. Mais maintenant que vous me le dites… Pourquoi pas ? Oui et non, donc. J’adore cette belle page, qui transcrit au piano cette délicate mélodie confiée à la flûte dans l’opéra. Je l’ai souvent donnée, mais surtout venant après un concerto… pour créer une sorte de rupture.

Faites-vous un partage entre la virtuosité et le sentiment musical ?
La virtuosité n’a pas pour moi un sens forcément péjoratif. Le mot est souvent mal perçu, pour y voir une sorte de gratuité, assez creuse. Je crois, au contraire, que la virtuosité participe du phrasé, de l’expression, de ce qui est dit entre les notes. C’est le moyen technique qui permet d’atteindre ce que l’on sent. Le son est primordial. Et ce sens, la virtuosité est l’outil qui offre à transmettre le message. Autrement dit, l’essentiel.

Propos recueillis par Pierre-René Serna