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Concours de Genève
Entretien : Maria Diaconu

Après avoir gagné le Concours de Genève, Maria Diaconu fait partie du jury 2009.

Article mis en ligne le novembre 2009
dernière modification le 2 décembre 2009

par Anouk MOLENDIJK

Après avoir décroché le premier prix du Concours de Genève il y a 21 ans, Maria Diaconu a fait une carrière scénique. Puis elle est devenue professeur
de chant en 1993 au Conservatoire de Genève, ville dans laquelle elle s’est
perfectionnée et qu’elle apprécie pour sa liberté d’esprit. Son choix d’être
professeur de chant a été délibéré, et s’est fait pour des raisons familiales mais aussi par bonheur de connaître « l’Autre » à travers le chant, de voir ses élèves se développer et d’embrasser à leur tour des carrières lyriques. Entretien.

Pourquoi avez-vous été choisie comme membre du jury du Concours de Genève ?
On demande aux premiers prix des Concours de participer en temps que membre du jury quelques années plus tard. On me l’avait déjà demandé il y a dix ans mais je me suis trouvée un peu trop jeune pour faire partie d’un jury aussi important. Je ne sais pas si j’ai beaucoup évolué depuis, mais j’ai dit oui cette année. Je représente la Roumanie car pour l’instant j’attends la nationalité suisse. Il y a des nationalités très différentes dans le jury, qui est composé de directeurs de théâtre, de chefs d’orchestre. On a fait une présélection sur le disque ensemble, c’était un moment très agréable que de découvrir déjà la moitié du jury et de constater que l’on a les mêmes jugements, ce qui est rassurant bien évidemment.

A ce propos, quels sont les critères de jugement d’un chanteur ? Peut-on être objectif ?
On reconnaît immédiatement quand c’est bien fait et libre, quand la musicalité est là et quand la grâce passe. On décèle sans écouter longuement le spectre des qualités d’un chanteur. On voit ce qu’il y a au-delà de la technique, ce que l’artiste a à dire. J’essaie de voir l’artiste qui émerge du chanteur. Le concours est promoteur de jeunes talents, on voit ceux qui font passer un message, ou les jeunes espoirs qui ont encore des choses à travailler, ou encore les mélomanes qui font de la musique mais qui ne deviendront pas forcément de grands chanteurs. Le chanteur doit être acteur, mais en fermant les yeux, on doit imaginer écouter un disque, on doit recevoir sa personnalité d’artiste. On doit tenir compte de critères professionnels, comme la compréhension du texte, faire parvenir l’émotion du mot. La présence scénique est également importante, car du moment que le chanteur entre en scène, c’est l’artiste qui parle. On
observe sa façon de marcher, sa tenue corporelle, comment il prend place dans l’espace, son goût vestimentaire…

Maria Diaconu

A notre époque les chanteurs sont de plus en plus médiatisés et se donnent une image glamour. Le physique d’un artiste lyrique peut-il être un critère de sélection ? Est-ce qu’un chanteur ayant le physique de son rôle sera plus valorisé ?
Je ne crois pas tellement. Bien sûr, l’impact visuel est essentiel chez le chanteur qui est un « être de scène ». Si un artiste correspond en tous points à un rôle, autant vocalement que physiquement, on trouve que cela lui va bien. Mais je crois qu’une belle voix relevée par une musicalité, une élégance et bonne interprétation transcende l’image présente devant nous. Pour ma part, il n’y a donc pas d’a priori concernant le physique d’un chanteur.

Les candidats asiatiques, notamment Coréens, sont en grand nombre dans le Concours. Comment cela pourrait-il s’expliquer ? Comment se positionne la Suisse et les régions environnantes par rapport aux autres pays sur le plan artistique et vocal ?
D’après moi leur pays s’est ouvert. Avant, les candidats des pays de l’Est venaient aussi en grand nombre, après l’ouverture de leurs pays. Les Asiatiques viennent étudier ici, ils forment un pourcentage non négligeable dans les Conservatoires. Beaucoup ont déjà passé un certain nombre d’années ici, ont pris un temps nécessaire pour faire ou refaire leur culture. Il y a actuellement un manque terrible de ténors en Europe, alors qu’il y en a beaucoup là-bas, cela étant peut-être lié à leur physionomie qui leur permet d’être pour l’instant plus dans les voix aiguës. Ce manque de ténor leur permet d’être une concurrence assez importante. Mais pour ce qui est des nationalités des candidats du Concours, on trouve aussi des égyptiens, allemands, Roumains, Suisses. Cette concurrence pousse la Suisse à changer de rapport à la voix. Il y a encore quinze ans, les chanteurs de la région avaient une mentalité de choriste. On comprend maintenant qu’il faut traiter la voix comme un instrument différent, vivant. Le chanteur n’est plus dissocié de son instrument. C’est à travers notre corps et notre ressenti que l’on chante.

Quelle est la place d’un Concours comme celui de Genève dans la carrière d’un jeune chanteur ? Offre-t-il des débouchés intéressants ?
Si je prends mon exemple oui. J’ai commencé ma carrière grâce aux concours internationaux. Mes premiers prix m’ont permis d’obtenir mes premiers contrats. Le Concours est une manière de se promouvoir. Mais ce n’est pas toujours le premier prix qui est engagé. Ce sont parfois des rôles secondaires qui sont plus demandés, que le premier ne peut pas faire.

Avez-vous déjà présenté des élèves au Concours de Genève ?
Ma toute première élève a eu beaucoup de prix en début de carrière. J’ai aussi enseigné le chant à Carine Séchaye, au Conservatoire de Musique Populaire et en Professionnel, qui a reçu des prix et fait une jolie carrière. Il se trouve que cette année j’ai une élève qui participe au Concours de Genève. Je vais me retrouver face à elle dans le jury sans pouvoir rien dire, car je n’aurai pas le droit au vote. Je pourrai entendre ce que disent les autres membres du jury, ce qui sera très intéressant. Elle a déjà eu un premier prix, ce qui nous rend assez positives, même si rien n’est joué d’avance.

Propos recueillis par Anouk Molendijk