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Concert-vernissage au Studio Ernest-Ansermet, Genève
Entretien : Gregorio Zanon et Mark Drobinsky

Gregorio Zanon est un compositeur doté d’un talent musical indéniable et d’un caractère passionné.

Article mis en ligne le juillet 2007
dernière modification le 4 août 2007

par Magali JANK

La scène contemporaine suisse peut se réjouir ! Elle trouvera en la personne de Gregorio Zanon, jeune compositeur de 26 ans, non seulement un talent musical indéniable mais surtout la manifestation d’une véritable passion.

Son moteur de création ? Une forte envie d’exprimer joie, souffrance et doute, détaché de tout ancrage dans une école de pensée ou d’écriture. Son premier disque monographique vient de sortir chez Claves. A découvrir sans plus attendre.
Explorant les formes traditionnelles tout en y intégrant des techniques instrumentales actuelles, Gregorio Zanon travaille toujours en étroite collaboration avec les artistes pour qui il écrit. A l’occasion du vernissage de son premier disque en mars dernier, à la Maison de la Radio de Genève, nous avons eu le plaisir de retrouver entre autres le Quatuor Terpsycordes et Mark Drobinsky, éminent violoncelliste franco-russe, venus donner vie aux pièces du jeune compositeur écrites pour eux. Parmi les œuvres interprétées ce soir-là, le 2e quatuor Légende à Quatre, ainsi que le Concerto pour violoncelle Romanèche Rhapsodie, dédié à Mark Drobinsky. De plus, on assiste à la création d’une Sonate pour violon et piano par son dédicataire, Girolamo Bottiglieri (1er violon du Quatuor Terpsycordes). Gregorio Zanon et Mark Drobinsky ont accepté de répondre à nos questions.

Gregorio Zanon, parlez-nous de votre parcours. Quelles ont été ou sont vos influences ?
G.Z. : J’ai commencé le piano à l’âge de 13 ans, dans l’idée de faire du blues. Puis, j’ai découvert Bartok, selon moi le plus grand génie du XXe siècle et le plus inventif. Ses quatuors à cordes ainsi que ses concertos pour piano sont tout simplement stupéfiants. De cette découverte est née cette forte envie de composer. Par la suite, Brahms et Bach ont occupé une place privilégiée parmi mes influences principales, même si, aujourd’hui, l’œuvre de Prokofiev me touche particulièrement. En outre, j’ai aussi été influencé par les musiques folkloriques ou « pop », comme Bjork.

Gregorio Zanon à l’œuvre

Comment vous situez-vous par rapport au courant contemporain ?
G.Z : A travers la composition, je cherche un retour à une expression directe, à atteindre un langage le plus universel possible, comme l’expression première d’un chant ou d’une exaltation. Aujourd’hui, chacun est « libre » d’exprimer ou de développer ce qu’il souhaite à travers la composition. C’est une véritable aubaine. Si l’on procède à un certain nombre d’expérimentations musicales au XXIe siècle, c’est avant tout pour conquérir une certaine liberté, et pas pour se l’interdire. Ma musique témoigne d’un fort rapport à la nature, aux oiseaux, au sacré ainsi qu’à la coexistence d’émotions ambivalentes, telles la joie et la douleur. Ce qui m’intéresse avant tout, c’est la métamorphose des émotions. La musique est une sorte de laboratoire émotionnel, où la rencontre de deux émotions contradictoires permet de s’élever à une dimension supérieure. Le but de la composition vise évidemment à une élévation, pas uniquement à une expression.

Mark Drobinsky, que vous inspirent les compositions de Gregorio Zanon ?
M.D. : Je m’intéresse depuis toujours à la création contemporaine. J’ai fait beaucoup de musique expérimentale par le passé et suis un fervent défenseur de la musique de notre époque, comme Sauguet, Schnittke ou Denisov. La musique de Gregorio est particulièrement intéressante, car il y a une véritable recherche violoncellistique, malgré certains passages très pianistiques. Il parvient en effet à développer des couleurs et des techniques qui sont propres au violoncelle. Très peu de compositeurs peuvent se vanter d’écrire de la sorte. Son enthousiasme et son intérêt m’ont particulièrement touché, me donnant immédiatement envie de travailler avec lui. Aussi lui ai-je proposé d’écrire un concerto pour violoncelle et orchestre à cordes, qui sont peu nombreux dans le répertoire pour violoncelle.

Romanèche Rhapsodie, qui figure sur le disque, est donc le fruit de votre rencontre.
G.Z : J’ai rencontré Mark à travers André Gayraud, qui organise chaque année un petit festival dans son village de Romanèche, dans l’Ain. Après avoir jeté un œil à mes partitions, Mark m’a laissé entendre que si j’écrivais quelque chose pour lui, il se pourrait qu’il le joue. Cela a été le début d’une magnifique aventure ! J’ai eu la chance de bénéficier des précieux conseils de Mark, afin que ma première œuvre pour soliste soit véritablement adaptée à un virtuose, que l’exploitation de la technique de jeu soit au service de la dramaturgie de l’œuvre. Ayant une bonne connaissance des instruments à cordes, j’ai pu combiner virtuosité instrumentale et composition. La majeure partie du temps, je travaille sur mon violon. Ecrire pour les instruments à cordes reste ce que je préfère, car ce sont, selon moi, ceux qui offrent les possibilités les plus riches.

Propos recueillis par Magali Jank

Parcours : Gregorio Zanon


Né à Genève en 1980, Gregorio Zanon débute ses études de composition en 1997 au Conservatoire de Musique de Genève avec Jean Balissat puis Eric Gaudibert. Il compose en 2001 son premier quatuor à cordes (Quatuor N° 1), fruit de sa collaboration avec le quatuor Terpsycordes. Œuvre jouée à de multiples reprises par le même ensemble en Suisse et à l’étranger, elle remporte en 2003 le prix Fritz Bach de la fondation Crescendo. Entre 2001 et 2004, le jeune compositeur poursuit ses études à la Royal Academy of Music de Londres, notamment aux côtés de Dominic Muldowney. Depuis, commandes et créations s’enchaînent grâce notamment à la rencontre d’artistes confirmés. Création lors du festival Archipel en mars 2005 du deuxième quatuor Légende à Quatre par le quatuor Terpsycordes, suivi en avril 2005 de celle du Concerto Grosso par l’orchestre à cordes London Strings, dirigé par Richard Llewellyn. C’est en mars 2006 qu’aura lieu la création de Romanèche Rhapsody, un concerto dédié au violoncelliste Mark Drobinsky, avec l’orchestre de chambre de Kazan, La Primavera. Sur commande du festival Cully Classique, un troisième quatuor sera créé en juin 2007.

Référence : Gregorio Zanon, Chamber Music. Quatuor Terpsycordes, Mark Drobinsky (violoncelle), Jocelyne Rudasigwa (contrebasse), Xavier Dami (piano), Claves Records, 2006.
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