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De passage à Annecy
Entretien : Claire-Marie Le Guay

Entretien avec une talentueuse pianiste.

Article mis en ligne le décembre 2009
dernière modification le 25 janvier 2010

par Beata ZAKES

La pianiste Claire-Marie Le Guay sera à Annecy le 22 janvier prochain. Elle participera à l’Anniversaire Schumann concoté par l’Orchestre des Pays de Savoie et son chef Nicolas Chalvin.

Le deuxième volume de votre projet consacré au « jeu de miroirs » entre Haydn et Mozart est sorti au printemps. Parlez-nous de ce projet. Où en êtes-vous ?
Ce projet est né d’un programme de concert. Le directeur artistique d’Universal, Yann Olivier, m’a entendu jouer des œuvres de Haydn et Mozart ; il a pensé que « c’était le moment » d’en faire un enregistrement. De nos jours, il est rare d’avoir un dialogue de ce type avec une maison de disques. L’idée m’a plu et je me suis mise à lire des livres sur les deux compositeurs, à chercher les parallèles et les correspondances. Je n’avais pas du tout envie de partir dans une perspective historique, mais plutôt de faire ma recherche dans le domaine des thèmes, des timbres, des couleurs. Une série de cinq ou six programmes est ainsi née en une demi-journée. Un seul a été écarté : celui sur les femmes qui auraient inspiré les deux musiciens... Trop de « muses » pour Amadeus, trop de mystère autour de Haydn... Bref, un troisième volume de la série est en préparation ! Je pense qu’ensuite je me tournerai vers autre chose, un autre projet.

A la question type : « quelle partition auriez-vous emportée sur une île déserte ? », vous répondez sur votre blog : « celle que je ne sais pas encore par cœur ! ». Somme toute, une île déserte fournirait des conditions idéales pour préparer un nouveau concert ?
C’est vrai ! Longtemps je ne savais pas que répondre à cette question... Mon choix de partition changeait selon les époques, selon les humeurs... Après, je me suis dit : « Cela sert à rien d’emporter une partition que je connais déjà, je l’ai dans la tête ! » Tant qu’à faire, je peux toujours essayer de travailler quelque chose de nouveau.

Claire-Marie Le Guay
© Thierry Cohen

Vous aimez voyager à travers le répertoire et faites de nombreuses incursions dans le monde de la musique contemporaine...
Oui, travailler avec un compositeur apporte énormément. J’ai eu la chance de collaborer avec Dutilleux, Carter, Gubaidoulina... J’ai une relation privilégiée avec Thierry Eiscach, que je connais depuis dix ans déjà. Je me souviens encore d’un moment très fort, ma première commande, une œuvre pour piano et orgue que je devais interpréter en première avec lui : ce vertige, cette émotion d’entendre une composition pour la première fois...

En travaillant avec un compositeur, ne ressentez-vous pas parfois une relation un peu schizophrène, un conflit entre la vision de l’auteur et la vôtre ?
Tout dépend du compositeur ! Certains donnent quelques indications et laissent la personnalité de l’interprète transparaître, d’autres tiennent à leur conception. Dans tous les cas, ce type de relation est un enrichissement.

Le travail sur les instruments d’époque remplace-t-il ce dialogue avec le compositeur ?
Oui, certainement. Jouer sur un piano d’époque permet de comprendre certaines nuances ou tours techniques plus aisément. Par exemple, sur un pianoforte de l’époque de Beethoven, il est plus facile d’obtenir cette sonorité tumultueuse, vibrante, caractéristique de la période « Sturm und Drang ».

Vous aimez les voyages à travers des époques, vous donnez également beaucoup de concerts. Le contact avec différents publics est visiblement pour vous très important.
J’aime m’entretenir avec mon public par le moyen d’internet. Cela permet un dialogue avec un certain décalage, car ce type d’échange est souvent difficile, voire impossible après un concert. Tout artiste est avide de l’avis de son audience, mais le moment juste après une prestation n’est pas idéal : qu’est-ce que l’on peut dire à l’artiste, sur le coup, sinon le remercier ? L’état d’esprit dans lequel se trouvent le musicien et le mélomane après un concert est très différent. C’est seulement avec ce décalage, avec cette distance, après un temps de réflexion, que l’on trouve un langage commun. J’attends de mon public des appréciations, mais j’espère aussi trouver de nouvelles idées !

Vous avez grandi dans une famille musicale, vous en avez créé une nouvelle, la vôtre...
Mes deux enfants s’intéressent à la musique, mais je ne voulais rien leur imposer. Je pensais seulement qu’entrer dans ce monde leur permettrait de mieux comprendre mon mode de vie... mes tournées, les moments où je ne suis pas disponible pour eux. Mon fils de cinq ans et demi s’est tourné vers le violoncelle, mon deuxième instrument de prédilection. Mais, après quelques mois, il semble vouloir s’approcher du clavier... Enfin, nous verrons...

Quels souvenirs avez-vous gardé de votre dernière tournée suisse ?
Je suis tombée amoureuse de Zurich ! C’est pour moi une cristallisation de tous les éléments nécessaires pour me sentir bien : une vieille ville très romantique, le lac, les montagnes... Je commence à connaître bien la Suisse et j’espère y retourner bientôt...

Propos recueillis par Beata Zakes

22.1.2010 : Anniversaire Schumann, Orchestre des Pays de Savoie, dir. Nicolas Chalvin, Claire-Marie Le Guay, piano (Wolf, Schumann, Schubert).