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Théâtre du Passage, Neuchâtel
Neuchâtel, Théâtre du Passage : “Les gloutons“
Article mis en ligne le octobre 2007
dernière modification le 22 octobre 2007

par Sophie EIGENMANN

Directeur du Théâtre du Passage, Robert Bouvier est aussi metteur en scène. Il présente ses activités et sa nouvelle création « Les gloutons ».

D’où viennent « Les gloutons » ?
D’une envie lointaine de ne pas me baser sur un texte mais sur des improvisations et d’exprimer ma nature fantaisiste en imaginant des dérapages, d’autres scénarios possibles. Dans les spectacles du répertoire, il y a peu de créations collectives. C’est aussi culturel, car, si on compare les festivals d’Avignon et d’Edimbourg, on découvre qu’en Ecosse ils mettent davantage l’imaginaire en évidence. « Les gloutons » représente un certain risque mais il est nourri par mon expérience de responsable pédagogique à la Haute Ecole de Théâtre, cadre dans lequel on travaille beaucoup sur la libre recherche à partir d’un texte. L’idée est d’inventer des histoires, d’amener des flash backs, des projections mentales ou vidéos, de la danse, du chant, de créer un univers onirique peuplé de fantaisie et accompagné d’un orchestre sur scène.

Les gloutons, avec Julie-Kazuko Rahir et Mike Winter

Pourquoi ce titre ?
Parce que les personnages ont faim d’avoir faim. Ils veulent toujours aller plus loin, vers plus d’émotions et de possibilités. Rêveurs plus que consommateurs, ils se mettent à la place de quelqu’un d’autre, un double rêvé, fantasmé et se créent des échappées qui les amènent à jouer avec la réalité, à dépasser des manques, des frustrations et des désirs inassouvis. La participation d’un spécialiste du vol et la présence du personnage de Mary Poppins dans le spectacle permettent de jouer avec les codes et de créer des mondes différents. Parallèlement, j’ai aussi envie de montrer le monde de la scène, les secrets des coulisses, la fragilité du théâtre quand un comédien a un trou de mémoire ou quand une danseuse tremble de trac. La structure de l’histoire tourne autour de quatre destins de femmes : la première recherche l’amour, la deuxième rêve d’avoir un enfant, la troisième fait un constat après un anniversaire de mariage et la quatrième intervient depuis le paradis et rêve de refaire sa vie. Elle représente aussi les difficultés de l’homme à prendre parfois ses responsabilités.

Qui sont-ils ces « gloutons » ?
J’ai choisi pour ce spectacle de m’entourer de comédiens très différents comme Mike Winter, qui vient de l’univers de la danse, le clown Priska Elmiger, l’humoriste Jean-Luc Barbezat, deux jeunes comédiennes issues de la Manufacture, Tiphanie Bovay et Julie-Kazuko Rahir, la chanteuse Paola Landolt, Joan Mompart qui vient du jeu masqué ou des habitués de la démarche de l’improvisation comme Pierre Misfud et Fabien Ballif. La nouveauté de ce spectacle est aussi ses accents d’ailleurs qui sont un enrichissement. En tant que metteur en scène, je suis aussi un artisan de l’histoire comme les autres. On joue et on cherche ensemble. On est dix sur scène et on a cherché un langage et un questionnement communs. On a travaillé l’aspect chorégraphique avec Joëlle Bouvier. L’idée est de faire une place sur scène aux pensées contradictoires ou incongrues, au combat entre rationnel et loufoque, réalité et fiction. Ces gloutons traversent des moments joyeux ou cruels. Ils sont dans la transgression, l’appétit de se mettre en danger, l’envie de s’échapper et de se lancer des défis, le glissement de l’identité. Un peu à mon image, c’est un spectacle baroque et une déclaration d’amour au théâtre !

De manière plus générale, comment gérez-vous vos activités ?
J’ai créé le Théâtre du Passage en 2000. J’avais envie d’inventer quelque chose de nouveau et je peux dire aujourd’hui que nous sommes sur le chemin. Nous avons une grande liberté institutionnelle car le théâtre s’autofinance à hauteur de 40%. Nous avons fait des projets pour ouvrir l’espace à d’autres publics comme les ateliers d’initiation aux métiers du théâtre adressés aux enfants, ils y découvrent les métiers de maquilleur, costumier, comédien, etc. A midi, nous organisons des concerts accompagnés de collation et les jeunes bénéficient d’un tarif préférentiel. L’année prochaine, cent vingt représentations sont prévues qui comprennent des accueils mais aussi des créations comme « Je ne veux qu’une nuit » par Paola Landolt et Stéphane Rentznik et « Dom Juan » par le Théâtre des Gens. J’ai aussi programmé treize spectacles qui ne sont pas encore créés. J’essaye ainsi d’être solidaire et de soutenir des projets auxquels je crois. La programmation du Théâtre a été bien reçue et les mille six cent abonnements vendus pour un bassin de population de 70’000 personnes sont une belle preuve de fidélité ! Au programme du Passage cette année, il y a du théâtre mais aussi des spectacles pour enfants, un festival de marionnettes, de l’humour, de la chanson et de la danse avec notamment la venue en exclusivité européenne d’un spectacle intitulé « Le lac des cygnes ». Créé par Guandgong Acrobatic Troupe of China, ce spectacle marie avec talent la danse classique et l’acrobatie. Ne pas rester dans le domaine exclusif du théâtre permet aussi d’autres rencontres.

Un spectacle grandit-il en tournée ?
Avec le temps, un spectacle change. Les liens entre les comédiens sont plus forts. Le principe de la tournée permet aussi d’impliquer l’ensemble de l’équipe du théâtre et de casser une certaine routine. Jouer, par exemple, un spectacle qui parle des travailleurs émigrés comme « 5 hommes » à Lille résonne différemment qu’à Genève ou Neuchâtel. C’est la preuve que cette pièce est universelle ! Le défi que je m’étais lancé à mes débuts reste actuel : il faut démocratiser le théâtre !

Propos recueillis par Sophie Eigenmann

Les 25, 26, 28 octobre : LES GLOUTONS, par la COMPAGNIE DU PASSAGE
Plus d’informations sur le site : www.theatredupassage.ch