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Gran Teatro del liceu, Barcelona
Barcelona, Gran Teatro del liceu : “Andrea Chénier“

Sur la scène catalane, ouverture de saison avec un magnifique José Cura en Andrea Chénier.

Article mis en ligne le décembre 2007
dernière modification le 29 octobre 2007

par François LESUEUR

Longtemps à l’affiche des plus grands théâtres, Andrea Chénier semblait ces derniers temps boudé ; ironie du sort, les opéras de Zürich et de Barcelone ouvrent leur saison avec cette oeuvre du compositeur vériste Umberto Giordano, avant Nancy en mars 2008. Sur la scène catalane, José Cura tenait le rôle-titre.

Opéra de ténor où se sont illustrés les Gigli, Del Monaco, Corelli, Bergonzi, Domingo et Pavarotti, Andrea Chénier n’a rien d’inoubliable, mais son intrigue politico-amoureuse sur fond de Révolution Française a tout pour être attachante, pour peu que les interprètes principaux dépassent les conventions du genre et consentent à chanter avec leurs coeurs et leurs tripes.

José Cura (Andrea Chenier). Photo Bofill.

Le choix de José Cura, figure de proue de cette production, où alternent Fabio Armiliato et Carlo Ventre, est une évidence. Chanteur splendide et acteur frémissant, ce dernier n’a aucune difficulté à se glisser dans la peau du poète rattrapé par la Terreur et décapité à l’âge de 32 ans. Dans une forme vocale conquérante, Cura s’approprie de façon idéale les propos de Chénier dès l’"Improvviso", prêtant son timbre de bronze et son tempérament de fauve blessé aux dernières heures de ce poète révolté (magnifique "Come un bel di di maggio" au quatrième tableau). Il nous fait croire à son personnage car il est de bout en bout tenu, émouvant et crédible.

S’il s’était senti porté par le regard d’un metteur en scène inspiré, son incarnation aurait atteint des sommets, or le spectacle de Philippe Arlaud déçoit par sa désinvolture, sa vision fantasmée et décalée de la tourmente révolutionnaire, qui dilue les émotions sous une avalanche d’effets visuels et auditifs grandiloquents, finalement artificiels. Décors et lumières changent et tournent sans cesse, danseurs et figurants s’agitent en tous sens, le son de la guillotine retenti, uniquement pour meubler le vide. La première Maddalena de Deborah Voigt est un total contresens. Passe encore que la chanteuse paraisse engoncée dans ses robes de jeune fille, car son chant et son interprétation auraient pu faire oublier cette détresse scénique. Mais ni la voix qu’elle a raide et courte, ni l’expression plate et uniforme, ne lui permettent d’investir le caractère instinctif de cette héroïne romanesque pour laquelle elle n’a aucune empathie et dont la tessiture la met en difficulté : le répertoire italien n’est pas fait pour ses cordes.
Au milieu d’une cohorte de petits rôles chantés avec des lambeaux de voix par une distribution hétérogène (même la présence de Viorica Cortez en Comtesse de Coigny passe inaperçue) se détache heureusement le Gérard magnifiquement campé et timbré de Carlos Alvarez, qui s’affirme de rôle ne rôle, comme l’un des plus éloquents barytons de son temps.
Une direction survoltée aurait sans doute motivée les troupes et souffler un vent salvateur sur le plateau, mais celle de Pinchas Steinberg tiède et sans relief, ne suscite qu’un intérêt très relatif. Pour Cura et Alvarez.

François Lesueur

Gran Teatro del liceu Barcelona : 29 septembre 2007 Andrea Chénier de Umberto Giordano