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Au Théâtre du Grütli, Genève, puis à L’Arsenic de Lausanne
Genève & Lausanne : “Kernel“ de Cindy Van Acker

La chorégraphe et danseuse Cindy Van Acker présente Kernel au Grütli, puis à L’Arsenic de Lausanne.

Article mis en ligne le juillet 2007
dernière modification le 24 juillet 2007

par Bertrand TAPPOLET

Respiration et concentration fondent Kernel imaginé par la chorégraphe et danseuse Cindy Van Acker pour un chœur composé d’anatomies féminines reprenant un même phrasé chorégraphique. Ou le "partitionnant", le diffractant entre elles, mais toujours de manière asynchrone et décalée.

Lumineux rappel corporel de ce que suggère la dramaturgie d’une tragédie de la déploration comme Les Perses d’Eschyle, où un même événement est narré par le prisme successif de trois instances distinctes : le messager, la Reine des Perses et le souverain défait par les Grecs, Xerxès. Pour Kernel, trois interprètes ne sont pas ensemble et pourtant produisent ensemble un chant corporel singulier. Il constitue un effet de bruissement, de tuilage et d’essaimage de gestes, comme des lignes mélodiques qui se superposent en une étrange vibration.

Kernel, photo de répétition

Kernel (ou le centre du noyau) est un minutieux travail de visualisation intérieure, d’une attention extrême portée au volume corporel. Il est hanté d’une perception et d’un arpentage architectoniques et sensibles de l’agora de la représentation, volume bâti réunissant regardeurs et interprètes. L’espace est envisagé comme un ensemble de trajectoires constituées par des points invisibles reliés entre eux. Travail où le regard s’aiguise sur les lignes que dégagent gestes et postures, jusqu’à percevoir les micromouvements des danseuses qui semblent glisser à la surface des choses comme une ondée de sons. "Soit cette trinité corporelle se partage une phrase chorégraphique, soit ces trois corps singuliers n’en forment en quelque sorte plus qu’un, souligne la chorégraphe. Je souhaite aussi, dans un processus mental et physique, faire exploser l’espace concret. Raison pour laquelle la pièce débute avec les danseuses évoluant contre les murs, confrontant la matière de leur corps avec celle de l’infrastructure architecturale. Au fil de cet opus, nous allons vers une matière qui est paradoxalement la plus immatérialisée possible."

Respirer l’espace
Au stade d’une répétition partielle de l’opus, on relève, qu’au battement hypnotique d’une goutte de pluie s’écrasant au sol, semblable à un tempo de métronome, s’adjoint une composition sonore organique et stratosphérique, à la fois tutrice et contrepoint dynamique de la chorégraphie. La chanson de gestes démultipliés qui semble partir de la matière moléculaire, du cellulaire pour accéder aux dimensions d’un univers, d’une constellation de mouvements, s’origine dans le bassin. D’où ses enroulements de bras du tronc jusqu’au cou, lianes ou cordon ombilical de l’être se repliant sur lui-même. Et ce déploiement de corps le long des parois de la "camera oscura" du Grütli, tels des compas tournoyants. Tout est parcours dynamique ici, avec un sentier luminescent proposé au public, qui dessine des stations successives, permettant à chacun de faire coulisser son regard en ajustant à loisir ses visées, cadrages et angles de vue. En découle une interrogation résumée par Michel Foucault : "Il y a des moments dans la vie où la question de savoir si l’on peut penser autrement que l’on ne pense et percevoir autrement qu’on ne voit est indispensable pour continuer à regarder ou à réfléchir."

Bertrand Tappolet

"Kernel", Théâtre du Grütli du 4 au 16 juin.
Rés. : 022 328 98 78
Théâtre de l’Arsenic du 15 au 18 novembre.
Rés. : 021 625 11 36