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Film d’octobre 2008 : “Gomorra“
Article mis en ligne le octobre 2008
dernière modification le 29 octobre 2011

par Jeremy ERGAS

Gomorra


de Matteo Garrone, avec Toni Servillo, Gianfelice Imparato, Maria Nazionale, Salvatore Cantalupo, Italie, 2008.

Un écran noir. Gomorra a déjà commencé depuis quinze secondes, mais aucune image n’apparaît. Seuls des sons durs surgissent, que l’on ne comprend pas. Puis le spectateur est témoin d’une quadruple exécution par balles dans un institut de beauté. L’intérieur de l’institut est sombre, les stores sont baissés : la caméra se penche sur les cadavres ensanglantés et les observe de près, sans pudeur.
Les lueurs bleues des solariums bourdonnent encore, insupportables. Les peaux des cadavres continuent de bronzer : bientôt, elles brûleront comme celles des Gomorrhéens sur lesquels Dieu a fait s’abattre une pluie de feu.

« Gomorra » de Matteo Garrone

C’est sur ce règlement de compte entre deux clans de la Camorra – la mafia qui régit Naples et la région de Campanie – que s’ouvre la dernière œuvre de Matteo Garrone adaptée du best-seller du journaliste et écrivain Roberto Saviano. Sans préliminaires, le spectateur est plongé dans l’univers sanglant et impitoyable de la mafia napolitaine. Prisonnier des monstrueux immeubles locatifs de la banlieue de Scampia (au nord de Naples), il suit les destins croisés de huit personnages vivant au cœur de la Camorra. Les plans rapprochés, la caméra en mouvement et la musique prenante de Massive Attack créent une atmosphère intimiste : le spectateur fait partie de l’action, il voit les meurtres et les trafics comme s’il y était. Rien ne lui est épargné, aucune échappatoire n’est possible, si ce n’est de quitter la salle comme plusieurs personnes le font devant moi. Le sang coule à flots, la violence est omniprésente, mais jamais gratuite. Un film qui veut mettre à nu la réalité de la Camorra se doit d’être sans concessions.
En cela, le film de Matteo Garrone fait honneur au courage de Roberto Saviano, qui a mis sa vie en péril pour offrir au public une image véridique du joug mafieux qui étouffe le sud de l’Italie. Depuis la sortie de son livre, ce Napolitain de 29 ans menacé de mort a dû quitter sa ville pour vivre dans un lieu secret sous protection rapprochée. Plusieurs clans planifient son assassinat. Comme pour rappeler que Gomorra, ce n’est pas seulement du cinéma : c’est aussi un quotidien auquel certains ne peuvent se soustraire.

Jeremy Ergas