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Musée des beaux-arts, Lausanne
Trois questions à Frédéric Elsig
Article mis en ligne le décembre 2007
dernière modification le 22 janvier 2008

par Laurent CENNAMO

L’historien de l’art Frédéric Elsig est Maître-assistant à l’Université de Genève. Dans le cadre de l’exposition lausannoise, il s’est chargé d’établir le catalogue des peintures des écoles du Nord (XVIe-XVIIIe siècles). Entretien.

Frédéric Elsig, en quoi a consisté votre travail dans le cadre de cette exposition ?
Le Musée Cantonal des Beaux-Arts de Lausanne m’a confié le mandat du catalogue des peintures des écoles du Nord de 1500 à 1800. Dans un travail comme celui-ci, la première chose à faire est visiter les réserves afin d’effectuer un examen précis de chaque œuvre. C’est un travail de découverte, de défrichage extrêmement stimulant ! La seconde étape consiste à cerner au plus près l’identité stylistique de chaque œuvre (analyse stylistique, attribution, datation, etc.), d’en évaluer la « qualité ». La notion de « qualité » d’une œuvre est assez difficile à définir, elle conjugue l’invention, la disposition, l’exécution technique et enfin l’état de conservation. Nous avons finalement sélectionné une quarantaine de pièces faisant partie des Ecoles du Nord ; une vingtaine d’entre elles est exposée dans la première salle de l’exposition.

Des surprises à attendre pour le public ?
Les œuvres présentées sont pour la plupart totalement inconnues du public, elles se trouvaient dans les réserves depuis la fondation du musée en 1841 ! Aucune analyse systématique n’avait été pratiquée sur ces peintures par le passé. Elles n’ont fait l’objet d’aucune publication au XXe siècle. Les trois catalogues parus au XIXe siècle n’étaient que des listes d’œuvres…
Une exposition comme « Du Nord » permet de mettre en évidence la physionomie d’un musée, de faire l’histoire de ses acquisitions. La revalorisation des fonds anciens est un mouvement assez général en Europe depuis quelques années.

Quelles sont les œuvres qui vous semblent les plus remarquables ?
En premier lieu le tableau représentant une scène de l’Ancien Testament, la Rencontre de David et Abigaïl, qui fait l’objet de la couverture du catalogue. Cette œuvre se rattache à une mode qui marque la peinture hollandaise de chevalet durant le deuxième quart du XVIIe siècle et qui se caractérise par une représentation presque monochrome, proche de l’esquisse, le plus souvent à dominante brune. Au début du XXe siècle, ce tableau a pu être ainsi attribué au peintre le plus emblématique de cette tendance : Rembrandt. Cette attribution à Rembrandt est intenable, on ne retrouve ni ses morphologies, ni son invention, ni ses empâtements caractéristiques. Cette peinture ignorée jusque là des spécialistes doit désormais être intégrée au catalogue d’un peintre plus âgé, également illustrateur et caricaturiste de talent, Adriaen Pietersz van de Venne. Le tableau de Jan van Vucht montrant l’Intérieur d’une église est incontestablement l’une des belles découvertes de l’exposition.
Dans les anciens catalogues, on l’attribue au peintre anversois d’intérieurs Peter Neefs. La palette brunâtre ainsi que la matière moins fluide le rattache plutôt à Jan van Vucht. La place de cette œuvre de qualité est désormais dans une collection permanente. D’autres toiles constituent d’intéressantes redécouvertes : la délicate Vierge à l’Enfant et anges du Cercle de Quentin Metsys (vers 1525) qui ouvre l’exposition, le beau trio de natures mortes du XVIIe, ou encore le Joyeux Repas de Hendrik Govaerts : un repas aphrodisiaque (les huîtres !), une scène totalement immorale emplie d’allusions érotiques.

Propos recueillis par Laurent Cennamo

Publication : Frédéric Elsig, Peintures des écoles du Nord (XVIe-XVIIIe siècles). Collections du Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne. Les Cahiers du Musée des Beaux-Arts de Lausanne 16, 2007, 112 pages.
Tel. +41 (0) 21 316 34 45, www.beaux-arts.vd.ch