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De Paris à Montpellier
Montpellier : Emil Nolde

Après le Grand Palais à Paris, c’est au tour du Musée Fabre de Montpellier de présenter la rétrospective de l’œuvre d’Emil Nolde, expressionniste allemand.

Article mis en ligne le novembre 2008
dernière modification le 30 mai 2009

par Régine KOPP

Dès le 7 février, et jusqu’au 24 mai, il faudra se rendre à Montpellier, au Musée Fabre, pour voir la rétrospective de l’œuvre d’Emil Nolde (1867-1956), un des plus importants artistes de notre temps, figure solitaire de l’expressionnisme allemand, particulièrement méconnu du public français, trop souvent peu curieux de ce qui se passe outre-Rhin, ne se satisfaisant que de quelques clichés.

Entre expresionnisme et fauvisme
En réunissant soixante-dix peintures et une quarantaine de gravures et aquarelles, provenant de musées nationaux ou internationaux mais pour l’essentiel, prêtées par la Nolde Stiftung Seebüll (demeure où le peintre s’installa en 1926), le commissaire de l’exposition, conservateur en chef du Musée Fabre de Montpellier, Sylvain Amic œuvre en faveur d’une meilleure connaissance de nos voisins, ne se focalisant pas sur la seule période nazie de l’artiste, largement évoquée toutefois au cours du parcours. Nolde a 68 ans à l’arrivée au pouvoir des nazis. Son adhésion au Parti national socialiste en 1934 ne le protègera en aucun cas d’une interdiction de peindre en 1941, précédée auparavant d’une mise à l’index de ses œuvres, puisqu’en 1937, les œuvres de Nolde sont retirées des musées allemands et font partie de l’exposition d’Art Dégénéré à Munich. Lui, qui pensait incarner le génie allemand fait donc figure de paria. Cela ne l’empêchera cependant pas de produire clandestinement des centaines de petites aquarelles, présentées dans l’exposition sous le titre « images non peintes ».

Thèmes
Pour présenter l’œuvre de cet artiste, le parcours à priori chronologique s’organise en sections thématiques : pays, années de combat, bible et légendes, nuits de Berlin, Welt, Heimat, images non peintes, mer. Quelques lignes biographiques indiquant les origines paysannes de l’artiste puis son orientation vers la sculpture sur bois, l’enseignement à Saint Gall en Suisse, avant de devenir peintre, accueillent le visiteur. Premier choc pour le visiteur, Les Géants de la montagne (1895), premier tableau de l’artiste, qui n’est pas sans rappeler les œuvres d’Ensor, nourries de grotesque et de mystérieux. Il peint les montagnes suisses, en les métamorphosant en figures grotesques, en tire des cartes postales qui font un tabac. Nolde abandonne alors l’enseignement pour se consacrer à la peinture. Au cours de ses années d’apprentissage, les influences picturales sont nombreuses : Van Gogh, Matisse, Gaughin qu’il admire, l’impressionnisme français contre l’emprise duquel il lutte en leur préférant la lumière froide et bleue de l’école danoise. Jour de moisson (1905) avec ses couleurs appliquées en touches larges et grasses est aussi le premier tableau accepté à la Sécession de Berlin en 1906.

Décadence
C’est à ce moment-là, qu’il se rapproche des peintres du mouvement Die Brücke, Kirchner, Pechstein, Schmitt-Rottluff qui ne peuvent être que séduits par ses tempêtes de couleur. La jeunesse et le vitalisme du groupe stimulent Nolde. Il peint des jardins, composés comme une mosaïque de couleurs : Jardin de Burchard (1907), Jardin de Trollhois (1907), Devant la clôture verte (1907) séduisent par leurs audaces dans l’empâtement et le chromatisme. Passage de courte durée dans ce groupe qu’il délaisse un an après, rejoignant en 1808 la Sécession berlinoise, ne participant aux expositions qu’en 1910 et 1911. C’est l’époque, où il réalise des tableaux intensément colorés sur la vie nocturne à Berlin, les cafés, les cabarets, les bals masqués. Le spectacle de la décadence le fascine et le dégoûte à la fois. Le noir des fracs contraste avec les toilettes colorées des femmes et la lumière artificielle transforme les carnations.

Une véritable découverte de cette rétrospective est l’œuvre religieuse de Nolde, qui correspond à sa profonde spiritualité et qu’il réalise dans la tradition des retables médiévaux. Elle démarre en 1909 avec La Cène et Pentecôte, pour trouver son apothéose dans le polyptique La Vie du Christ (1911-1912), que la Fondation a prêtée pour la première fois. L’œuvre traitée avec une sauvagerie de primitif est alors refusée et considérée comme l’œuvre d’un malade. L’expressivité des couleurs, la simplification des traits, la monumentalité des figures, qui caractérisent cette œuvre, mettent le public mal à l’aise. Comme de nombreux artistes modernes, Nolde s’intéresse à l’art extra-européen. Il entreprend en 1913-1914 un voyage en Papouasie-Nouvelle Guinée, au cours duquel il multiplie les esquisses, réalise une série de portraits magnifiques à l’aquarelle et encre de chine de têtes d’indigènes, mais aussi des peintures, plus discutables comme Forêt tropicale, Soleil des tropiques, Famille papoue.

La mer
Après cet intermède exotique, il s’installe dans ce pays du Schleswig, une terre à laquelle il est profondément attaché. Des motifs assez conventionnels comme des moulins, des fermes, des marais ou des paysans l’inspirent mais un nouveau motif apparaît celui des tournesols, auquel il consacre près de quarante tableaux : Grands tournesols (1928), Ciel bleu et tournesols (1928), Tournesols mûrs (1932) rappellent bien sûr ceux de Van Gogh et sont tout aussi impressionnants. Nolde a toujours vécu et peint au contact de l’eau, le Schleswig touchant à la mer Baltique et la mer du Nord. C’est ce thème de la mer, miroir de l’âme du peintre qui clôt l’exposition, plongeant le visiteur dans l’abstraction, avec la série des Mer d’automne VII (1910), IX (1910), XI (1910), un ensemble de tableaux rageurs, violents.
Pour mettre en valeur l’œuvre, le scénographe Yves Kneusé a imaginé une promenade de planches de bois, sur laquelle sont installés des cabanons où sont accrochées les œuvres. Une scénographie sobre pour révéler une œuvre foisonnante et exceptionnelle !

Régine Kopp

www.rmn.fr
Ouvert tous les jours sauf mardi de 10h à 20h
Nocturne le mercredi jusqu’à 22 heures.
Cette exposition sera visible à Montpellier du 7 février au 24 mai.