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Forum Meyrin
Meyrin : Révolution

L’exposition Révolution permet de revenir sur les conflits sociaux, économiques et politiques les plus révélateurs du siècle écoulé.

Article mis en ligne le avril 2009
dernière modification le 27 avril 2009

par Sylvia MEDINA-LAUPER

Changer la vie, voici le vaste programme que propose la dernière théma du Forum de Meyrin. Avec Révolution réalisée en collaboration avec l’agence Magnum Photos, cette rétrospective intégrant films, publications et, bien entendu, les clichés les plus célèbres de neuf photographes incontournables, cette exposition nous permet de revenir sur les conflits sociaux, économiques et politiques les plus révélateurs du siècle écoulé.

Si l’agence Magnum Photos constitue une référence dans l’univers de la photographie, ce n’est pas uniquement parce qu’elle témoigne des événements marquants de notre époque, c’est aussi parce que, pour la première fois en 1947, un groupe de 4 photographes fait souffler un vent révolutionnaire dans le monde du photojournalisme. En créant Magnum, Henri Cartier-Bresson, Robert Capa, George Rodger et David Seymour se donnent les moyens d’une totale indépendance, corollaire indispensable de leur engagement. Ces quatre hommes de conviction connaissent l’impact du médium photographique. Ils imposent aux journaux qui les emploient le libre choix des reportages, de leur durée, ainsi que la propriété des négatifs, la maîtrise du copyright et le contrôle de la diffusion : tous les attributs du statut d’auteur qui jusque-là étaient détenus par les rédactions des périodiques. Ainsi, ils peuvent enfin témoigner des soubresauts du monde et provoquer une prise de conscience. Séduits par cette énergie et partageant la même éthique, d’autres photographes ne tardent pas à les rejoindre, donnant naissance à l’un des collectifs de créateurs les plus prestigieux. Magnum Photos rassemble aujourd’hui plus de 60 photographes, toujours membres à parts égales de la coopérative.

Réflexion
Les 9 photographes exposés interrogent directement notre capacité à l’intranquillité. Que nous soyons comme eux, impliqués ou non dans un conflit, qu’il trouve en nous un écho favorable, ou au contraire, qu’on le déplore, sommes-nous encore sensibles aux destins malheureux ? Sept révolutions aux issues fort différentes pourront vous donner quelques réponses.
Le Picture Post dans son édition du 3 décembre 1938, présente le « plus grand photographe de guerre au monde : Robert Capa », et montre vingt-six clichés pris durant la guerre civile espagnole. Né de parents juifs à Budapest en 1913, celui qui s’appelle alors Endre Friedmann étudie les sciences politiques à Berlin. En 1933, avec l’arrivée du chancelier Hitler, il fuit le régime nazi et s’installe à Paris où il rencontre la journaliste et photographe Gerda Taro. Ensemble, ils créent ce personnage américain « Robert Capa » sous le pseudonyme duquel Friedmann vendra ses images.
Robert Capa n’a que 22 ans lorsqu’il couvre la guerre civile espagnole en juillet 1936, et ses reportages paraissent régulièrement. Capa a un style bien précis, qui convient particulièrement bien à l’esthétique de cette geste révolutionnaire, « il s’intéresse à l’éphémère de la vie, aux instants fragiles d’une existence. Dans toutes ses photographies, Robert Capa tenta de prendre l’instant où l’Homme fait face au danger et parfois à la mort ». Le meilleur exemple pour illustrer ce propos tient dans le cliché qu’il prit sur le front de Cordoue, cette fameuse photographie du milicien espagnol frappé par une balle. Cette photographie fit très vite le tour du monde.

René Burri, photographe suisse né à Zürich en 1933, travaille davantage sur le long terme. Dans les années 50, Burri photographie presque tous les grands événements de l’époque : les guerres de Corée, du Viet-Nam, les crises de Cuba et d’Amérique latine. Il n’y a pas de cadavres sur ses photos de guerre, il est surtout célèbre pour ses images fortes, qui renvoient aux événements les plus tragiques, mais également pour ses compositions graphiques. Le fameux portrait d’Ernesto Che Guevara, c’est lui. Ce photographe a indéniablement contribué à mythifier le célèbre révolutionnaire au cigare, celui qui deviendra el Che. C’était à la Havane, en janvier 1963 et René Burri se confie ainsi à François Maspero, « C’est l’état de guerre entre Cuba et les Etats-Unis.[...] Ce jour-là, photographe de l’agence Magnum, j’accompagne la journaliste Laura Bergquist pour une rencontre qui, dans ce contexte, est littéralement extraordinaire : il s’agit d’interviewer [...] le numéro deux de la révolution cubaine, Che Guevara. [...] Deux heures d’entretien, deux heures d’affrontement d’une tension extrême. Non seulement la journaliste représente l’ennemi yankee abhorré, mais elle pratique le journalisme à l’américaine, la question-provocation : en face d’elle, l’homme qui, lui, représente, aux yeux des dirigeants et de l’opinion des Etats-Unis, l’homme à abattre plus encore que Fidel Castro, et qui n’est pas en mal de réponses-provocations. C’est le choc de deux conceptions du monde, inconciliables. [...] ».

Burt Glinn (1925 en Pennsylvanie-2008 à New York), lui, fut le grand témoin des événements phares de l’Histoire, comme le débarquement américain à Beyrouth, ou la construction du mur de Berlin. Dès 1956, il couvre l’arrivée de Fidel Castro débarquant à Cuba avec une seule cargaison d’armes et 81 guerilleros dont Ernesto Guevara fait partie. Il suivra les avancées de ces partisans jusqu’au renversement du dictateur cubain Fulgencio Batista en janvier 1959.

Les photos de Josef Koudelka (né à Boskovice en Moravie en 1938) reflètent les déchirements, les révoltes et les tourments de son pays. En août 1968, Josef Koudelka est dans la capitale tchécoslovaque lors du Printemps de Prague ; ses clichés, d’une grande valeur historique et iconographique, témoignent de la fin des espoirs de démocratisation du pays. « L’invasion de la Tchécoslovaquie par la Russie touchait directement ma vie. C’était mon pays. J’ai pris ces photos pour moi, pas pour un magazine. C’est pur hasard si elles ont été publiées. Je n’étais pas reporter ». En 1969, il reçoit le prix Robert Capa pour ces images, mais il attendra la mort de son père en 1984, pour en revendiquer la paternité.

Jean Gaumy (né en 1948) et Guy Le Querrec (1941) font partie des figures françaises du photojournalisme. Tous deux sont empreints d’humanisme, et pour eux, la relation avec le sujet est primordiale. Influencées par Cartier-Bresson, les images de Le Querrec traitent de rencontres, de moments de reconnaissance. Tous deux entreprennent leur voyage au Portugal lors de la Révolution des œillets, le Querrec en tire des portraits saisissant d’ouvriers, de paysans et de pêcheurs en pleine manifestation. Gaumy sera d’ailleurs frappé « par le mélange d’idées en avance sur leur temps ». Seule la PIDE, la redoutable police politique qui a entretenu la terreur durant 48 ans de dictature salazariste, oppose une résistance qui fera six morts. Le lendemain, une foule énorme se masse au centre-ville, près du marché aux fleurs, pour appuyer les rebelles de l’armée. Au bout des fusils, un œillet rouge…

Abbas (né en 1944) est un photographe iranien vivant à Paris. De 1970 à 1978, il publie dans les magazines internationaux, les conflits politiques et sociaux du Biafra, du Bangladesh, du Viêt Nam, du Moyen Orient, du Chili, et de l’Afrique du Sud avec un essai remarqué sur l’apartheid. Il couvrira la révolution iranienne au cours des deux années suivantes. Iran, janvier 1979, le Chah est obligé de s’exiler, après des mois de manifestations dues au mécontentement croissant d’une nation toute entière qui s’élève contre ce régime autoritaire. C’est la fin de plus de 2500 ans de monarchie. Le 1er février, l’ayatollah Khomeyni, exilé en France, rentre à Téhéran et donne une tournure tragique à la révolution islamique. Tout espoir de démocratie est alors anéanti quand la « mollarchie », en manipulant les diplomates américains, fait de l’Iran une république islamique. Abbas, publie alors Iran, la révolution confisquée et doit s’exiler pendant 17 ans. Poussé par le désir de comprendre les tensions internes qui tiraillent les sociétés musulmanes, il se consacre, de 1987 à 1994, à une vaste fresque sur la résurgence de l’islam dans le monde. L’essai et l’exposition qui en résultent, Allah O Akbar : A Journey Through Militant Islam, seront particulièrement remarqués après l’attaque du 11 septembre.

Susan Meiselas (née en 1948 aux Etats-Unis) s’intéresse pour la première fois au Nicaragua en janvier 1978, après l’assassinat du directeur de la publication d’un quotidien opposé au régime du dictateur Somoza. Elle décide de s’y rendre, sans aucune garantie financière de la presse, puisque le Nicaragua n’est pas dans l’actualité. En juillet 1979, le Front Sandiniste de Libération Nationale (FSLN) renversait la dictature de Somoza. Meiselas porte alors à la vue de tous la victoire sur le régime de Somoza par le peuple nicaraguayen. Le nouveau régime se heurte à l’hostilité des Etats-Unis qui finance et arme la contre-révolution, une guerre civile faisant plus de 40’000 morts et déviant la majeure partie des ressources du pays. La photographe couvrira pendant un an cette guerre civile.

Jonas Bendiksen, Norvégien né en 1977, engagé à Magnum à l’âge de dix-neuf ans, décide de se consacrer au photojournalisme en lui donnant une orientation clairement préoccupée par la grande pauvreté. Derrière son objectif, il a immortalisé les conditions de vie d’inconnus vivant dans des quartiers pauvres et bidonvilles de plusieurs pays, dont le Kenya.

Sylvia Medina-Lauper

Jusqu’au mercredi 8 avril
Théâtre Forum de Meyrin. Entrée libre !