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Fondation Gianadda, Martigny
Martigny : Hans Erni

Hans Erni est à l’honneur à Martigny où une magnifique exposition lui rend hommage.

Article mis en ligne le février 2009
dernière modification le 2 mars 2009

par Firouz Elisabeth PILLET

Invité une première fois en 1989 par la Fondation Pierre Gianadda,
Hans Erni y revenait dix ans plus tard. L’artiste lucernois est à nouveau convié par la Fondation Gianadda à Martigny. L’exposition, qui s’affirme comme un hommage à l’artiste lucernois, a ouvert ses portes
le 28 novembre et se tiendra jusqu’au 1er mars 2009.

Celui dont le nom évoque à chaque Suisse de fameuses séries de timbres, la Fête des Vignerons ou des affiches d’expositions diverses devenues mémorables, fêtera ses cent ans le 21 février 2009. Et si son âge canonique et sa vitalité impressionnent, il est à supposer que l’artiste, qui se met quotidiennement à l’ouvrage, puise sa longévité dans l’essence même de son art.

Artiste emblématique
Heureux hasard du calendrier : la Fondation Gianadda fête cette année ses trente ans d’existence. Il était donc normal qu’elle invite un artiste emblématique du pays : Hans Erni, immense artiste suisse qui a traversé le siècle, une sorte de monument national bien vivant et toujours très actif. L’exposition qui lui est consacrée n’est pas une rétrospective mais la présentation synthétique d’une œuvre de plusieurs décennies, à travers plusieurs périodes, et par conséquent des styles très variés, de l’abstraction version cubiste à l’affiche, du timbre-poste à la fresque, de l’esquisse ethnographique à la gravure pour livres, de la sculpture à la tapisserie.
Toujours alerte, lucide, actif et combatif, on découvre l’artiste sur l’affiche de l’exposition, en portrait, à travers une vitre sur laquelle il est en train de peindre. S’il faut suivre un guide pour découvrir cette exposition, c’est sans aucun doute l’artiste et sa créativité. En effet, le commissaire de l’exposition a pris le parti de glaner des œuvres dans chaque période et de les exposer dans le désordre. Cette absence de fil conducteur dans les œuvres exposées agacera plus d’un visiteur. Il est recommandé d’en faire abstraction et de savourer chaque pièce sans se mettre en quête de corollaires avec le reste de l’exposition. Pour les dubitatifs, précisions que la majorité des œuvres de l’exposition n’a jamais été exposée antérieurement à Martigny.

Invitation au voyage
Pour apprécier l’exposition dans son abondance, il faut se laisser porter par chaque tableau, dans une invitation au voyage tant temporel que spatial. Des paysages classiques de jeunesse à la période abstraite – période durant laquelle Erni côtoyait de grands noms tels que Picasso, Braque, Juan Gris, Calder, Arp. Féru des grands formats, Erni a peint quelques portraits célèbres dont celui d’un autre Suisse tout aussi célèbre : Einstein. A mi-chemin vers le sous-sol, la petite galerie intermédiaire présente une période moins connu du grand public : les expéditions africaines. En 1951, Jean Gabus, alors directeur du Musée d’ethnographie de Neuchâtel, propose à Hans Erni de le suivre dans une mission en Mauritanie – en 1971, ils sont au Niger. Par nombre de temperas, de gouaches et de dessins, l’exposition dévoile ces insolites parenthèses dans l’œuvre du peintre. Comme à l’accoutumée chez Gianadda, les éléments de la vie l’artiste sont exposés, avec moult commentaires : Vie quotidienne, artisanat, techniques, et la fameuse palette de couleurs propre à Erni, réputée contenir plus de pigments que la normale, d’où ces nuances si subtiles dans ses tableaux. Les carnets d’esquisses, accompagnés de notes de voyages fournies et enrichissantes, livrent un peu de l’intimité de é’artiste.
L’exposition se poursuit avec diverses facettes de l’œuvre colossale de Hans Erni : dessins, gravures, céramiques, affiches murales, timbres (200 ont été réalisés jusqu’à aujourd’hui), illustrations, médailles, décors de théâtre, des photographies prises au cours de ses voyages en Inde, en Afrique et en Chine. En bas, juste avant d’arriver dans la section des automobiles anciennes, un film tourné en 2007 et 2008 dans lequel l’artiste se confie. A découvrir aussi : une série de billets créés à la demande de la banque nationale suisse. Série magnifique mais jamais mise en circulation pour des raisons politiques.

Ostracisme
L’artiste bénéficie de son musée depuis 1979, mais à l’intérieur de celui des Transports de Lucerne, ce qui dénote le rejet des institutions helvétiques et, depuis trois décennies, des galeries privées, est ouvertement affiché. Ni le Kunsthaus de Zurich, ni les Kunstmuseum de Berne ou de Bâle font au peintre une place, même petite. Et, si en temps de guerre, les convictions pacifistes ou ses sympathies pour les pays communistes ont déplu en haut lieu, cette volonté d’occulter l’artiste et son œuvre ne provient plus de ses prises de position politiques. La Fondation Gianadda a eu le courage et l’amitié d’organiser une telle exposition, et permettra ainsi à un large public de traverser plus de 80 ans de création.
Jacques Dominique Rouiller, commissaire de l’exposition, commente dans le très documenté catalogue de l’exposition : « De par sa longévité, il semble un phénomène, mais l’argument ne tient pas pour cet être à la fois Minotaure, taureau et toréador, démiurge éclairé, touche-à-tout, et surtout homme en projets qui aura conservé jusqu’au terme de son existence ce goût viscéral d’entreprendre avec une passion dont il ne se départira jamais. »
Notons pour terminer que, en complément, les affiches de Hans Erni – que certains estiment de moindre intérêt par rapport au reste de l’œuvre – sont présentées au Manoir de Martigny.

Firouz-Elisabeth Pillet

L’exposition est à visiter tous les jours de 10 à 18 heures.
ww.gianadda.ch