Arts-Scènes
Slogan du site

Cinéma Danse Expositions Musique Opéra Spectacles Théâtre

Fondation Gianadda, Martigny
Martigny, Fondation Gianadda : Offrandes aux dieux d’Egypte

Après New-York, c’est la Fondation Gianadda qui prend le relais de cette magnifique exposition
à travers 73 œuvres égyptiennes antiques.

Article mis en ligne le mai 2008
dernière modification le 14 juin 2008

par Sarah CLAR-BOSON

La Fondation Gianadda prend le relais de cette magnifique exposition, initialement concoctée par le vénérable Metropolitan Museum of Arts de New York, et nous emmène en promenade de trois mille ans à travers 73 œuvres égyptiennes antiques plus étonnantes les unes que les autres, et pour une fois, le cadre gallo-romain de la bâtisse valaisanne s’harmonise à merveille en se transformant en précieux écrin abritant ces pièces d’exception à la splendeur retrouvée.

L’exposition octodurienne donne à voir un ensemble chronologiquement large, où la technique se développe principalement entre le Moyen Empire (vers 1750 avant J.-C.) et l’Egypte ptolémaïque (de 332 à 30 avant J.-C.), et connaît son apogée absolue à la fin du Moyen Empire.

Une grâce captivante
Les pièces présentées, comprenant plusieurs authentiques chefs-d’œuvre esthétiques dont la grâce captive toujours autant, posent très directement tout un nombre de questions à éclaircir. Tout d’abord, l’usage exact de ces statuettes, qui cache encore certains mystères. Le corps humain semble en effet faire office de réceptacle ou d’intermédiaire privilégié entre les domaines terrestres et célestes. Ensuite, leur datation exacte, où les prouesses technologiques actuelles n’ont pas fini d’explorer un champ d’investigation encore large. Par exemple, les splendides bronzes noirs, à la patine éblouissante due à l’ajout d’or et d’argent dans la masse de bronze, sont uniques à la production égyptienne antique dans leur état, et révèlent une recherche constante d’élégance et de perfection dans les rendus polychromes, même si parfois le temps a altéré leur éclat initial. Les incrustations de pierres, de verre et d’or, elles, ont mieux traversé les siècles et continuent de poser l’énigme de la véritable fonction de la décoration sur la statuaire. On retombe une fois encore sur l’idée de lien entre terrestre et divin, lorsque sur ces représentations anthropomorphes se greffent des dessins de divinités sur leur surface.
Techniquement, la statuaire métallique offre un raffinement étonnant qui témoigne des degrés divers d’orfèvrerie et de maîtrise technique des différentes périodes de l’Egypte antique. L’aisance avec laquelle cette civilisation s’appropria la technique de la cire perdue, en fonte pleine ou creuse, n’en finit pas de surprendre autant l’œil que la perception usuelle que l’on se fait de l’art égyptien. L’utilisation abondante du cuivre, de l’étain, du plomb, de l’or et de l’argent et les différents alliages rendus possible par la combinaison de ces différents matériaux illustre la gamme d’expression très étendue des orfèvres. Les toutes premières figurines fondues peuvent ainsi être datées dès la fin de l’Ancien Empire déjà, tandis que la fonte en creux remonterait à la fin du Moyen Empire.
Stylistiquement, la statuaire métallique offre aussi des pistes archéologiques encore à exploiter. Les œuvres exposées témoignent d’ailleurs d’une évolution très marquée selon les époques, surtout dans le traitement des visages, des costumes (le pagne et ses modes diverses permettant par exemples des datations et des localisations précises), des coiffures et de tout autre détail iconographique, et anticipent souvent sur la statuaire de pierre.

Véhicules de transition
L’échelle réduite des œuvres surprend tout autant notre regard, plus habitué aux gigantesques réalisations de pierre propres aux Egyptiens. Ces statuettes de taille réduite, si elles répondent parfaitement à une fonction rituelle et cultuelle (bon nombre d’entre elles furent ainsi découvertes dans des tombes, soigneusement emballées dans des étoffes), sont aussi conçues comme des véhicules de transition, comme si les Egyptiens voulaient aussi délibérément se représenter petits face à l’infiniment grand que représente l’au-delà. Il y a là quelque chose touchant à une certaine forme d’humilité devant le royaume des morts et de représentation symbolique de la condition humaine qui fait que ces statuettes nous parlent toujours avec autant d’acuité, véhiculant un message intemporel.
Renforçant cet aspect de modestie, on constate aussi que peu de ces statues sont décorées d’inscriptions. Or, là encore, notre perception de la civilisation égyptienne et de sa culture abondante des hiéroglyphes, où les manifestations du pouvoir politique et divin s’expriment ordinairement par écrit, se trouve en rupture avec cette production. Au contraire, certaines de ces statuettes représentent des souverains soit agenouillés, tel Thoutmosis III, soit carrément à plat ventre, prosternés. Et en aucune manière elles ne sont l’expression d’une intimidante toute-puissance royale, puisque ces personnages expriment tous leur soumission zélée face aux dieux. Le caractère intimiste et confidentiel des statuettes va même plus loin, notamment dans des représentations de gestes quotidiens d’une grande humanité. On y trouve par exemple la déesse Isis allaitant Horus, ou bon nombre de fonctionnaires modestes, sans aucun rang royal (tel le trésorier Nakhit), vaquant à leur tâche quotidienne. Les sphinx égyptiens n’ont décidément pas fini de nous questionner ni de dévoiler le mystère de leur fascinante civilisation…

Sarah Clar-Boson

« Offrandes aux dieux d’Egypte », Fondation Pierre Gianadda, Martigny, jusqu’au 8 juin 2008