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A la Fondation Gianadda, Martigny
Martigny : Edouard Vallet

Aperçu des œuvres du peintre et graveur genevois Edouard Vallet.

Article mis en ligne le février 2007
dernière modification le 15 juillet 2007

par Sarah CLAR-BOSON

Si le regain d’intérêt pour la peinture suisse ne date pas d’hier, au point que celle-ci figure désormais comme une valeur sûre, y compris dans le marché de l’art, les œuvres sobres et authentiques du Genevois Edouard Vallet
s’inscrivent à la fois dans une redécouverte de la production originale
helvétique du début du XXème siècle et une revalorisation personnelle de
celui que le public connaissait jusqu’ici davantage comme un talentueux et
prolifique graveur (dont l’exposition octodurienne donne aussi un aperçu).

Vallet aimait passionnément le Valais (comme le suggère leur homophonie prédestinée), et celui-ci, enfin, le lui rend bien au travers de cette belle rétrospective, s’inscrivant dans la foulée du superbe catalogue raisonné de l’œuvre du peintre édité en 2006.

Retour aux sources
A l’instar de bon nombre d’artistes avant lui, Vallet développe son langage pictural en-dehors des avant-gardes urbaines et en trouve l’aboutissement puissant dans les villages reculés d’un Valais rural qui sied parfaitement à son caractère réservé, discret, humble et introverti. Après un éclaircissement lumineux de sa palette suite à son voyage italien de 1905, l’année 1908 marque véritablement ce basculement manifeste lorsque le Genevois découvre le village d’Hérémence, tout comme d’autres s’imbibent alors d’un retour à un primitivisme revendiqué au contact de l’environnement pittoresque et préservé de Savièse (tels Ernest Biéler ou Raphy Dallèves ; toutefois, Hérémence n’a jamais été une colonie d’artistes comme l’est devenu Savièse à l’époque). Ce retour aux sources, où les activités humaines semblent figées dans un immuable rituel, quasi millénaire, coïncide avec l’usage d’une palette de couleurs riche, brute, telle que la nature alpine les lui offrit au regard, avec la fixation d’un style vigoureux, allant droit à l’essentiel et dépouillé des quelques fioritures ou autres relents décoratifs que sa production précédente pouvait encore revêtir. Paysans de montagne, mazots biscornus et modestes églises se transforment alors en modèles patients et en autant d’architectures massives mais rassurantes, que le peintre peut décliner à travers des compositions majestueuses, où l’homme et son environnement ne font qu’un.
L’extraordinaire tempera sur toile Dimanche matin (1908-1909, Kunsthaus, Zürich) illustre le résultat le plus abouti de cette unification, où l’on ne saurait démêler la prépondérance d’aucun élément, ni de la solide construction des chalets et du balcon de bois, ni du paysage hivernal, ni de la robuste Valaisanne, tenant à la main un missel et un chapelet, perdue dans une contemplation à la fois mystique et panthéiste. Et pourtant, cette composition respire une grande sûreté de construction, un classicisme certain dans son équilibre parfait, tant dans son agencement que dans l’harmonie de ses coloris, où la chaleur boisée du balcon répond avec bonheur aux teintes froides et bleutées des cimes enneigées.

Quête d’absolu
S’agissant du style vigoureux et presque viril du peintre, l’on pense évidemment à une filiation directe avec un maître que Vallet révérait comme un messie dans cette nouvelle peinture affranchie des ultimes délicatesses ampoulées d’un académisme désuet : l’ombre planante de Ferdinand Hodler, l’imposante figure alors controversée de cette révolution de début du XXème siècle, l’un des piliers internationaux de cette libération du carcan classicisant, répond en effet comme en écho précurseur à la quête d’absolu pictural de Vallet. Ce dernier, bien que mû très précocement par sa vocation d’artiste, désertera tout aussi tôt les classes de dessin académique et le cadre trop étroit d’un enseignement aux antipodes de sa personnalité vagabonde et indépendante : Vallet n’a en effet reconnu tout au long de sa carrière que deux maîtres propres à guider son œuvre : la Nature, et surtout son propre cheminement personnel, à travers une solide conviction dans son parcours, une passion pour l’acte de peindre et une honnêteté sans faille dans l’expression de son intériorité et son ressenti d’homme. Cette immédiateté entre la perception de l’artiste et son environnement est particulièrement manifeste dans les portraits de paysans qu’il réalise, avec une authenticité et une introspection touchantes.

Respect et modestie
Enfin, grâce à cette sincérité en prise directe avec l’existence quotidienne de ses sujets, l’œuvre de Vallet évite de tomber dans les pièges d’un folklore caricatural : ses scènes de genre, où la religion et le cycle de la vie et de la mort prend une grande place (malgré le fait que le peintre n’ait lui-même jamais été particulièrement pieux), ainsi que toutes les autres manifestations de la vie montagnarde, sont traitées, aussi bien dans ses tableaux que ses superbes eaux-fortes, avec respect, modestie, voire une grande douceur, l’artiste offrant notamment une place de choix aux femmes dans sa production.

Sarah Clar-Boson

Edouard Vallet, l’art d’un regard, Martigny, Fondation Pierre Gianadda, jusqu’au 4 mars 2007
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