Arts-Scènes
Slogan du site

Cinéma Danse Expositions Musique Opéra Spectacles Théâtre

MASI de Lugano
Lugano : Chefs-d’œuvre de la photographie moderne

La collection Thomas Walter

Article mis en ligne le 3 juillet 2021
dernière modification le 8 août 2021

par Vinciane Vuilleumier

Le MASI de Lugano présente pour la première fois en Europe la collection de photographies Thomas Walther du Museum of Modern Art (MoMA), dont les quelques 200 œuvres exposées tissent un riche panorama de la photographie moderne et expérimentale des premières décennies du 20ème siècle. La collection, acquise en 2001 par le MoMA, nous présente également les nombreuses expérimentations réalisées par les artistes à partir des années 1920 pour faire reconnaître la photographie comme médium artistique.

Le développement technique ayant permis de créer des appareils portables comme le Leica, introduit en 1925, permit aux artistes de renouveler entièrement l’iconographie photographique en faisant d’une part entrer dans l’image des sujets jusqu’alors impossibles à photographier, comme les selfies de Willi Ruge qui saute en parachute en 1931. La légèreté et mobilité des nouveaux appareils ont eu le même effet sur les artistes photographes, que le tube de peinture sur les impressionnistes : déliés des lourdeurs techniques, les artistes sont libres d’explorer de nouvelles régions de l’espace et de nouvelles perspectives sur les objets. À côté de ces développements techniques, les artistes ont aussi cherché dans une quête sans cesse à repousser les limites matérielles et techniques du médium, en réinventant et en complexifiant la procédure d’enregistrement sur le support photosensible, du photogramme au collage en passant par les doubles expositions.

Créativité
L’exposition est véritable leçon d’histoire, sans aucun doute, mais c’en est une aussi importante en ce qui concerne la créativité : une technique d’apparence rigide comme la photographie, que certains définissent de manière réductrice comme l’impression du réel sur le support photosensible, n’est inflexible que pour celui qui respecte la procédure par défaut. La section dévolue aux expérimentations surréalistes, entre autres, avec la solarisation de Raoul Ubac ou le montage dramatique de Humanly impossible de Herbet Bayer, ne peut qu’épater le spectateur et le laisser coi devant les potentialités du médium photographique : les manipulations sont si mystérieuses qu’il est la plupart du temps impossible de saisir comment les artistes ont pu obtenir de tels effets.

Mais ce n’est pas seulement le médium photographique qui est exploré, c’est aussi tous les sujets inédits qu’offre cette vie moderne de l’entre-deux guerres, inédits car aucun artiste jusqu’alors s’y était intéressé à travers l’objectif de son appareil. Les nouveaux sujets et perspectives introduits par les photographes dans ce début de 20ème siècle remodèlent en profondeur les iconographies traditionnelles de l’art et offrent au regard contemporain tout un nouveau panel d’images à se mettre sous l’œil : des vues aériennes comme le saut en parachute de Willi Ruge, au montage oppressant de la Metropolis de Paul Citroen, en passant par les recherches graphiques sur les géométries modernes de Germaine Krull et de bien d’autres avec elle.

Le portrait n’est pas en reste, cela dit, et pour les amateurs barthésiens des regards qui-ont-été l’exposition déploie une magnifique galerie de portraits : Mondrian capturé par André Kertész, Joseph Stella et Marcel Duchamp par Man Ray, le jeune Cartier-Bresson par George Hoyningen-Huene, ainsi que l’intense et mystérieuse Georgia O’Keeffe par Alfred Stieglitz.

La Collection Thomas Walther a fait l’objet d’un projet de recherches de quatre ans, rendu possible par la subvention accordée par la fondation Andrew W. Mellon en 2010. Interdisciplinaire, le projet a réuni experts, curateurs, conservateurs et scientifiques dans l’exploration autant matérielle et technique qu’historique, des quelques 341 photographies de la collection Thomas Walther. Cette entreprise remarquable a donné lieu à la création d’un site web tout aussi remarquable, sur lequel l’entier de la collection est disponible au regard, et qui propose également un panel de ressources pour explorer à fond toutes les richesses de celles-ci. Le site est accessible sur le lien suivant.

Vinciane Vuilleumier

Jusqu’au 1er août 2021