Arts-Scènes
Slogan du site

Cinéma Danse Expositions Musique Opéra Spectacles Théâtre

Royal Academy of Arts, Londres
Londres : Van Gogh

Magnifique exposition van Gogh, qui a pour but d’apporter un regard nouveau sur les œuvres de l’artiste.

Article mis en ligne le avril 2010
dernière modification le 16 mai 2010

par Régine KOPP

Après la grande exposition sur les paysages de Van Gogh organisée l’été dernier par le musée des Beaux-arts de Bâle, c’est au tour de la capitale britannique de miser sur une exposition de cet artiste, pour attirer le public. Effet réussi pour la Royal Academy, où les salles ne désemplissent pas et où le visiteur doit faire preuve de ruse pour contempler le tableau de face et non pas derrière une marée humaine.

Une petite consolation pour le public francophone qui pourra se jeter sur les lettres très intéressantes, exposées et écrites en français par l’artiste. Car, au cœur même de cette exposition, le propos développé par la commissaire Ann Dumas en collaboration avec des conservateurs du Van Gogh Museum d’Amsterdam est de montrer “le vrai Van Gogh“ à travers les lettres de l’artiste, et d’apporter un nouveau regard sur les œuvres.

Mise en parallèle
Comme pour beaucoup d’artistes, l’activité épistolaire était un besoin vital et Van Gogh se révèle être un écrivain passionné dont l’édition complète et annotée des lettres vient d’être publiée en octobre 2009 chez Thames et Hudson. Ce sont trente-cinq lettres qui ont été sélectionnées, adressées à sa sœur Willemien, son frère Théo ou ses amis artistes, Paul Gauguin, Emile Bernard, Paul Signac, et qui explorent la relation intime qu’elles entretiennent avec son art. Elles tordent aussi le cou à cette idée reçue qui fait de l’artiste un génie victime de sa folie. On y découvre un homme cultivé, qui connaît l’art et la littérature, aime la nature, préoccupé par des sujets d’éthique et de philosophie, et qui s’acharne à trouver par soi-même les techniques du dessin et de la peinture, sans jamais perdre de vue sa démarche artistique. Aucun autre artiste n’a autant écrit et avec tant de précisions sur ses propres œuvres. L’idée originale étant de faire correspondre à la plupart des lettres choisies, souvent accompagnées d’esquisses ou de croquis, aux œuvres achevées. Au total soixante-cinq tableaux et trente dessins répartis sur sept sections rythment le parcours.

Importance du dessin
Les premières salles (paysages hollandais, paysans en action) consacrées aux débuts de l’artiste qui ne commence sa carrière qu’en 1880, à l’âge de 27 ans, insistent sur l’importance qu’il accorde au dessin et montrent comment il éclaircit sa palette et se confronte à la couleur. Une lettre de son frère Théo, installé à Paris et qui connaît la palette des impressionnistes, le convainc d’abandonner le noir. Après avoir admiré toute une série de grands dessins représentant des paysannes et des scènes de la vie rurale, c’est Paysage d’automne (1885) qui retiendra l’attention, pour mesurer la rupture. Durant ses années hollandaises du début, le grand défi pour Van Gogh est la représentation de la figure humaine. « Autant j’aime le paysage, j’aime encore plus les figures, bien que ce soit plus difficile », écrit-il à son frère Théo. Son œuvre Les mangeurs de pommes de terre (1885) est à ce titre exemplaire, car il veut montrer les paysans comme s’ils étaient “peints avec le sol“.

L’affirmation du coloriste
C’est avec l’arrivée à Paris en 1886 que le coloriste s’affirme. La section “Couleur“ présente les sujets qu’il choisit pour s’exercer à la couleur : les fleurs (Vase de bleuets et coquelicots, Tournesols coupés), les natures mortes (Panier d’oranges). Sa réponse à la palette légère et aux traits brossés des impressionnistes est évidente dans Terrasse au jardin du Luxembourg (1886).
« La couleur n’a pas besoin d’être réaliste mais elle doit transmettre des émotions fortes ou de l’énergie visuelle », écrit-il. On connaît la vogue du japonisme à la fin du XIX° siècle, à laquelle van Gogh – écrivant à Théo que tout son art est marqué par l’art japonais – n’a pas échappé et son influence sur l’artiste se lit dans la section consacrée aux estampes japonaises. La couleur, c’est aussi elle qui définit une nouvelle approche du portrait ; l’artiste les intensifie pour augmenter au maximum l’expressivité et l’impact émotionnel. Que ce soit l’Arlésienne, Le Zouave, le facteur Roulin et sa famille, toutes ces œuvres frappent par la violence des couleurs. En consacrant une section à “Art et littérature“, il s’agit de montrer les références littéraires et artistiques de Van Gogh, qui lit aussi bien Shakespeare, Dickens, Eliot que Balzac, Zola, Maupassant ou Daudet et admire Rembrandt, Delacroix, Millet auquel il rend hommage en réinterprétant certaines de leurs œuvres. Le point d’orgue de l’exposition correspond à l’arrivée de Van Gogh en février 1888 à Arles et à sa joie de peindre « la clarté de l’atmosphère et les effets de couleurs gaies ». Trois sections chantent la beauté et les couleurs de la nature provençale : la révélation du Sud, les cycles de la nature et les paysages tardifs. Plusieurs de ses lettres témoignent aussi de la confiance en soi qu’il trouve lors de son séjour à Arles, affirmant sa vraie nature artistique, en peignant des vergers en fleurs, ou des semeurs symboles du printemps et de l’automne.
Comme l’avait déjà montré l’exposition bâloise, l’énergie que l’artiste sent dans la nature est particulièrement sensible dans les arbres de Provence qu’il a peints : les pins majestueux, les gigantesques peupliers, les oliviers argentés et les cyprès majestueux. C’est en retournant en mai 1890 à Auvers-sur-Oise, dans la lumière du nord que ses doutes reprennent, « si peu en harmonie avec ce que je souhaitais faire », écrit-il. Emouvante aussi la dernière lettre non achevée, écrite par l’artiste, exposée en fin de parcours et qui, comme toutes les autres lettres, nous révèlent le vrai Van Gogh !

Régine Kopp

Royal Academy of Arts : Le vrai Van Gogh, l’artiste et ses lettres. Jusqu’au 18 avril.