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Royal Academy of Arts, Londres
Londres, Royal Academy of Arts : “From Russia“

L’exposition de la Royal Academy of Arts présente un ensemble exceptionnel d’œuvres de Monet, Renoir, Cézanne…

Article mis en ligne le mars 2008
dernière modification le 19 avril 2008

par Régine KOPP

Le suspens aura duré jusqu’à quelques jours avant l’ouverture de l’exposition à la Royal Academy of Arts de Londres, intitulée “From Russia : peinture française et russe entre 1870 et 1925“.

Il s’agit d’ensembles exceptionnels de Monet, Renoir, Bonnard, Matisse, Derain, Cézanne, Gauguin ou Derain mais de bien d’autres encore, regroupés aujourd’hui sous le terme générique de classiques modernes, ayant appartenu aux collectionneurs Choutchoukine et Morozov, nationalisés en 1918 par l’Etat russe. Les héritiers et ayants-droits des deux collectionneurs, tous deux Français, André-Marc Delocque-Fourcaud, petit-fils de Chtchoukine et Pierre Konowaloff, arrière-petit-fils de Morosov réclament en effet un dédommagement. On se souvient qu’en 2005, la Fondation Gianadda avait exposé des œuvres majeures du Musée Pouchkine, qui avaient été saisi par une société genevoise. Pareille mésaventure ne se reproduirait plus !

Echanges et liens
Les Anglais, réputés de nature calme, ont cependant dû avoir quelques sueurs froides. Et ce n’est qu’une modification de la loi britannique, accordant l’immunité judiciaire des œu-vres d’art prêtées par un pays étranger, qui aura levé l’incertitude et permis aux 120 œuvres en provenance des quatre plus grands musées de Moscou – le musée Pouchkine et la galerie Tretiakov –, et de Saint-Pétersbourg – le musée de l’Ermitage et le musée d’Etat russe –, de quitter la Russie.
Le directeur de la Royal Academy, Norman Rosenthal, commissaire de l’exposition avec Ann Dumas, s’est donc réjoui du dénouement heureux. Ces œuvres, un tiers d’origine française, deux tiers d’origine russe, montrent les échanges et les liens entre avant-gardes françaises et russes au début du XX° siècle. C’est autour de quatre thèmes que s’articulent l’exposition. L’ouverture se fait sur le groupe des réalistes russes. Des artistes peignant dans un style naturaliste des sujets de la vie quotidienne des paysans, des scènes historiques ou des paysages, en empruntant leur technique aux peintres français de l’école de Barbizon, Theodore Rousseau et Charles Daubigny pour les paysages et Albert Besnard ou Carolus-Duran pour les portraits.

Icônes de l’art moderne
La deuxième section, pièce de résistance de l’exposition, présente les collections de Morozov et Chtchoukine, des marchands de textile très éclairés, qui, en quinze ans, ont réuni les icônes de l’art moderne, acquises auprès de Vollard et Durand-Ruel à Paris. Chtchoukine devint le grand mécène de Matisse et lui commanda La Danse et La Musique, peintes pour être placées face à face mais seule La Danse a fait le voyage à Londres. De même, on peut regretter qu’il n’y ait que cinq toiles de Gauguin, alors que Chtchoukine en avait seize dans sa salle à manger et possédait cinquante toiles de Picasso, hélas sous-représenté dans l’exposition.
Quant à Morozov, c’est tout d’abord les Nabis, Maurice Denis et Bonnard, à qui va son enthousiasme, puis son artiste favori sera Cézanne dont il possédait dix-huit tableaux. Une troisième section est consacrée au passeur entre l’art français et russe, Serge Diaghilev, plus connu pour avoir été le fondateur des Ballets Russes. Il a été un véritable impresario des arts visuels, ayant organisé onze expositions, avec des artistes, influencés par les Symbolistes français comme Leon Bakst, Alexander Golovin ou Boris Kustodiev.

Les deux premières décennies du XX° siècle ont été une période d’expérimentation pour les artistes russes, sous forte influence française, qui ont abouti à des mouvements néo-primitif, cubo-futuriste.
Les artistes issus de ces mouvements sont présents dans l’exposition mais le visiteur ne s’y attardera pas, préférant aller à l’essentiel, les salles réservées au constructivisme et au suprématisme. Véritable rupture car les artistes russes ne sont alors plus des suiveurs de l’art français mais des pionniers de l’avant-garde européenne, inventant l’abstraction : Kandinsky est présent avec Composition VII, Malevitch avec son Carré noir (1915) et Tatlin avec le modèle de son projet révolutionnaire de tour géante.

C’est ce que l’art russe a fait de mieux et qui ne manquera pas d’influencer durablement l’art du XX° siècle en Europe et aux Etats-Unis.

Régine Kopp

www.royalacademy.org.uk
Jusqu’au 18 avril 2008