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Royal Academy of Arts, Londres
Londres, Royal Academy of Arts : Cranach

La première grande exposition consacrée à Cranach en Grande-Bretagne se distingue par la qualité.

Article mis en ligne le mai 2008
dernière modification le 14 juin 2008

par Régine KOPP

Après le musée du Städel à Francfort et en collaboration avec cette institution, c’est la Royal Academy à Londres qui rend hommage à ce maître de la Renaissance allemande. Cette première grande exposition consacrée à Cranach en Grande-Bretagne se distingue par la qualité et non dans la quantité.

Les 70 œuvres réunies, parmi lesquelles figurent des œuvres clef de sa carrière artistique, œuvres religieuses, mythologiques et portraits, permettront au visiteur de découvrir et d’apprécier le talent unique et le génie pictural de cet artiste, auquel un œil même contemporain ne saurait rester insensible.

Dynamisme pictural
Jusqu’à l’âge de trente ans, on ne sait rien ni de l’homme ni de l’artiste, si ce n’est que son père, auprès de qui il a fait son premier apprentissage, Hans était déjà peintre. On suppose qu’il a passé par l’atelier d’Albrecht Durer, artiste de la même génération mais qui fut aussi son rival. Les premières œuvres de Cranach montrant une parenté avec l’œuvre graphique de Durer, font partie de la sélection. A trente ans, il part pour Vienne, où il fréquente les cercles humanistes et contribue à créer l’école du Danube qui fusionne le paysage et l’action humaine dans une force émotionnelle encore jamais vue.
C’est à partir de ce moment-là que s’ouvre l’exposition, présentant plusieurs œuvres d’essence religieuse mais dont on retiendra La Crucifixion (1500). Car, c’est avec cette œuvre que l’artiste fait son entrée sur la scène artistique. Un style nouveau, expressif et très vivant caractérise cette œuvre, dans laquelle figure au pied de la croix un chien rongeant un os et qui nous montre le sang coulant de la bouche et du nez du Christ. Le dynamisme pictural de la période de Vienne culmine dans un tableau spectaculaire, Le Martyre de Sainte Catherine (1505), une œuvre qui le propulse à la cour du Prince-Electeur de Saxe, Frédéric le Sage, comme peintre officiel, succédant ainsi à un peintre italien, Jacopo de Barbari. Bien que s’agissant d’œuvres de jeunesse, ces œuvres ont déjà la perfection de la maturité, tant le style y est expressif, personnel et puissant. Son voyage aux Pays-Bas autour de 1508 lui apportera d’autres expériences et lui permettra de perfectionner l’art du portrait. C’est l’étape suivante de l’exposition qui présente les portraits de Marguerite d’Autriche, le portrait d’un donateur et donatrice et le somptueux diptyque du Duc Jean et de son fils Jean Frédéric (1509) qui est aussi le premier portrait dans l’art allemand d’un prince encore enfant. Mais l’influence de la peinture flamande sur Cranach se lit merveilleusement dans le retable La Sainte Famille (1509), œuvre complexe qui unit les trois panneaux en un seul espace pictural et imagine une nouvelle approche de la composition et de la couleur. A son retour à Wittenberg, Cranach est un artiste confirmé, et son atelier s’agrandit pour répondre aux nombreuses commandes. Il est le portraitiste attitré de la cour mais aussi d’autres familles princières ainsi que de patriciens des villes de Saxe, sans oublier des gens du peuple comme la Tête de paysan (1520), le Portrait d’un barbu (1527).
De cette époque date aussi un thème cher à l’artiste, traité avec une ironie subtile, celui des couples mal assortis : Jeune fille et vieil homme (1530) et Jeune homme et femme vieille (1520 /22). Principal propagandiste de la réforme en Allemagne, Cranach entretenait avec Martin Luther des relations professionnelles et personnelles. Il a forgé l’image de Martin Luther, en produisant œuvres gravées et peintes en séries dans son atelier. Le premier portrait qu’il réalise du réformateur en 1520, nous le montre en moine augustinien. D’autres suivront : un diptyque avec le portrait de Martin Luther et de sa femme Katharina von Bora (1529) ou un portrait de Martin Luther comme Junker Jörg (1521), un pseudonyme pour rester incognito, après l’excommunication ordonnée par le pape Léon X. Il illustre également la nouvelle bible traduite par Luther du latin en allemand et peint des retables pour des églises.

Plaisir sensuel
L’art était alors au-dessus de la politique et c’est ainsi qu’il faut comprendre que Cranach travaillait aussi pour des commanditaires catholiques, dont l’un des principaux opposants à Luther, le cardinal Albrecht de Brandebourg que l’on reconnaît dans le tableau de 1527, peint en Saint Jérôme en train d’étudier. Le parcours se poursuit de manière plus ludique avec une salle consacrée aux tableaux inspirés par la mythologie. Cranach se lance alors pour la première fois dans la peinture de jeunes femmes espiègles comme Loth et ses filles (1528), Apollon et Diane (1526), ou des héroïnes comme Lucrèce la vertueuse ou Judith la courageuse. L’un des sujets les plus souvent peints par l’artiste et son atelier est Adam et Eve, dont trois versions sont présentées, celle du musée du Städel (1531), celle de l’institut du Courtaud (1526) et celle du musée de Varsovie (1510) et qui toutes préfigurent le paradis perdu du Jardin d’Eden (1530).
Volupté et plaisir sensuel comblent ainsi le visiteur dans la dernière salle avec une succession de beautés et de grâces : Les trois Grâces, Vénus et Cupidon, Lucrèce, Vénus. Avec l’arrivée de Charles V en 1547, Cranach perd sa place de peintre officiel et suit son prince Frédéric à Augsbourg puis en 1552 à Weimar où il meurt à l’âge de 81 ans.

Régine Kopp

Jusqu’au 8 juin 2008