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Musée des beaux-arts du Locle
Le Locle : Plongée dans l’univers de la presse écrite

Diversité

Article mis en ligne le 4 août 2020
dernière modification le 30 septembre 2020

par Vinciane Vuilleumier

Le Musée des Beaux-arts du Locle propose en plusieurs expositions capsules un parcours de réflexion sur le dessin de presse.

À l’honneur, Chappatte, dessinateur national qui a publié des caricatures au-delà de nos frontières. L’exposition qui lui est consacrée soulève la question très sensible de l’autocensure de la presse, en revenant sur la rétraction polémique du New York Times suite à la publication en 2019 d’une caricature controversée de Netanyahou par le dessinateur portugais Antonió. La disparition du dessin de presse des colonnes d’un des plus grands journaux internationaux témoigne d’une transformation en profondeur de la notion de liberté d’expression, et c’est le paradoxe des réseaux sociaux que thématise cette exposition : si tout le monde est libre de s’exprimer dans ce nouvel espace virtuel, la liberté d’expression se trouve pourtant censurée. La discussion est menée par l’émotion forte, colère ou indignation, et l’ampleur de la caisse de résonance rend impossible la création d’un véritable lieu de débat. Chappatte le relève dans l’article qu’il publie sur son site en réaction à la décision du NYT : « Nous vivons dans un monde où la horde moralisatrice se rassemble sur les médias sociaux et grossit comme un orage. Les voix les plus outragées tendent à définir la conversation, et la foule en colère suit. Elles ne laissent aucune place à la discussion. Twitter est un lieu de fureur, pas de débat. » Si la réflexion sur un phénomène d’actualité est au centre du parcours, le visuel n’est pas en reste : les larges impressions en couleurs des dessins de Chappatte tapissant les murs font de la visite un régal pour les yeux. Du rire à la réflexion, c’est le pari du dessin de presse que l’exposition du MBAL a su mettre en scène avec brio.

Détournement
Et la réflexion, et le plaisir visuel, ne s’arrêtent pas là. Dès le rez-de-chaussée, une installation de Broomberg et Chanarin interroge le rapport de l’individu à la presse d’information. Sur cinquante doubles pages tirées de la presse écrite (de la pub à l’article de fond), une inscription sérigraphique rouge sang vient briser l’unité du support scripto-visuel : « Who Shall We Love ». Le détournement du texte de presse par l’apposition d’une phrase hors contexte crée une rupture en plaçant l’énoncé dans une nouvelle situation d’énonciation qui thématise le positionnement de l’individu face à l’information. L’ouverture de ce méta-niveau invite à la réflexion sur la place qu’occupe le fil des actualités dans le quotidien de chacun, et la confrontation des niveaux institutionnel et personnel dans les discours qui organisent notre perception du monde. Who Shall We Love ?

Deux expositions temporaires complètent ce parcours déjà riche : une plongée dans le dessin de presse historique, avec des œuvres graphiques de Daumier, Steinlen et Vallotton, ainsi qu’une présentation de la revue belge Variétés (1928-1930) – avis aux amateurs de photographie argentique ! La situation sanitaire actuelle a obligé le musée à retirer de la consultation les revues qui accompagnaient les originaux des photographies accrochés aux murs : ainsi, le trait d’union entre l’original et sa reproduction vient à manquer, et le flâneur curieux ne peut malheureusement plus découvrir comment les œuvres étaient mises en page au sein de la revue. Peut-être qu’une vitrine, proposant au regard des revues ouvertes au hasard, aurait été un substitut intéressant ?

Vinciane Vuilleumier

Jusqu’au 27 septembre 2020