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Musée des Beaux-arts de Lausanne
Lausanne : Magie du paysage russe

Chefs-d’œuvre de la Galerie Trétiakov

Article mis en ligne le 26 mai 2014
dernière modification le 5 octobre 2014

Le Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne accueille pour la première fois en Suisse un ensemble exceptionnel d’œuvres majeures en provenance de la Galerie nationale Trétiakov, à Moscou. Quelque soixante-dix peintures retracent les grandes heures de l’école de paysage russe au XIXe siècle.

Si l’apport de l’école russe à la modernité débute pour beaucoup avec l’avant-
garde des années 1910, la rupture avec l’art académique se situe dès le milieu du
XIXe siècle, lorsqu’une nouvelle génération d’artistes refuse de se soumettre au diktat de l’Académie impériale des Beaux-Arts à Saint-Pétersbourg. Dans ce contexte de profondes mutations, le paysage joue un rôle déterminant. Avec la peinture de genre, c’est lui qui, pour les contemporains, se révèle le meilleur traducteur de l’« âme » et de la « terre » russes. Ainsi, dès les années 1860, on assiste à l’émergence d’artistes qui se mettent en quête d’un art national, réaliste et romantique, propre à traduire les spécificités de l’« âme russe ». Mer, montagnes, forêts et cieux du vaste Empire, défilé des saisons de l’aube à la nuit, coutumes paysannes, architectures rurales et citadines, traduisent cette nouvelle sensibilité et cette aspiration au renouveau.

La peinture de paysage de cette époque présente une mosaïque complexe et
frappe par sa diversité, par les fortes individualités artistiques qui la représentent
et par le dynamisme de son développement. On y distingue le paysage lyrique ou
« paysage d’humeur » (Savrassov, Kaménev, Lévitan, Polénov), les prolongements
du paysage romantique (Aïvazovski, Vassiliev, Kouïndji), la tendance naturaliste et
documentaire (Chichkine), et enfin la tendance académique (Lagorio, Bogolioubov,
Mechtcherski).

Quelques thèmes et leurs principaux représentants

 La forêt : Ivan Chichkine (1832-1898) est surnommé le « patriarche de la forêt » par ses contemporains. Principal représentant de la tendance objective du réalisme, son art, épique, monumental, résolument optimiste, repose sur une analyse scien- tifique de la nature. Son langage est clair et précis. Son sujet de prédilection est la forêt de chênes ou les conifères, qui restent toujours verts. Sa saison favorite est l’été, et le moment de la journée qu’il préfère est le midi. Son monde repose sur des valeurs pour lui fondamentales : la terre, le pays natal, le peuple, la splendeur de la vie.

 La mer : Ivan Aïvazovski (1817-1900) bâtit sa réputation sur sa virtuosité exceptionnelle dans la représentation de la mer, des tempêtes et des naufrages. D’une productivité hors du commun (il a peint près de 6’000 tableaux, le plus souvent monumentaux), il porte à travers tout le XIXe siècle l’héritage du néo-classicisme et du romantisme. La mer est ainsi pour lui à la fois une métaphore du caractère imprévisible des revirements du destin et le symbole d’une puissance qui ne se laisse pas dompter, celle d’un peuple à la conquête de sa liberté.

 Le ciel : Isaak Lévitan (1860-1900) est un des principaux représentants du paysage lyrique ou « paysage d’humeur ». Proche ami de l’écrivain Anton Tchékhov, ils sont liés par leur appréhension lyrique de la nature, leur vénération de la beauté,
du mystère du monde. La peinture de Lévitan, extrêmement construite et statique dans ses formes, nerveuse dans son traitement, résulte d’observations synthétisées en atelier. Son caractère émotif et solennel se traduit par la juxtaposition de larges coups de pinceau et une appréhension par larges surfaces colorées.

 Les nocturnes : Arkhip Kouïndji (1842-1910), un des peintres les plus originaux de sa génération, est fasciné par la manière dont le nature est transfigurée par la lumière. On l’a baptisé l’« adorateur du soleil et de la lune ». Le traitement synthétique des formes, la transformation du volume en silhouette, le renforcement des contrastes de lumière et de couleur, apparentent ses paysages au clair de lune à des panneaux décoratifs ou à des décors de théâtre qui en font un précurseur de l’art nouveau, un compagnon de route des symbolistes.

 Le printemps : Avant Alekseï Savrassov (1830-1897), la nature russe n’était pas considérée comme digne d’être représentée. On lui préférait les paysages d’Italie. Savrassov est l’inventeur du « motif » du printemps, non plus saison des émois amoureux, mais métaphore privilégiée du renouveau, des changements politiques et sociétaux tant espérés à l’époque de l’abolition du servage. Ce motif connaîtra après lui une grande fortune, répété en peinture d’Igor Grabar à Mikhaïl Larionov, en musique de la Sniégourotchka – La Demoiselle des neiges – de Nikolaï Rimski-Korsakov au Sacre d’Igor Stravinski.

 L’été : Ilia Répine (1844-1930, ill. 11) est le plus connu des peintres ambulants, mouvement dont il est le fer de lance et la vitrine à l’étranger. Son œuvre a été influencé par l’impressionnisme français durant son séjour à Paris. Fin coloriste, brillant observateur des physionomies, il est amoureux de la vie dans toutes ses manifestations. Ses scènes champêtres de la vie à la datcha lui vaudront les remontrances de son ami l’écrivain Lev Tolstoï pour qui l’artiste doit se mettre au service de la société, œuvrer à son éducation et contribuer à son élévation morale.

 L’hiver : De la génération qui suit celle des premiers peintres ambulants, Boris Koustodiev (1878-1927) est un des élèves d’Ilia Répine. Il adhère à l’Union des artistes russes, association moscovite où la peinture acquiert une diversité de couleurs accrue, et s’affranchit des tons lourds et sombres pour devenir plus aérienne, plus solaire. Ces peintres, dont les œuvres résonnent en mode majeur, frappent par leur vivacité morale, leur regard optimiste sur le monde et leur foi dans l’avenir. Les œuvres hivernales de Koustodiev entretiennent de grandes affinités avec l’art des miniatures laquées de Palekh.

Autour de l’exposition

Conférences à 18h30 (entrée libre) :
 Je 12 juin : Entre l’Orient et l’Occident. L’art russe dans la seconde moitié du XIXe siècle en quête d’identité nationale , par Lada Umstätter, directrice du Musée des Beaux-Arts de La Chaux-de-Fonds
 Je 4 septembre : Entre devoir de réalisme et désir de modernité. La littérature russe à la fin du XIXe siècle et au début du XXe , par Jean-Philippe Jaccard, professeur ordinaire de littérature et de civilisation russes à l’Université de Genève
 Je 11 septembre : Un art nouveau à la redécouverte de la Sainte-Russie ; photographies en Russie, 1840-1914 , par Dominique de Font-Réaulx, conservateur en chef au Louvre, directrice du Musée Eugène-Delacroix

Concert-conférence à 15h (entrée libre) :
 Sa 4 octobre : Piano solo et commentaire d’œuvres, par Meglena Tzaneva, pianiste concertiste, et Eva Kouvandjieva, historienne de l’art. Au programme : œuvres de Tchaïkovski, Balakirev, Borodine, Rakhmaninov

Du 23 mai au 5 octobre