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Fondation de l’Hermitage, Lausanne
Lausanne : La Fondation des Treilles

Événement !

Article mis en ligne le 19 février 2022
dernière modification le 1er juin 2022

par Vinciane Vuilleumier

La Fondation de l’Hermitage propose jusqu’à fin mai la découverte d’une collection privée accessible au public exclusivement lorsqu’elle voyage, et présentée pour la première fois en Suisse : les trésors de la Fondation des Treilles.

Plus de cent objets – peinture, dessin, sculpture, arts graphiques – constituent cette sélection qui fait la part belle à deux artistes : Max Ernst et Victor Brauner, avec lesquels la collectionneuse et mécène Anne Gruner Schlumberger (1905-1993) entretint des liens d’amitié durables. Audacieuse dans ses choix, passionnée et dotée d’un œil sûr, Anne Gruner Schlumberger soutint par ses acquisitions ses contemporains artistes – plus qu’une mécène et une collectionneuse, d’ailleurs, elle était une amie pour nombre d’entre eux – et tissa dans l’ensemble qu’elle faisait grandir des correspondances subtiles. Elle affectionnait tout particulièrement les propositions à la saveur surréaliste, cherchant dans les œuvres cette invitation à la méditation, au rêve, aux espaces oniriques que la raison peine à cerner.

Artistes vedettes
Si Max Ernst et Victor Brauner sont au centre de l’exposition, c’est qu’ils sont les artistes les plus richement représentés à la Fondation des Treilles. D’autres artistes cependant viennent enrichir le parcours d’exposition et faire résonner les correspondances entre les œuvres : il y a ce dessin puissant et chaotique de Dorothea Tanning qui vient répondre aux frottages de l’époux ; ces recherches texturales sans objet de Dubuffet qui offrent une autre lumière aux lignes précises des figures mystérieuses de Brauner, figures claires qui jaillissent pourtant dans ces effets de texture très particuliers que permet la peinture à la cire ; et puis il y a ces paysages de lumière que nous offre Josef Sima, réunis dans une salle comme un instant de plénitude suspendu dans le parcours, et qui résonnent d’un étage à l’autre avec les atmosphères mystérieuses de Max Ernst, où l’instabilité des formes, la quête parfois impossible de leur identification, laisse le regard rêveur errer dans un monde de couleurs et de textures, une matrice de mondes possibles, peut-être, où un œil soudain permet à l’œil de s’accrocher.

Lumière
La Fondation de l’Hermitage, avec ses hautes fenêtres où la lumière se déverse du jardin dans les espaces d’exposition, offre à cette sélection d’œuvres un écrin fidèle à leur accrochage originel chez la collectionneuse. On vit l’art dans une maison privée, accroché aux murs que la lumière naturelle vient embellir, lumière qui joue avec le jour – d’une heure à l’autre l’œuvre mue et cet immatériel de la rencontre avec l’art, qui tient à ce jeu d’un éclairage en mouvement, est l’une des richesses sans nom précis que nous offre cette très belle exposition.

On regrette, peut-être, mais c’est un détail, que les beaux tableaux-reliefs de Hans Arp se trouvent au sous-sol, là où l’éclairage fixe, justement, fige l’œuvre dans une seule de ses configurations : mais devant l’œuvre, absorbé, celui qui se rappelle des jeux d’ombres que ménagent les œuvres de Tinguely, se prend à rêver de jeux de lumière et à imaginer ces om-bres changeantes, qui soudain s’étireraient à déborder du cadre, soudain s’élanceraient au plafond – et l’œuvre, alors, vivrait ce renversement de son centre de gravité, et les feuilles, et les objets du hasard, seraient pris dans une chute, dans un envol, dans un rapport toujours renouvelé à l’espace autour d’eux.

Exposition toute pleine de poésie, de rêves au visage flou qui attendent de prendre corps dans le regardeur à venir, elle offre aussi au curieux pour qui les portes des Treilles ne s’ouvriront jamais, de jeter un regard sur le parc magnifique qui entoure les maisons-résidences où écrivains, chercheurs et artistes profitent de « cet écrin de pensée » que la générosité d’Anne Gruner Schlumberger leur a construit. Des photographies monumentales font souffler un vent chaud dans l’espace du sous-sol, et nous laissent contempler, un court instant, l’Océanide de Henri Laurens et l’eau miroitante où elle se mire, ou les Sphères de Takis dans l’écrin vert olivier et bleu ciel de ce beau domaine sis dans le Haut-Var.

Vinciane Vuilleumier

Jusqu’au 29 mai 2022