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Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne
Lausanne : Eugène Grasset

Rétrospective Eugène Grasset (1845-1917)

Article mis en ligne le 1er mai 2011
dernière modification le 3 avril 2013

par Françoise-Hélène BROU

Le Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne présente ce printemps une grande rétrospective consacrée à Eugène Grasset (1845-1917), artiste décorateur du Paris 1900.

Lausannois d’origine, Eugène Grasset entreprend des études d’architecture à Zurich. Puis, dès 1871, il s’établit à Paris où il suit les cours de Viollet-le-Duc dont l’enseignement influencera ses conceptions dans l’art du vitrail, domaine dans lequel il sera actif. A la fin des années 1870 il rencontre l’imprimeur Charles Gillot qui lui donne l’occasion de réaliser ses premiers travaux d’illustration et qui frappent d’emblée par leur profonde originalité. La particularité de ses créations graphiques réside dans une technique mêlant la lithographie et l’estampe, la chromolithographie, un procédé inventé par Charles Gillot. Son vif intérêt pour la richesse de l’ornement dans les arts de l’Extrême et du Proche-Orient, du Moyen Âge et de la Renaissance, conjugué à une vaste culture encyclopédique vont trouver des applications dans d’autres domaines que les arts graphiques : le mobilier, le tissu, la céramique, la mosaïque, la peinture sur verre et bijou. Précédant l’avènement de l’Art nouveau, le style mixte de Grasset et sa connaissance des matériaux magnifient à la fois l’observation de la nature et le culte de la matière, attitude préconisée par les théoriciens du mouvement. Son esprit rénovateur lui fait rencontrer de nombreux artistes alors en vogue dont Jules Chéret, fameux peintre et graphiste français, qui sera un fervent admirateur de Grasset et qui réalisera une affiche destinée à l’une de ses expositions en 1894. Dans cette atmosphère culturelle électrisante du Paris des années 1880-1900, Eugène Grasset, lui-même pétri de talents, est rapidement consacré maître de la nouvelle génération, à tel point qu’il exercera une influence majeure sur la renaissance des arts décoratifs en France à l’époque de l’Art nouveau.

Dans les années 1880 Grasset devient un maître de l’affiche ; travaillant aussi bien pour le commerce que pour la librairie, les expositions d’art ou le théâtre, il acquiert une grande réputation en raison de sa maîtrise exceptionnelle des lettrages et de la composition. Il collabore aussi avec la maison Larousse et sera le créateur de la célèbre « Semeuse à tout vent », emblème des éditions, puis il triomphe en 1900 à l’Exposition universelle de Paris où il expose des bijoux dessinés pour le joaillier Henri Vever. L’artiste laisse aussi une trace marquante de théoricien avec la publication d’ouvrages de références : La Plante et ses applications ornementales (1896-1897) ou la Méthode de composition ornementale (1905) dans lequel il rend hommage à la démocratisation de l’art par un esthétisme unissant l’ensemble des disciplines. Enfin il enseigne le dessin d’art industriel, la composition décorative, l’histoire et le dessin de la lettre dans plusieurs écoles parisiennes. Giacometti sera l’un de ses élèves.

Au-delà de ce parcours brillant, l’artiste lausannois devenu français, continue à toucher et émouvoir un large public, notamment à travers ses représentations de jeunes femmes douces et rêveuses d’inspiration préraphaélites. Celles-ci contrastent avec le réalisme crû et les poses aguicheuses des nouvelles icônes publicitaires, des chanteuses ou danseuses de cafés-concerts, présentes chez les Toulouse-Lautrec, Jules Chéret, Steinlen ou Mucha. Il y a chez Eugène Grasset une retenue et un raffinement qui posent un double défi, technique et théorique, où la figuration d’une forme du vivant se résout grâce à la stylisation.

Françoise-Hélène Brou

« Eugène Grasset, L’art et l’ornement », Musée cantonal des beaux-arts, Lausanne, jusqu’au 13 juin 2011. www.mcba.ch