Arts-Scènes
Slogan du site

Cinéma Danse Expositions Musique Opéra Spectacles Théâtre

Fondation de l’Hermitage, Lausanne
Lausanne : Chefs-d’œuvre du Städel Museum

Magnifique exposition à Lausanne, avec des œuvres phares des XIXe et XXe siècles.

Article mis en ligne le mars 2010
dernière modification le 27 mai 2010

par Sarah CLAR-BOSON

Bénéficiant de la période de travaux d’extension du musée allemand, la Fondation de l’Hermitage prête son écrin lausannois à une sélection passionnante issue du Städel Museum de Francfort, qui donne à voir un fructueux dialogue entre grands maîtres issus de la tradition française et spécificités picturales germaniques.

La période-phare de la fin du XIXème et début du XXème siècle illustre notamment le dynamisme avant-gardiste des Sécessions de Munich et Berlin, pour se clore par l’immense figure de Max Beckmann, témoignant ainsi des liens d’amitié de l’artiste avec la ville et son musée.

Sensibilités personnelles et dialogue
Forte d’un exercice plusieurs fois rôdé et répété (l’hébergement de sélections de collections de prestigieux musées), la Fondation de l’Hermitage continue néanmoins de surprendre et d’offrir une découverte renouvelée : en effet, chaque collection raconte l’histoire d’un ou plusieurs hommes, indispensables mécènes soutenant l’effort de prestige, d’éducation artistique et de partage de leur institution, et reflète à la fois une vision contemporaine de l’art, tantôt conservatrice tantôt audacieuse, et les sensibilités personnelles de ceux qui sont à l’origine du noyau initial des collections et de leur enrichissement progressif. Le musée allemand n’échappe pas à la règle, et doit sa création à un banquier et marchand, Johann Friedrich Städel (1728-1816), à une époque charnière où se définit progressivement l’identité nationale et où la renommée d’un musée se doit souvent de soutenir parallèlement la création des jeunes artistes nationaux.
Mais l’intérêt ne se limite pas à la seule histoire. L’accrochage lausannois met en lumière un passionnant dialogue entre la tradition française et l’émergence d’un art à sensibilité germanique, démontrant ainsi qu’entre la France et l’Allemagne, tout n’est pas que guerre perpétuelle...

Ainsi Paris et le passage obligé par Rome pour toute formation artistique qui se respecte dominent-il le paysage de la fin du Siècle des Lumières, et le néoclassicisme marque-t-il de toute son empreinte l’Europe d’alors. L’icône du Städel Museum, le célébrissime portrait de Goethe par Tischbein (1787) au milieu de ruines romaines idéalisées, reflète ce retour à l’Antiquité et la continuation du génie poétique, d’Horace au génial modèle du tableau.
La première moitié du XIXème siècle, encore largement dominé par les innovations françaises, illustrées ici par Corot, l’Ecole de Barbizon et Courbet, marque néanmoins l’émergence d’une culture proprement germanique et d’une volonté de se construire une culture nationale en replongeant dans les mythes germaniques médiévaux (mention spéciale au spectaculaire Chêne millénaire, de Carl Friedrich Lessing, 1837) et en forgeant l’hypersensibilité du romantisme allemand, dont témoigne Caspar-David Friedrich par exemple.

Symbolisme et Expresionnisme
Les artistes symbolistes de la fin du siècle, qu’ils soient français (Moreau, Redon), belges (Ensor), suisses (Böcklin) ou allemands (Von Stuck et son impressionnante Pietà de 1891, écho direct au Christ Mort de Holbein à plus de trois siècles d’intervalle) se retrouvent néanmoins dans un langage commun qui marque une nette rupture avec le monde académique, et où les Sécessions fleurissent dans toute l’Europe.

Le volet le plus intéressant de l’exposition reste celui du XXème siècle, où la violence des expressionnistes de Die Brücke (Kirchner, Heckel, Schmitt-Rottluff) dépasse celles des Fauves en France à la même époque, mais où l’Allemagne offre aussi au regard une interprétation à la fois analytique et apaisée du cubisme, à travers la vision panthéiste de la Nature, et des animaux en particulier, telle que livrée par Franz Marc, co-fondateur du groupe Der Blaue Reiter avec Kandinsky, fauché en pleine jeunesse à Verdun en 1916. Son superbe Chien couché dans la neige (vers 1911) est sans doute le point d’orgue de l’exposition…. jusqu’au groupe de onze toiles de l’inclassable et écrasante figure de Max Beckmann, véritable mise en abyme dans l’espace lausannois, hommage aux dix-sept ans passés à Francfort par l’artiste et à ses liens étroits avec le Städel Museum.

Sarah Clar-Boson

« 100 chefs-d’œuvre du Städel Museum », Lausanne, Fondation de l’Hermitage, jusqu’au 24 mai 2010.