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au Mamco
Genève : Onamatterpoetic : Rolywholyover

Le Mamco présente un nouveau cycle d’expositions sous le titre d’“Onamatterpoetic“.

Article mis en ligne le avril 2007
dernière modification le 15 juillet 2007

par Françoise-Hélène BROU

Le MAMCO ouvre un nouveau cycle d’expositions sous le titre d’ « onamatterpoetic », terme énigmatique qui est un mot-valise crée par James Joyce dans Finnegans Wake.

Le premier épisode de cette époque s’intitule « rolywholyover » (autre mot-valise de Joyce) avec cinq expositions monographiques (Joëlle Tuerlinckx, Siah Armajani, Jean-Claude Silbermann, Christian Robert-Tissot, Bujar Marika) et deux réaménagements d’espaces consacrés à des artistes déjà présentés au MAMCO (John Armleder, Franz Erhard Walther).

Subversion
Ces expositions s’offrent aux regards et aux sens comme une composition florale aux parfums et couleurs très variés, elles suscitent autant d’émerveillement que d’inquiétude sur l’état de notre monde contemporain – et corollairement sur soi-même – que l’art tour à tour fustige ou célèbre.
De manière générale, le propos sous-jacent de chaque monographie véhicule une forme de subversion, celle-ci pourtant se pare d’une rhétorique plastique avenante et bigarrée, ce qui permet à l’artiste de traiter son désenchantement de biais, nous évitant par la même occasion (on les en remercie au passage) les poncifs de la contestation politicienne et médiatique. Loin du pédant paradoxe nous voici précipités dans l’espace du mot d’esprit, du contre-pied ou du calembour, autant de jeux qui suscitent d’abord rire ou sourire mais qui se transforment, à y voir de plus près, en rictus ou malaise. Le basculement subreptice des valeurs prémédité par ces artistes s’opère presque à notre insu car l’acte de transgression ou d’insubordination se réalise au coeur même de la normalité et des pouvoirs établis.
On y repère quelques « trucs » de Georges Bataille : la basse matérialité, le déclassement, le composite, la rupture du consensus iconographique, le dépassement de l’obstacle de la beauté, de l’idéal esthétique, moral, technologique ou sexuel, entre autres. Nombreuses aussi sont les références à l’histoire de l’art du passé et du présent, montrant que la création artistique se développe dans la continuité et non dans le déni des prédécesseurs.

Siah Armajani
Ainsi l’impression spontanément favorable, ludique et simpliste, des maquettes de Siah Armajani, rappelant immanquablement nos bricolages d’enfance, est-elle détruite par l’absurdité (l’abstraction ?) des éléments qui les composent pour les transformer en propositions surréalistes, donc forcément subversives. « L’art n’est pas le salon de beauté de la civilisation » dit le titre de l’exposition, soit : l’art n’est pas un jeu, de légo, de libido, d’intello, il serait plutôt un jeu de mots et de maux. Les bricolages naïfs drainent en effet un propos plus sérieux, celui de l’espace public grand miroir de la civilisation urbaine. Aussi les fragiles bricolages se font-ils sculptures solides et carrées, puis installations inaugurant un discours avec l’environnement et enfin réalisations architecturales concrètes dans la cité. Dans ces trois étapes, du fictionnel au fonctionnel, l’artiste organise sa démarche constructive qui ne veut sacrifier ni la subversion, ni la fragilité au projet urbanistique et architectural. On observera donc avec attention ses grandes installations où les métaphores technologiques et esthétiques (matériaux nobles, équilibre, fonctionnalité, formalisme, économie, purisme spatial) rivalisent et cohabitent avec des notions de basse matérialité (matelas, cercueil, épouvantail, gibet, chemise tachée de sang, guerre, mort). On pourrait reprocher à Armanjani une vision plus scénographique et dramaturgique que spécifiquement architecturale et urbanistique, c’est peut-être aussi ce qui en fait un authentique artiste « onamatterpoetic ».

Christian Robert-Tissot
L’artiste se livre à un travail méthodique sur le langage : ses représentations iconiques et sémantiques, ses supports, son environnement. Le titre de son exposition « Wall Street » relève du calembour par polysémie qui selon Freud régit les pulsions inconscientes et dont l’effet premier est le rire ou le dépaysement. C’est précisément ce qui se passe lorsqu’on se trouve face à ses œuvres, il faut observer d’abord que celles-ci entrent dans une véritable mise en scène environnementale où la couleur du mur où elles sont accrochées joue un rôle important. Il s’agit d’une sorte de conditionnement visuel axant le regard dans un champ spécifique, le tableau apparaît alors comme un élément d’une composition supérieure, le mur devient un fond, un support. Les propositions linguistiques sont simples, un mot ou deux (bouquet final, no subject, banal, amateur), le choix des caractères (police ou fonte) est variable et leur format généralement assez grand. Les mots se délient avec souplesse ou rigidité sur la surface de la toile, du mur, l’artiste utilise généralement deux ou trois couleurs pures. On a beaucoup parlé « des mots dans la peinture » et de leur encodage respectif, retenons simplement que Christian Robert-Tissot exploite largement les potentialités de ces deux systèmes signifiants pour créer de savoureux jeux de mots iconiques.

Et encore ...
Dans un registre surréaliste on découvre les spectaculaires figurines en bois découpé et peint de Jean-Claude Silbermann, un petit théâtre où évoluent des images aériennes, tour à tour anges et démons. Les travaux de Bujar Marika rassemblé sous le titre « Bâtimental » évoquent, parfois noyés dans le discours référentiel, l’histoire de l’art, du temps, de la logique, du hasard.
Enfin Joëlle Tuerlinckx se livre à une démarche expérimentale supposée illustrer « une pensée qui s’invente progressivement » dont nous saluons l’audace. Pour clore cette présentation, signalons que suite au grand succès rencontré par la récente exposition de John Armleder, le MAMCO expose une grande installation « Everything » ainsi qu’une nouvelle salle qui permet de découvrir l’ensemble de ses éditions (affiches, cartons d’invitations, publications diverses), d’autres œuvres du même artiste sont visibles au 1er étage.

Françoise-Hélène Brou

« Onamatterpoetic, Rolywholyover, premier épisode ». MAMCO, 10 rue des Vieux-Grenadiers, Genève, jusqu’au 6 mai.

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