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A la galerie Fallet, Genève
Genève : Marie-Claire Meier
Article mis en ligne le mars 2007
dernière modification le 9 juillet 2007

par Françoise-Hélène BROU

Les œuvres de Marie-Claire Meier exposées à la Galerie Fallet sous le titre général d’Empreintes offrent des fonds fortement structurés évoquant les principes constructifs de l’architecture.

Sur ces surfaces, que l’on associe d’emblée à une paroi rupestre ou à un revêtement mural, s’inscrivent des silhouettes dont certaines, en retrait et fantomatiques, semblent immergées dans la matérialité de l’arrière-plan comme emmurées dans un espace intermédiaire.
Sans nom et sans visage, rassemblés ou isolés, ces corps affirment leur présence hiératique. D’autres motifs à caractère plus graphiques : signes linguistiques, symboles, trames ou formes géométriques, adoptent quant à eux des allures de bas-relief, d’inscription en creux, de grattage ou de moulage. Autant de techniques qui nous renvoient aux origines de l’expression plastique.

Vision pénétrante
Mais si vous voulez savoir ce qui se passe à l’intérieur de cette peinture, il faut franchir la barrière des apparences pour aller à la rencontre des secrets intimes de la matière. Je pense ici à Henri Michaux, à sa faculté de porter le regard dans ces « espaces du dedans », à exercer une vision pénétrante qui dévoile les plans de la profondeur des images peintes ou dessinées, « Notre espace pour qui a cessé d’y être aveugle est plein de signaux… » (H. Michaux, Face aux verrous)
Les peintures de Marie-Claire Meier offrent la possibilité de renouer avec cette expérience fondamentale car ses œuvres entraînent l’oeil dans des contrées situées au-delà de l’image, au coeur même de la matière et de sa mémoire. Mais le processus est « piégeux » parce que l’artiste passe par maints subterfuges pour nous précipiter dans son univers formel et poétique.
« Selon des anciennes recettes de fabrication du papier, je crée mes supports de peinture à partir de draps de coton, toiles de lin, pantalons-jeans… La pâte à papier obtenue étant mouillée, elle permet d’y gaufrer des structures à l’aide de différents chablons et de réaliser une composition d’empreintes et de reliefs… », confie-t-elle (Marie-Claire Meier, Sculpture, fabrication du papier, peinture. Catalogue d’exposition, 2005).

Empreinte I, 2007, 100x70 cm

Mémoire de la matière
Alors ces fonds aux structures que je croyais minérales sont du papier ! papier lui-même issu de végétaux qui, de surcroît, ont servi d’abord à fabriquer des draps ou des vêtements, portés, usés, par combien d’individus ? Marie-Claire Meier dit encore : « Je suis sensible à la mémoire de la matière. » Le travail du peintre commence donc par un grand recyclage, symbolique retour à la pâte originelle, puis la main remodèle cette matière première et la transforme en une image picturale avec ses médiums spécifiques : pigments, encres, pastels, craies, ocres et divers matériaux tels que : sable, fil métallique, etc… Traduction, transposition, créant les conditions d’un leurre optique cher à la psychanalyse : « Ce tableau n’est rien d’autre que ce que tout tableau est, un piège à
regard » (J. Lacan, Le Séminaire Livre XI). Un leurre certes mais qui déploie ses artifices pour mieux dessiner, projeter, la vérité et l’urgence du désir.
Papier, textile et médiums picturaux conjuguent leurs langages, leurs potentialités oniriques et symboliques pour construire des espaces imaginaires, réceptacles de rêves, de souvenirs et de fantasmes. Les âmes errantes que nous y croisons sont autant de vestiges du passé humain « Humain vu et revu jusque dans le préhumain » (H. Michaux, En Appel de Visages) que d’images incertaines du devenir. Les œuvres de Marie-Claire Meier nous invitent en définitive à approfondir et fouiller le for intérieur de la matière, son état en constante mutation vers la naissance d’une forme.

Françoise-Hélène Brou

Marie-Claire Meier, Empreintes. Du 22 février au 31 mars 2007. Galerie Fallet, 5 rue de la Tour-de-Boël , Genève.

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