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Maison Tavel, Genève
Genève, Maison Tavel : Adolphe Appia, dessins

L’exposition de la Maison Tavel présente les dessins scénographiques d’Adolphe Appia (1862 –1928).

Article mis en ligne le juillet 2008
dernière modification le 12 août 2008

par Françoise-Hélène BROU

Le Cabinet des dessins du Musée d’art et d’histoire de Genève présente à la Maison Tavel les dessins scénographiques d’Adolphe Appia (1862 –1928). L’exposition offre un peu plus d’une vingtaine de travaux réalisés pour des opéras de Glück et Wagner et une série d’Espaces rythmiques illustrant une riche collaboration avec le compositeur et pédagogue genevois Emile Jacques-Dalcroze.

Attiré très tôt par l’univers théâtral, Adolphe Appia assiste en 1882, à Bayreuth, à la création de Parsifal mis en scène par Wagner. Ce spectacle comme d’autres représentations de l’époque le déçoivent, il les juge artificielles et surannées. En effet, les scénographies illusionnistes prévalent : «  les décors de toile peinte et les détails réalistes sont si peu convaincants qu’ils ne font que relever leur caractère factice par leur contraste avec la réalité humaine des acteurs  » ( cité in Richard Wagner, vision d’artistes, Musée d’art et d’histoire de Genève, 2005, p 184). Surcharge ornementale, lourdeur décorative dégradent, selon le jeune Appia, la qualité du langage musical. On sait que Wagner lui-même « était tout à fait conservateur pour ce qui est de la mise en scène de ses propres œuvres  » (op. cit. p. 185). Face à tant de médiocrité, Appia se lance dans l’entreprise de réformer en profondeur les conceptions scéniques de son temps.

Parcours
Adolphe Appia a suivi une formation artistique et musicale : il pratique le dessin industriel et artistique à Vevey, il étudie également au Conservatoire de Genève, notamment avec Hugo de Senger. Entre 1882 et 1886, il fréquente successivement les conservatoires de Leipzig, Paris et Dresde et suit des stages à l’opéra de Vienne. Malgré une santé psychologique fragile qui lui vaut quelques séjours en milieu psychiatrique, l’artiste poursuit ses recherches. Il rédige en 1891 des notes de mises en scène pour L’Anneau des Nibelungen et pour une mise en scène complète du Ring. Dès 1891 apparaissent ses premiers croquis et esquisses pour les œuvres de Wagner : L’Or du Rhin et La Walkyrie ; Appia travaille parallèlement à la mise en scène de Tristan et Isolde et des Maîtres chanteurs.
Ni sculpteur, ni peintre, Appia s’impose néanmoins comme metteur en scène et créateur de décors. Dans ce rôle, il aura une action décisive au sein d’une nouvelle génération de créateurs qui s’intéresse à deux aspects essentiels de l’esthétique du XXe siècle : l’autonomie de la forme et la lumière. Cette approche permet aux artistes de rompre avec la conception classique et bourgeoise du décor naturaliste pour rejoin-dre la vision révolutionnaire des lieux et espaces préconisés par les avant-gardes expressionnistes, suprématistes et constructivistes. Dans ce processus, Appia fait incontestablement figure de pionnier.

Rénovation
Sa maîtrise technique, acquise dans la pratique des arts graphiques industriels (marquée par un goût prononcé pour les formes géométriques élémentaires) ainsi que sa connaissance musicale approfondie évoluent encore en 1906 grâce à la rencontre avec Emile Jacques-Dalcroze. Les deux artistes partagent le même idéal de rénovation de l’expression scénique et de création d’une harmonie parfaite entre le corps, la musique, le temps et l’espace.
De cette collaboration naît la série des Espaces rythmiques (1909-1910), des dessins épurés au caractère rigoureusement architectural qui forment l’ensemble le plus cohérent de son œuvre graphique. Entre 1911 et 1913, dans le cadre de l’Institut Jacques-Dalcroze à Hellerau, une cité-jardin située au Nord de Dresde, Appia conçoit la scénographie de spectacles, notamment l’Orphée de Gluck, attirant toute l’intelligentsia européenne (Ballets russes de Diaghilev, G.-B. Shaw, Arthur Honegger, Paul Claudel, Ernest Ansermet, etc…).
Ce succès international marque la consécration de la collaboration entre les deux hommes. En 1923, alors âgé de 61 ans, Appia se voit confier la réalisation de Tristan et Isolde pour la Scala de Milan. L’absence de décors peints et réalistes provoque les critiques du public et de la presse, mais malgré cette réception, Appia reçoit le soutien admiratif d’Arturo Toscanini. Enfin en 1923 et 1924, Oskart Wälterlin, directeur du Stadttheater de Bâle, offre à Appia la mise en scène du Ring ; hélas face à la cabale organisée par ses détracteurs, la Tétralogie n’est que partiellement montée. Adolphe Appia en est profondément affecté et tombe malade. Hospitalisé à la clinique de la Métairie à Nyon, il y décède en 1928.

Jeu de lumière
Adolphe Appia a profondément transformé la conception scénique du vingtième siècle. Il est en effet l’initiateur d’une organisation modulaire réduite aux données spatiales et temporelles élémentaires, dans laquelle le jeu de la lumière multidirectionnelle anime et colore l’espace tridimensionnel. La scène munie de praticables renforçant les effets plastiques et volumétriques, dépouillée d’artifices et rigoureusement stylisée, forme désormais avec les acteurs : chanteur, danseur ou musiciens, une unité symbolique, rythmique et expressive.

Françoise-Hélène Brou

Scénographie et modernité : dessin du Genevois Adolphe Appia (1862-1928). Maison Tavel, Genève. Jusqu’au 13 juillet 2008.
www.ville-ge.ch/mah