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Musée d’art et d’histoire, Genève
Genève, MAH : Réouverture

Réouverture des galeries du département des Beaux-Arts du Musée d’art et d’histoire de Genève : nouvelle exposition permanente.

Article mis en ligne le septembre 2008
dernière modification le 18 octobre 2008

par Catherine GRATTON

Une année après leur fermeture, suite à l’effondrement d’une corniche, les galeries du département des Beaux-Arts du Musée d’art et d’histoire de Genève ouvrent à nouveau leurs portes. Dès la mi-septembre, le public est invité à découvrir une nouvelle présentation des collections permanentes
de peintures, pastels et sculptures.

Bénéficiant d’un nouvel éclairage, ce parcours, articulé de manière chronologique, met en lumière des œuvres majeures longtemps éloignées des cimaises, et pour certaines revalorisées suite à une importante campagne de restauration. Cette symphonie, orchestrée par Paul Lang, conservateur responsable du département, Hélène Meyer, conservatrice au Cabinet des dessins, et Nadia Schneider, nouvellement nommée au poste de conservatrice pour la période moderne et contemporaine, nous invite à la découverte d’un patrimoine riche, qui place le musée genevois parmi les plus importantes collections suisses.

Mise en lumière
Notre voyage débute sur les rives du Léman, par la présentation du célèbre retable, réalisé en 1444 par le peintre Konrad Witz (c.1400-1444/45). La vision offerte du bord du lac, avec pour arrière-plan la description topographique des Alpes, place cette œuvre au sommet de la peinture européenne du XVe siècle. Présenté dans un espace à sa mesure, loin du vacarme assourdissant d’une modernité consumériste, le retable est à nouveau mis en con-texte, aux côtés d’éléments sculptés de la cathédrale Saint-Pierre et des Anges musiciens (c. 1414) peints par Giacomo Jaquerio (c.1375-1453) et son atelier, provenant de la voûte de la chapelle des Macchabées. Cette première salle met également en lumière des œuvres de la Renaissance italienne, auxquelles font face les écoles du Nord, redécouvertes lors de l’exposition qui leur était consacrée en 2005 (La naissance des genres). Un Jeune homme blessé, fuyant, magnifique statuette en bronze de l’artiste allemand Peter Flötner (c.1490-1546), nous entraîne jusqu’au Péché originel, œuvre emblématique de la période maniériste.

Salle Néoclassique en cours d’aménagement. Musée d’art et d’histoire de Genève

Après s’être attardé dans la collection Baszanger, devant l’Allégorie de la Fortune (1590) peinte par Cornelis van Haarlem (1562-1638) et les Plaisirs d’hiver à Isselmuiden (c.1608) par Hendrick Avercamp (1585-1634), nous retrouvons les écoles italiennes des XVIe et XVIIe siècles, déjà présentées auparavant. Dans leur prolongement, nous découvrons une nouvelle salle entièrement consacrée à la peinture française du XVIIe siècle, où les Joueurs de cartes du caravagesque Nicolas Régnier (c.1588-1667) impressionne tant par sa qualité que par ses dimensions. Deux peintures attribuées à Philippe de Champaigne (1602-1674) et son neveu Jean-Baptiste (1631-1681), dont le Saint Léonard refusant les présents du roi Clovis provenant de Notre-Dame de Paris, viennent compléter un parcours d’œuvres religieuses, parmi lesquelles figurent les Pestiférés implorant la protection de saint Charles Borromée du peintre Jacques Blanchard (c.1600-1638), et Le prophète Elie offrant un sacrifice réalisé par Charles Lebrun (1619-1690) fondateur, aux côtés du même Champaigne, de l’Académie royale de peinture et sculpture en 1648.

Inauguration
Le XVIIIe siècle français, où tous les genres picturaux et les noms prestigieux de François Boucher, Nicolas de Largillière, Jean-Baptiste Oudry, Noël-Nicolas Coypel et Claude-Joseph Vernet sont représentés, permet de découvrir une magnifique Nature morte d’Anne Vallayer-Coster (1744-1818). Elue à l’Académie royale de peinture en 1770, elle expose l’année suivante au Salon, où Diderot écrit à son sujet : « Mme Vallayer nous étonne autant qu’elle nous enchante. C’est la nature, rendue ici avec une force et une vérité inconcevable, et en même temps une harmonie de couleur qui séduit ».
Les écoles genevoises inaugurent leur parcours avec l’Autoportrait riant du célèbre pastelliste Jean-Etienne Liotard (1702-1789), que le succès conduit jusqu’en Orient, où il réalise en 1740 le portrait en costume ottoman de l’archéologue anglais Richard Pococke. Soulignons que le musée de Genève possède le fond le plus important de cet artiste, mis à l’honneur par la prestigieuse Frick Collection de New-York durant l’été 2006 (Jean-Étienne Liotard (1702-1789) : Swiss Master). Le choix des œuvres présentées au public couvre l’ensemble de sa carrière, parmi lesquelles figure le portrait malicieux de Madame La Live d’Epinay (c.1759). Femme de lettres et protectrice de Rousseau, elle vint à Genève pour se faire soigner par le très réputé docteur Théodore Tronchin, à qui elle offrit ce pastel en gage de remerciement. Cette œuvre ainsi que le portrait de Marie-Thérèse d’Autriche sont remarqués par Gustave Flaubert, lors de sa venue à Genève en 1845, qui écrit à son sujet : « Marie-Thérèse (pastel), femme, vers quarante-cinq à quarante-huit ans, fraîche, viande un peu molle, rose encore, pendante, œil humide et bon ; expression trop complexe pour être décrite ; admirable chose comme intensité ».
Au centre du parcours, la peinture néoclassique offre une vision théâtrale du monde antique, mis en scène par les artistes genevois Jean-Pierre Saint-Ours (1752-1809) et Gabriel-Constant Vaucher (1768-1814) (Fig. 1). La mort, que souligne le rouge pompéien des murs, peut être interprétée dans la Mort de Socrate, peinte à Florence en 1802 par François-Xavier Fabre (1766-1837), comme une guérison de l’âme libérée de son enveloppe charnelle, alors que l’urne funéraire, réalisée par James Pradier (1790-1852), en devient le réceptacle.

Alexandre Perrier, « Sérénité », entre 1900 et 1905. Huile sur toile, inv : 1999-0009, 105 x 165 cm.
Musée d’art et d’histoire de Genève

Parmi les nouveaux choix opérés pour la période moderne, un cabinet consacré aux artistes Alexandre Perrier (1862-1936) et Albert Trachsel (1863-1929), dont l’unique tableau représentant une Cascade évoque le monde mystérieux de la montagne et ses chutes d’eau, décrit par l’artiste dans ses Drames lyriques, publiés en 1909. Quant à l’artiste genevois, Alexandre Perrier, sa présence dans ce parcours annonce également l’importante exposition monographique annoncée pour l’an prochain (mars 2009) (Fig.2). L’espace faisant défaut, ces collections seront présentées en alternance, et parfois même en regard des événements programmés sur l’année. Ainsi le cabinet présentant une sélection d’œuvres des Giacometti, véritable dynastie d’artistes initiée par Giovanni (1868-1933) et son frère Augusto (1887-1947), auxquels est associé Cuno Amiet (1868-1961), parrain d’Alberto (1901-1966), préfigure l’exposition consacrée à ce dernier et projetée au Musée Rath au mois de novembre 2009.

Mythologie
Un petit ensemble de peinture nabis, formé par les artistes Edouard Vuillard (1867-1940), Pierre Bonnard (1867-1947) et Félix Valloton (1865-1925) clôture le parcours des cabinets et nous permet de rejoindre les grandes scènes mythologiques réalisées par ce dernier, parmi lesquelles figure la terrifiante représentation d’Orphée dépecé par les ménades. Cette salle offre un large panorama de son œuvre, où tout les genres picturaux sont représentés. Ces scènes, qui intègrent des personnages contemporains, illustrent les conflits des mondes et développent un sentiment d’étrangeté, également perceptible dans le portrait féminin du Retour de la mer, où de subtiles tonalités bleues électrisent le regard du modèle.
Les œuvres de la période cubiste de Georges Braque, Juan Gris ou Gustave Buchet, sont également mises en dialogue avec des sculptures de l’artiste d’origine russe, Alexandre Archipenko (1887-1964) (Femme en marche, 1912) ou celle du dadaïste Hans Arp (1886-1966) (Portrait des ombres de Tristan Tzara, 1916) (Fig.3). La dernière salle, dévolue à la période contemporaine, présente une sélection d’œuvres d’artistes internationaux, dont la Wall Piece de Sol LeWitt (1928- ) ou le TV Buddha du maître de l’art vidéo, Nam June Paik (1932-2006).
Cette promenade permettra à chaque visiteur de renouveler son regard sur les collections genevoises et de souhaiter que l’agrandissement de l’espace d’exposition permanente, nécessaire au déploiement des écoles de peinture toujours absentes des cimaises, puisse se concrétiser.

Catherine Gratton

Réouverture de l’étage des Beaux-Arts, avec un nouvel accrochage, dès le 10 septembre. Exposition permanente
Site : http://www.ville-ge.ch/mah