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Musée d’Art et d’Histoire, Genève
Genève : “Le profane et le divin“, Arts de l’Antiquité

Le Musée d’Art et d’Histoire de Genève expose, jusqu’au 31 août, 250 pièces d’art sous le titre : « Le profane et le divin, Arts de l’Antiquité, Fleurons du Musée Barbier-Mueller ».

Article mis en ligne le juillet 2008
dernière modification le 1er septembre 2008

par Sylvia MEDINA-LAUPER

En 2007, le Musée Barbier-Mueller, véritable institution genevoise, marquait ses 30 ans, en même temps que la disparition de son initiateur, Josef Mueller. Une année plus tard, en forme d’hommage à cet amoureux des Arts antiques, cette collection, se dévoile pour la première fois dans son ensemble, soit avec près de 250 pièces.

Il faut d’abord revenir au début du siècle dernier, en 1910 précisément. Josef Mueller a 23 ans, il aime passionément la peinture et commence à s’intéresser aux arts premiers. C’est alors qu’il acquiert une première oeuvre antique, sans se douter qu’elle représente la première pièce de ce qui va devenir une phénoménale collection couvrant sept millénaires d’histoire, à travers les plus brillantes civilisations de l’Antiquité, partant du bassin méditerranéen aux rives de l’extrême Orient.

Parcours initiatique
Près d’un siècle plus tard, si la collection a pris une telle ampleur, c’est grâce à la même passion qu’il a su transmettre à sa fille Monique et à son gendre Jean-Paul Barbier-Mueller. En effet, dès la fin des années 50, le couple, toujours complice dans la volonté d’acquérir de nouvelles pièces découvertes au hasard de leur voyages, enrichit la collection. Ce n’est qu’en 1977, que l’idée ambitieuse de créer un musée germe dans l’esprit de Jean-Paul Barbier-Mueller, à la fois dans le but de rendre hommage à son initiateur mais également dans un élan de partage, puisqu’un « bon collectionneur doit se comporter comme un colporteur de savoir, ouvrant au public la possibilité de voir ses nombreuses découvertes inédites ».

C’est ainsi qu’à travers un parcours initiatique mis en place en étroite collaboration avec le Musée d’Art et d’Histoire, la muséographie nous donne à découvrir des figurines, ornements, armes ou vases en pierres, en céramique ou en métal. Tous ces objets, qu’ils soient à usage relevant du quotidien ou, au contraire qu’ils recèlent une aura cultuelle et religieuse, et bien tous ces objets traduisent, comme le titre de l’exposition le laisse entendre, la vie profane de ces peuples ainsi que leurs croyances, et ceci du néolithique jusqu’à l’époque impériale. Le profane et le divin vu à travers les arts antiques est ainsi classifié en trois sections distinctes.
Il y a d’abord la problématique des « idoles », remontant à la période paléolithique. Il s’agit de figurines anthropomorphes aux formes féminines exagérées. Une vingtaine de ces pièces est présente dans cette section et couvre les quatre derniers millénaires qui l’ont vu se produire, soit de 6000 à 2000 avant J.-C. Les deux premières figurines proviennent d’Anatolie et montrent des corps féminins aux fesses amples, –et c’est un euphémisme- ce sont des femmes « stéatopyges  », du grec Stear (graisse) et pygê (fesses). D’autres statuettes mettent en avant une poitrine proéminente, comme c’est le cas pour celle très stylisée provenant des Cyclades. Deux interprétations ont trouvé écho auprès des spécialistes pour expliquer cette fascination autour des attributs féminins. La première suggère une société matriarcale où les femmes règnaient sur le modèle hérité des récits des mazones. La deuxième hypothèse, plus vraisemblable, s’appuie sur les symboles de fécondité mis en avant - gros ventres magnifiant la grossesse, scènes d’accouchement, seins saillants et postérieurs larges – et laisse entrevoir un culte de la femme reproductrice, à l’image d’une terre fertile, lui vouant ainsi une aura divine.

Entre vérisme et classicisme
Ensuite, la deuxième thématique, consacrée aux portraits dans l’Antiquité, met en parallèle deux courants artistiques différents dans l’histoire du portrait romain. Il y a le « vérisme » et le « classicisme ». Le portrait vériste cherche la ressemblance avec le sujet pour en extraire le maximum de réalisme, il a pour vocation de traduire le rang social qu’occupe la personne portraiturée. On le retrouve en Grèce par exemple, dans les nombreux portraits de philosophes ou d’hommes politiques, comme c’est le cas pour Hermarchos, disciple d’Epicure, ou pour Démosthène, politicien athénien. Chez eux, on cherche à mettre en valeur leur intense activité intellectuelle. Chez les Etrusques ou les Romains, les portraits véristes sont plus le fait d’une volonté commémorative et représentent les défunts d’une famille sur les couvercles de leur sarcophage. A cet égard, une tête féminine en est une parfaite illustration ; avec ses traits personnalisés de femme d’âge mûr, les yeux cernés, le menton épaissi et les rides marquées, le portrait doit être fidèle à la réalité. Sa coiffure élaborée renvoie à un statut social élevé, une patricienne. Mais plus encore, l’ordonnance de la chevelure, étagée sur trois niveaux, permet de dater cette mode sous l’empire de Trajan, soit de 98 à 117 après J.-C. Pline l’Ancien témoigne de cette tradition funéraire dans son Histoire naturelle : « dans les atriums on exposait … des masques moulés en cire, qui étaient rangés chacun dans une niche : on avait ainsi des portraits pour faire cortège aux convois de famille et toujours, quand il mourait quelqu’un, était présente la foule entière de ses parents disparus ; et les branches de l’arbre généalogique couraient en tous sens, avec leurs ramifications linéaires, jusqu’à ces portraits … ». Face au courant vériste, une autre esthétique occupe les sculpteurs avec le classicisme dont les canons sont empruntés aux Grecs. Ici, les visages présentent une beauté idéalisée, plaçant les figures au-dessus de la réalité humaine, c’est pourquoi les sujets sont avant tout des souverains ou des dieux.

Pèlerinage
La dernière section s’articule autour de la géographie et regroupe les objets selon les plus brillantes civilisations considérées allant de l’Italie à l’Extrême-Orient. Ainsi témoignent de l’Egypte antique, des pièces retraçant les phases historiques avec des objets prédynastiques, pharaoniques, ptolémaïques et enfin d’époque impériale. Les Etrusques et les Romains ont eux aussi leurs vestiges à nous montrer. On continue de voyager à travers la civilisation cycladique avec ses figurines de l’âge du Bronze, puis sur la Grèce continentale et sa culture hellénistique. Plus à l’est, la Mésopotamie se dévoile avec ses différents peuples d’Uruk et de Sumer. Rappellons à cet effet que le masque représenté sur l’affiche est sumérien. Le pèlerinage se poursuit par la Perse antique, les régions du Baluchistan et de la Bactriane, suivi des peuples nomades des steppes, de la Scythie jusqu’à la Chine. Enfin, le visiteur pourra profiter de la culture vietnamienne de Dông Son – du Vème au IIIème siècle avant notre ère- et admirer un tambour monumental en bronze.

Sylvia Medina-Lauper

Jusqu’au 31 août 2008.