La Ferme de la Chapelle poursuit et développe une action culturelle
décisive dont le but principal est de promouvoir la création plastique et visuelle contemporaine auprès des publics locaux et régionaux. Grâce à l’engagement des responsables du lieu et à une programmation originale et diversifiée, l’espace communal lancéen est devenu désormais une pièce maîtresse dans le dispositif culturel genevois. L’exposition monographique des œuvres de Francis-Olivier Brunet, en partenariat avec deux galeries de Genève et d’Annecy, témoigne de ce dynamisme.

Galerie connue depuis déjà de nombreuses années pour sa politique de soutien et de promotion de la création artistique locale et régionale, la Ferme de la Chapelle a entrepris depuis plus d’un an un effort important pour renforcer son action culturelle. Nouvelle direction, rénovation des locaux, choix et lignes artistiques remodelés et adaptés à l’évolution des courants artistiques représentatifs de notre époque, création de partenariat avec diverses institutions publiques et privées. Le concept mis en œuvre par les organisatrices vise à créer une série d’événements autour de l’axe central d’une exposition.

Ainsi concerts, conférences, lectures, projections, séances de signature, dossiers pédagogiques et visites guidées pour les écoles et le public, viennent-ils étoffer la cohérence d’une thématique expositive et attirer du même coup l’attention d’un plus large public. Les synergies avec plusieurs acteurs culturels genevois se sont multipliées et, au cours de ces derniers mois, de nombreux projets ont été conçus avec des associations d’artistes, des événements artistiques, des galeries publiques et privées. La stratégie semble porter ses fruits car les demandes et désirs de collaborations avec La Ferme de la Chapelle s’accroissent à un rythme soutenu.

Préoccupations plastiques
L’exposition consacrée à Francis-Olivier Brunet qui se tient entre avril-mai représente à cet égard un exemple idéal de création d’un événement culturel interrégional favorisant une synergie entre trois partenaires : La Ferme de la Chapelle à Lancy, la Galerie Ligne Treize à Carouge et la Galerie Au-delà des Apparences, à Annecy. Ces trois espaces accueillent au même moment l’artiste français résidant en Haute-Savoie et présentent chacun un aspect spécifique de ses travaux récents. La galerie carougeoise expose une série d’œuvres en petits et moyens formats évoquant le Corps érotique, à Annecy on découvre une sélection abordant la notion de Corps suggéré.
Enfin la Ferme de la Chapelle met l’accent sur l’idée du Corps intérieur avec la présentation de travaux en grands formats, des portraits, des œuvres réalisées pour le film Soleil Blanc et la projection d’une vidéo. Ces trois volets consacrés au thème du corps déclinent sur toile ou papier, par l’image fixe ou animée, une des préoccupations plastiques que Francis-Olivier Brunet explore depuis plusieurs années et qu’il résume sous le titre général de La Diagonale du corps.

Filiation des images
Plongés dans une atmosphère de nocturne, faces, figures et couples composent d’infinies variations corporelles et posturales, cadrés en gros plan ou en plan moyen. La technique utilisée : l’acrylique et la gouache avec des inclusions de friches d’atelier (divers petits matériaux récupérés) crée des espaces modulés de légers reliefs que la lumière vient affleurer. Les blancs et noirs acquièrent alors une volumétrie contrastée jouant avec les plis, les creux et les vides, le clair et l’obscur. Les représentations de Francis-Olivier Brunet évoquent le processus de la chambre noire qui, entre capture photographique et fixation graphique, réalise l’empreinte d’un vécu, figeant l’image dans un présent éternel. Les scènes intimes attirent le regard et « Une sorte de lien ombilical relie le corps de la chose photographiée à mon regard : la lumière, quoique impalpable, est bien ici un milieu charnel, une peau que je partage avec celui ou celle qui a été photographié ». Cette remarque empruntée à Roland Barthes n’est ici pas innocente car en dessous de la peinture de Francis-Olivier Brunet se tapit effectivement, parfois, une image primitive (reproduction d’une photographie, d’un tableau ou l’illustration d’un magazine) que l’artiste redessine, repeint, avec ses pigments et matières, pour donner naissance à une nouvelle figure. Il s’agit là d’une particularité vertigineuse qui met en abyme la filiation des images, des corps, et que la «  vérité du Noir-et-Blanc (…) un postiche sans fards » sublime particulièrement, comme le souligne encore l’auteur de la Chambre claire. Le double jeu de la peinture et de la photographie permet à l’œil de se construire une vision qui conjugue des fragments épars d’expériences passées et présentes. C’est pourquoi les corps de Francis-Olivier Brunet s’apparentent à des paysages, autre genre cher à l’artiste. Nous nous trouvons en effet face à une authentique géographie constituée de strates visibles et invisibles, accumulées les unes par-dessus les autres au fil du temps. Les paysages corporels de l’artiste où se superposent silhouettes, têtes et membres, enveloppés d’une ombre suggestive, sont autant d’espaces à explorer, des champs peuplés de signes à déchiffrer qui engendrent un travail de la pensée et de l’imaginaire.

Françoise-Hélène Brou

– Galerie La Ferme de la Chapelle, Francis-Olivier Brunet, le Corps intérieur, du 22 avril au 17 mai.
http://www.fermedelachapelle.ch
– Galerie Ligne Treize, Francis-Olivier Brunet, Le Corps érotique, du 22 avril au 16 mai.
http://www.galerielignetreize.ch
– Galerie Au-delà des Apparences, Francis-Olivier Brunet, Le corps suggéré, du 28 avril au 30 mai.
http://www.galerie-audeladesapparences.com