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Présence suisse à la Biennale de Venise
Entretien : Fabrice Gygi

Fabrice Gygi a été sélectionné pour représenter la Suisse à la Biennale de Venise. Entretien.

Article mis en ligne le mai 2009
dernière modification le 21 juin 2009

par Françoise-Hélène BROU

La Biennale de Venise existe depuis 1895 et représente aujourd’hui l’un des
événements majeurs de l’art contemporain international. La 53e Biennale d’Art se déroulera du 7 juin au 22 novembre 2009 dans les espaces des Giardini (50.000 m2.), de l’Arsenale (38.000 m2) et dans divers lieux de la cité.

Le titre de cette manifestation, Construire des mondes, a été choisi par le directeur de l’Exposition internationale d’art Daniel Birnbaum. Cette thématique entend révéler les processus intimes de la création et présenter les œuvres-clés de la recherche visuelle contemporaine.
La 53e Biennale compte un nombre record de 77 participations nationales qui exposeront les œuvres des artistes sélectionnés par leurs pays respectifs dans les pavillons historiques des Giardini, à l’Arsenale et dans le centre historique de Venise. Parallèlement au traditionnel parcours des pavillons nationaux, l’Exposition internationale dirigée par Daniel Birnbaum présente les travaux d’une centaine d’artistes du monde entier qui mettront en lumière le panorama des stratégies artistiques les plus récentes. La manifestation inclut également un ensemble de 38 événements collatéraux.
La Suisse participe depuis 1920 à la Biennale et possède son propre pavillon aux Giardini (construit en 1951 par Bruno Giacometti). A chaque édition, la Commission fédérale d’art présente les tendances majeures de l’art contemporain suisse. Par ailleurs depuis 1990, l’église de San Stae, située sur le grand Canal, abrite une seconde exposition de la Suisse à la Biennale. Cette année, la contribution officielle de la Suisse a été confiée à Silvia Bächli (Pavillon suisse aux Giardini) et à Fabrice Gygi (église de San Stae). L’œuvre graphique de Silvia Bächli connaît un retentissement bien au-delà de nos frontières. Associant la précision du trait à la liberté créatrice, elle oscille entre l’abstrait et le figuratif. Silvia Bächli enseigne à la Staatliche Akademie für Bildende Künste de Karlsruhe.

Fabrice Gygi : l’Homme révolté
Le travail de Fabrice Gygi est désormais largement reconnu en Suisse comme à l’étranger. En plus de ses activités artistiques, il enseigne à la Haute école d’art et de design de Genève et à l’Ecole cantonale d’art de Lausanne. A la fois sculpteur, graveur, peintre et vidéaste, Fabrice Gygi explore et interroge les mécanismes de l’autorité qui caractérisent nos rapports sociaux. Avec des matériaux bruts et principalement industriels, froids mais paradoxalement sensuels (aluminium peint, bois, béton, acier peint, cuir...), l’artiste fait surgir les tensions entre liberté et contrôle, protection et menace. A deux mois de l’ouverture de la Biennale l’artiste genevois nous parle de l’événement.

Comment avez-vous reçu la nouvelle de votre sélection pour représenter la Suisse à la Biennale de Venise ?
Fabrice Gygi : C’est certainement un moment important dans la carrière d’un artiste, une réelle reconnaissance de son travail. J’ai reçu beaucoup de messages très sympathiques et enthousiastes.

Pouvez-vous nous expliquer quel a été le processus de sélection. 
Il s’agit plutôt d’une invitation, il y a environ un an l’Office fédéral de la culture m’a fait une proposition et j’ai accepté. Je dois dire que mon travail a, depuis longtemps, toujours été suivi et soutenu par les institutions. Je bénéficie plus d’une reconnaissance institutionnelle que de celle du marché, mes œuvres ne sont pas des objets de spéculation, du moins pas pour l’instant.

Votre participation à cette manifestation internationale pourrait donner une nouvelle impulsion à votre carrière.
Oui, c’est possible que cela puisse changer les choses, je dois dire que je le vis comme une incertitude à la fois excitante et inquiétante. Cela dit j’ai déjà participé à plusieurs expositions de cette envergure, en effet je suis le seul Suisse à avoir été sélectionné pour les trois Biennales, Le Caire, Sao Paulo et maintenant Venise.

Pouvez-vous nous dévoiler dans ses grandes lignes le contenu du projet artistique que vous comptez présenter à Venise ?
Depuis un certain temps, mes préoccupations tournent principalement autour du double thème de l’autorité et du contrôle. Je les aborde selon trois perspectives différentes : d’abord sur le plan de la gestion de l’autorité, puis sur le plan de la déviance du contrôle et enfin sur celui du conflit armé qui dérive vers des exactions. C’est donc dans ce sens que je vais probablement travailler.

Votre projet n’est pas encore défini ? Pourtant il ne reste plus que deux mois avant l’ouverture de la Biennale.
Oui, j’en suis conscient. Mais je dois exposer à l’Eglise de San Stae et le projet que j’ai présenté récemment a rencontré des réticences auprès des autorités religieuses qui gèrent ce lieu. Ces mêmes difficultés se sont déjà présentées par le passé avec Pipilotti Rist et avec Ugo Rondinone qui m’ont précédé à San Stae.

Où en êtes-vous actuellement et qu’allez-vous faire si les pressions persistent ?
Je réfléchis à un autre projet, j’ai le soutien de l’OFC, ce qui est très positif, mais le regard de l’Eglise dans mon projet ressemble bien à une forme de censure, ce qui ne va pas sans me donner un sentiment de lassitude pour ne pas parler d’agacement. Donc je ne suis pas en mesure de vous dire exactement comment mon projet va se concrétiser. Pour être franc l’idée de claquer la porte m’a effleuré un moment, mais je reste confiant face à ce challenge intéressant car mon travail dans cette église me place dans une nouvelle situation de confrontation avec l’autorité. En effet je conçois mon activité artistique comme une espèce de médiation ou de compromis qui facilite les relations entre les divers acteurs sociaux. Ainsi cette situation certes stressante peut toutefois engendrer une réalisation positive et originale.

Propos recueillis par Françoise-Hélène Brou

Fabrice Gygi expose actuellement à la Galerie Guy Bärtschi à Genève.(Projection de la vidéo "Whip Fight" jusqu’au 8 mai 2009)
www.bartschi.ch
Rens. sur la Biennale de Venise : www.labiennale.org