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Galerie TH13, Berne
Berne : Rémanence

La photographe Sarah Girard expose chez Hermès.

Article mis en ligne le novembre 2009
dernière modification le 14 décembre 2009

par Régine KOPP

La galerie TH13 de Berne, créée dans le sillage de la Fondation d’entreprise Hermès, entame sa deuxième année d’expositions. La nouvelle exposition, intitulée Rémanence, propose de montrer le travail d’une artiste genevoise, Sarah Girard.

Elle est diplômée de l’Ecole supérieure des beaux-arts de Genève en 2001, et comme la valeur n’attend pas le nombre des années, elle ajoute en 2003 un master en arts visuels du Goldsmiths College de Londres et gagne en 2008 un prix au festival de la photographie de Leipzig. Pour l’accompagner dans la conception et la réalisation de l’exposition, les responsables de la galerie ont décidé de faire appel à un commissaire. Hautement qualifié, Paul Cottin a su apporter une solide compétence et une sensibilité particulière pour faire de cette exposition un moment fort.

Rémanence : la photographie dans le cabinet du psychanalyste
On sait combien la photographie s’est popularisée ; la photographie d’art a cependant une autre portée et l’exposition Rémanence est à ce titre un bon exemple pour le rappeler à tous les apprentis photographes. Ici, il s’agit du questionnement de l’image, car il y a une image visuelle qui persiste, nous dit Sarah Girard, pour qui l’acte d’entrer dans cet espace clos du cabinet est assez violent et ne peut montrer que des fragments. C’est une approche discrète mais aussi précise, angulaire, dit-elle.
A première vue, le sujet du cabinet du psy peut paraître insolite, mais il suffit de suivre le parcours des vingt photographies, pour saisir toute la richesse de formes et de couleurs qui se cache dans cet espace clos, plutôt banal, auquel Sarah Girard et Paul Cottin ont voulu donner une dimension dramaturgique. Unité de lieu, de temps et d’action comme au théâtre. Ne dit-on d’ailleurs pas entrer en analyse, comme on dit entrer en religion ? « Par fragments, comme une archéologue, elle relève les empreintes qui révèlent la présence sans dévoiler la figure ». Freud lui-même a écrit sur le dispositif du cabinet et ses éléments symboliques : le divan, le fauteuil, le bureau, un lieu censé neutre mais où se voit le poids du temps et qui retient les traces de la psychanalyse. Une série de photographies, intitulée Corner et Window, évoque les coins et les angles de fenêtres, le lieu pour Sarah Girard « où la pensée trouve un ancrage et où le regard se fixe et se concentre, d’où il ne peut pas s’échapper ».

Travail épuré
Sarah Girard, qui travaille en moyen format, taille 6/7, et base analogique, ne fait aucune retouche mais soigne le cadrage, ainsi que la taille de l’image, importante pour elle, à cause du rapport physique à l’image. Le visiteur ne manquera pas de s’arrêter devant le bloc de quatre fauteuils : pour donner de la densité, l’accrochage se focalise sur quelque chose de répétitif, de même que les gens qui sont là et reviennent pendant plusieurs années. Que ce soit les quelques plis dans l’assise d’un fauteuil, l’ondulation du rideau, il s’agit d’« une évocation minimaliste qui dévoile pourtant bien au-delà de ce qui est visible », écrit Paul Cottin, car ces éléments « dans le contexte si particulier du cabinet du psychanalyste, deviennent le support à partir duquel se construit et se développe le travail de l’esprit ».
Il y a aussi la manière très artistique qu’a Sarah Girard de rendre la texture des tissus froissés, des cuirs usés, des tapis râpés, sans que cela soit anecdotique. C’est justement ce qui est fascinant dans son travail, sa manière très subtile de capter le temps, comme ces gens qui viennent et remontent dans leur temps personnel, l’analyse ayant pour but de les remettre dans le temps à venir. La photographie de Sarah Girard n’a rien de spectaculaire, c’est un travail très épuré. Elle n’abuse pas de la photo, et Paul Cottin d’ajouter « contrairement à de jeunes photographes qui se perdent souvent dans leur sujet, elle est juste, et a du recul et la maîtrise de la lumière ». Sarah Girard dit qu’elle a un rapport physique avec l’appareil. C’est dans cette concentration du regard porté sur le décorum un rien désuet et banal que se cache le savoir-faire mais aussi la subtilité artistique du travail de Sarah Girard.

Régine Kopp

Exposition : TH13 Berne, Theaterplatz 13.
Jusqu’au 11 décembre 2009