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Galerie TH13, Berne
Berne : Josef Albers photographe

Sous les auspices d’Hermès, la galerie TH13 présente l’œuvre photographique de Josef Albers.

Article mis en ligne le mars 2009
dernière modification le 30 mars 2009

par Laurent DARBELLAY

Artiste aux multiples facettes, Josef Albers (1888-1976) est connu en tant que peintre, enseignant et photographe alors même que sa carrière au Bauhaus débuta par le design.

C’est après avoir été formé à l’Académie royale de Munich, puis à Berlin qu’il avait rejoint l’école de Bauhaus dont il devint un des membres importants avec Gropius, Moholy-Nagy et Johannes Itten. Passant d’un genre à l’autre – il a dessiné des meubles avant de se consacrer un temps à la lithographie – il commença à développer un intérêt pour la photographie à la fin des années 20, avant de se lancer dans ses recherches sur les couleurs en peinture, domaine qui le fit connaître par la suite, en particulier aux Etats-Unis où il émigra en 1933 (avant d’en prendre la nationalité en 1939) à la suite de l’arrivée au pouvoir d’Hitler.

Profession de foi
Josef Albers définit ainsi le sens de l’art : « apprendre à voir et à sentir la vie, cultiver l’imagination, parce que le monde recèle encore des merveilles, parce que la vie est un mystère, et le restera. Soyez-en conscient. L’art signifie alors que vous devez croire, vous devez avoir la foi, et donc, cultiver une vision. »
Cette profession de foi, fondée sur un apprentissage progressif de la vision du monde et de ses mystères, a bien sûr été mise en œuvre par Albers dans son enseignement au Bauhaus, ainsi que dans sa pratique picturale, dominée par une théorie très élaborée des couleurs et par une exploration permanente de motifs géométriques – que l’on songe aux célèbres séries d’Hommages au carré.
Toutefois, cette perception à la fois imaginative et mystérieuse du monde transparaît également dans son œuvre photographique, moins connue et célébrée mais tout aussi fascinante, et qui est présentée au TH13 de Berne jusqu’au 28 mars, sous les auspices d’Hermès, en collaboration avec la Fondation Josef-et-Anni Albers.
La production photographique d’Albers s’étend sur plus de trente ans, entre 1928 (il débute ses essais photographiques durant ses années d’enseignement au Bauhaus) et le début des années soixante.
Dans plusieurs de ses clichés, Albers s’intéresse au spectacle du quotidien, qu’il saisit tantôt sous forme élaborée (Au Café, qui donne à voir un profil de femme tenant élégamment une tasse), tantôt de façon plus spontanée – Ah c’est chaud, qui représente Hans Farman une cuillère à la bouche dans un espace naturel, dans une atmosphère qui évoque une scène de
pique-nique.

Jeu avec les contrastes
Formellement, et avec l’œil géométrique qui caractérise également son travail pictural, Albers joue beaucoup avec les contrastes de teintes et de lumières. Ainsi, Linge sur une corde crée un effet soutenu de clair-obscur entre le linge du premier plan et le fond obscur, contraste renforcé par l’opposition entre les lignes verticales des tissus pendus et l’horizontalité du second plan. L’artiste métamorphose cette scène prosaïque non seulement en une fascinante nature morte, mais en une composition proche de l’abstraction.
De même, le cliché intitulé Jeux de ballon sur la plage révèle bien le type d’appréhension du réel mis en place par Albers dans son œuvre photographique. S’il s’agit pour lui « d’apprendre à voir et à sentir la vie », ce n’est pas en se reposant sur le seul pouvoir mimétique du médium photographique, mais en combinant les possibilités de la photo avec son regard sur le monde, où domine le sens des lignes et des compositions géométriques articulées. Ainsi, les deux corps de baigneurs, saisis en contre-jour et dont les ombres s’étirent sur la plage, se lisent aussi bien comme une scène estivale « saisie au vol » que comme une étude de mouvement.
Enfin, l’artiste a recours dans plusieurs clichés au motif des mannequins, surtout féminins. Cette thématique, chère aux surréalistes et à des photographes tels que Brassaï et Man Ray, permet à Albers de souligner les lignes de composition des corps des mannequins, de créer de subtils effets de lumière sur des « peaux » artificielles, et bien sûr de jouer sur l’ambiguïté référentielle de ces corps à la fois inertes et habités, quasiment humains mais résolument factices, proposant ainsi à l’observateur une singulière expérience des « mystères » et des « merveilles » du monde.

Laurent Darbellay

TH13, Theaterplat 13, Berne - jusqu’au 28 mars du lundi au samedi de 10h à 17h