Arts-Scènes
Slogan du site

Cinéma Danse Expositions Musique Opéra Spectacles Théâtre

Kunstmuseum de Berne
Berne : Edward Burne-Jones

Le Kunstmuseum de Berne consacre une magnifique rétrospective à Edward Burne-Jones.

Article mis en ligne le mai 2010
dernière modification le 27 juillet 2010

par Régine KOPP

C’est une grande première que propose le musée des Beaux-Arts de Berne, en organisant une exposition consacrée au peintre Edward Burne-Jones (1833-1898) et dont le titre Le Paradis terrestre fait allusion à l’obsession que l’artiste portait à la création artistique d’un monde idéaliste. L’art était pour lui « le beau rêve romantique d’une chose qui n’a jamais existé et n’existera jamais ».

Un monde imaginaire de contes et de légendes, de chevaliers et de gentes dames, de dragons et de princesses, de fées, de dieux et de femmes au charme envoûtant, qui ressemble pour le visiteur d’aujourd’hui aux univers de Harry Potter ou du Seigneur des anneaux, mais l’artiste s’inspirait de la Bible, d’Ovide, Dante, de l’Antiquité, du Moyen-Age ou de la Renaissance. On peut regretter que l’œuvre de Burne-Jones soit peu connue.

Réhabilitation
Cette exposition réalisée en collaboration avec la Staatsgalerie de Stuttgart réhabilite donc cet artiste préraphaélite et montre une œuvre composée en cycles narratifs de plusieurs tableaux, qui sont regroupés en sept salles thématiques. Au-delà du Cycle de Persée, l’exposition présente le grand cycle sur Amour et Psyché, sur Pygmalion, sur Saint Georges, sur la Belle au bois dormant, sur la quête du Graal. Car, si l’œuvre de l’artiste nous parle encore aujourd’hui, en dépit de son symbolisme parfois pesant, c’est qu’il explore les sensibilités des hommes sur les grandes questions existentielles.
Les œuvres du cycle de Persée, comme la frise murale sur le thème d’Amour et Psyché ou l’histoire de Saint-Georges et le Dragon ont été exécutées pour des commanditaires. Le cycle de Persée raconte l’histoire de Persée, qui a promis au roi de lui apporter la tête de la méduse mortifère. Les tableaux sont accrochés comme une suite sur le principe de la bande dessinée : L’Appel de Persée, Persée et les Grecs, ... Dans La Tête maléfique (1885/87) qui clôt le cycle, le mal est vaincu, les protagonistes sont enfin réunis. Andromède reconnaît dans l’eau son propre visage à côté de celui de Persée et de la tête de Méduse, elle prend conscience de l’origine divine de Persée mais aussi de sa propre finitude humaine. L’histoire de Saint Georges et le dragon est présentée avec quatre scènes qui inspirent la peur mais où le bien finit par triompher sur le mal. En s’inspirant du Roman de la Rose, l’artiste s’intéresse à la relation de la distance et du rapprochement entre l’homme et la femme, le désir et le refus, illustré par Amour conduisant le pèlerin (1896/97), où l’on voit l’amant s’extrayant d’un taillis de ronces qui symbolise les blessures causées par les confusions de la quête amoureuse.

Diversité
Le conte de la Belle au bois dormant est une source d’inspiration importante pour l’artiste et lui a valu, à la fin des années 1860, le plus grand succès de sa carrière. Une très belle découverte pour le visiteur que la série d’études (gouache et pastel) de la Belle endormie, dans lesquelles l’artiste fait s’affronter le repos physique et le monde des rêves et dont témoigne dans une esthétique romantique Le Prince pénétrant dans la forêt de ronces (1869). Autre surprise picturale : la série de tableaux sur le mythe de Pygmalion et de Galatée qui raconte l’histoire d’un sculpteur qui cherche à se créer une compagne idéale avec les moyens de son art. C’est une œuvre de transparence et d’innocence que celle où la déesse Vénus insuffle la vie à la statue en enroulant ses bras dans les siens. Dans un style inspiré de la peinture de la Renaissance, Burne-Jones crée, autour de 1871, douze tableaux composant un cycle décoratif et narratif consacré à Psyché, soumis à diverses épreuves pour connaître l’amour. Conçus pour être une frise murale dans la maison d’un mécène, ces tableaux se lisent comme une bande dessinée. Les femmes ont joué un grand rôle dans la vie de l’artiste, qui avait connu une grande crise de son couple à la suite d’une aventure malheureuse avec une très belle femme grecque. Plusieurs portraits de femmes d’une grande intensité de couleurs sont ainsi présentés.
Dans La belle Rosamonde et le reine Eléonore, Burne-Jones cristallise l’antagonisme des deux types de femmes, l’épouse et la séductrice. Dans les années 1870, bien que se tenant à l’écart de toute activité artistique, l’artiste crée des œuvres capitales comme Le Miroir de Vénus (1866) dont sont présentées quelques études préparatoires, montrant neuf jeunes filles penchées sur un étang et qui font penser aux Demoiselles d’Avignon. La quête du Saint Graal a passionné Burne-Jones, qui y a consacré toute une série. Il y voit une parabole de sa propre quête de toute une vie, celle de la beauté insurpassable.
L’œuvre de l’artiste est d’une grande diversité, s’illustrant aussi bien dans le vitrail polychrome, les carreaux de faïence, l’illustration de livres, les mosaïques ou la tapisserie. La dernière salle présente la tapisserie Le Pèlerin au jardin d’oisiveté ou le cœur de la rose, symbolisant l’aimée, sous la forme d’un visage enfermé dans un bouton de rose mais auquel l’amant n’accède qu’après avoir franchi des branches d’épines, une allégorie pour le thème du désir et du refus qui lui est opposé. Une œuvre somme toute naïve qui nous impressionne bien moins qu’une autre œuvre présentée de cette dernière salle : Les Ames sur la rive du Styx (1873), radicale et bouleversante. Sur un fond noir, quelques corps tordus de désespoir, de douleur et de peur, d’une blancheur très froide nous interpellent par leur modernité.
Que le Kunstmuseum accueille cette exposition n’est pas un hasard, puisqu’il existe un lien avec le peintre suisse Hodler. Les deux artistes sont occupés à travailler sur la représentation du mouvement de la vie, qui porte aussi en lui la marche vers la mort. Des œuvres comme Eurythmie, Emotion ou L’Heure sacrée montrent que Hodler s’est inspiré de Burne-Jones.

Régine Kopp

Exposition jusqu’au 25 juillet 2010
www.kunstmuseumbern.ch