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Entre Bruxelles et Louvain
Belgique : Hergé et Magritte

Coup de projecteur sur deux nouveaux musées belges, et non des moindres !

Article mis en ligne le mars 2010
dernière modification le 25 mars 2010

par François ZANETTA

Entre ligne claire et clair de lune, Hergé et Magritte, deux figures majeures de l’art belge, ont été célébrés en fin d’année dernière entre Bruxelles et Louvain.
Deux nouveaux musées se sont ouverts.

Le musée Hergé
A une heure de train de Bruxelles depuis la gare du Midi, Louvain-la-Neuve abrite le nouveau musée Hergé. Ville universitaire, le campus est dédié à l’étude, hors la vie, hors du temps. L’expérience est singulière : descendre ainsi l’artère principale, prendre la rue du Labrador (première adresse de Tintin à Bruxelles, doit-on le rappeler, et rebaptisée comme telle pour l’occasion par la municipalité de Louvain) et se retrouver devant une passerelle, face au bâtiment élaboré par Christian de Portzamparc, de béton et de verre. Couleur en aplat, du bleu du ciel, du jaune-brique, la ligne est graphique et colorée, en lien direct avec le journaliste légendaire. L’effet est saisissant et réjouissant ! Comme un grand livre ouvert au grand air, puis un vide et la physionomie de Tintin, de dos.
L’architecte français précise que l’ensemble donne « l’aspect d’un navire amarré là. Un peu à l’image du grand vaisseau de Fitzcarraldo traversant la forêt amazonienne. » Voilà les fondements établis, quelques liens, quelques repères élaborés depuis 2001. Ce qui frappe dans ce lieu tout offert à l’œuvre multiple de Georges Remi (Hergé), ce sont ces baies vitrées ouvertes sur l’extérieur, asymétriques, qui évoquent immanquablement des cases de bandes dessinées. 3600m2 de surface, deux niveaux d’exposition, une déambulation assez complexe, mais l’œil reste ouvert et attentif au parcours didactique et pédagogique. Un soin particulier, quasi-documentaire, pour nous permettre de comprendre l’artiste. Audio/visio guide semble être de mise pour capter tous les aspects de cette promenade : notre visite sera donc active et ludique. Voilà la ligne claire, toute dévolue à Hergé, mise en scène par une scénographie inspirée, dans une obscurité certaine pour protéger le papier fragile. Là, Totor, Quick et Flupke, plus loin Jo, Zette et Jocko.

Musée Hergé à Louveain-la-Neuve
© Nicolas Borel. Atelier de Portzamparc 2009

On découvre également d’autres facettes du talent de l’artiste belge : graphiste, affichiste, illustrateur, publicitaire. On se rendra compte, grâce à des dessins préparatoires, des planches originales, de l’évolution de son style. Mélange de pureté et de simplicité maîtrisée, comme une signature graphique. Ses liens aux événements du monde, de l’art et de l’Histoire. Et de par ses méharées africaines, ses odyssées dans les étoiles ou sur le Toit du Monde, Tintin vagabonde, nous l’avons suivi, nous le redécouvrons ici. Des objets, comme prélevés de nos albums préférés : une statuette, une boîte de crabe, un tableau de Rackham le Rouge… des objets fétiches. Parcours riche de 8 salles, nos pas nous mènent encore au cœur des Studios Hergé, pour mettre au jour son lien avec la science et Tournesol comme figure centrale. Son amour enfin pour le cinéma, en citation fréquente !
C’est Andy Warhol (belle sérigraphie d’Hergé) et Michel Serres qui donnent la conclusion à l’exposition permanente. Le philosophe français s’interroge : « Citez-moi une seule œuvre qui fasse le bonheur de trois générations de façon continue… ? » Elles ne sont pas nombreuses en effet et le musée ravive encore notre envie de nous y plonger toujours.

Le musée Magritte
Au cœur même de Bruxelles, au centre de la ville, sur la place Royale, le nouveau musée Magritte a créé l’événement en fin d’année dernière. Encastré dans le Musée des Beaux-Arts , ce beau bâtiment néo-classique abrite quelques 250 œuvres : aujourd’hui la plus grande collection de Magritte du monde. 2500m2 d’exposition pour faire connaître l’œuvre hétéroclite de l’artiste belge.
De la réunion des Musées Royaux et de la Fondation Magritte est né ce lieu à la scénographie pensée comme une déambulation dans l’univers surréaliste du peintre. Cette rencontre d’institutions fut financée par un groupe privé, GDF Suez, qui a abouti à un partenariat de compétence (alliant technologie et innovation) assez original. En effet, c’est à la fois une participation de fonds mais aussi un regard professionnel sur la construction du musée. L’intérêt du groupe s’est porté particulièrement sur la lumière, avec des choix techniques liés au développement durable. En termes d’image de marque, le groupe a montré de quoi il peut être capable : un autre empire des lumières en quelque sorte. Un choix d’éclairage justement très précis, subtil et assez déterminé qui plonge le visiteur dans une obscurité certaine pour intensifier peut-être le mystère des œuvres de Magritte.
Sur les murs en guise de fil conducteur, quelques mots égrenés ici et là (pas d’autres explications). Magritte a toujours refusé de commenter ses œuvres : l’image se suffit à elle-même. Ses citations deviennent guide : « C’est le mystère qui éclaire la connaissance » précise-t-il ici….Nous croisons ainsi des ombres, peut-être celle de Magritte lui-même, pipe au bec et chapeau melon !? Il faudra ouvrir l’œil (« Voir est un acte ! »). La présente exposition (maintenant permanente) se traverse sur trois niveaux, mais retrouver son chemin dans ce labyrinthe muséale est une vraie gageure. On peut être déconcerté par les tours et détours qu’il faudra prendre pour atteindre son but (trouver l’entrée relève du jeu de piste : un vrai gag belge). Une fois ce point trouvé (vous y êtes, restez concentrés…), la promenade (euclidienne) artistique peut commencer, mais vous aurez eu quelques agacements…

Musée Magritte à Bruxelles

Et Magritte alors  ? Figure emblématique du surréalisme, il s’impose par ses tableaux étranges entre l’imaginaire et le poétique. Au prise avec des jeux d’esprit et de hasard, l’objectivité n’est jamais assurée. Il faut remettre en question le réel. C’est dans ses jeux langagiers, sémantiques et philosophiques que Magritte est à son meilleur. Formellement, l’artiste belge n’a pas révolutionné le monde de la peinture moderne, mais voir ou revoir un Oiseau de ciel, La magie noire ou encore La tentative de l’impossible reste une expérience visuelle troublante.
Cependant, il faut le signaler, ce musée nous propose de découvrir un autre Magritte. Ici peu d’hommes aux chapeaux melons, mais une autre facette de l’œuvre. Faire ainsi connaître ce que le monde ne connaissait pas de lui. Découvrir de petits films surréalistes très surprenants et drôles, ses engagements politiques (son rapport à l’Histoire), son lien au communisme, des lettres, sa période Vache. Puis s’intéresser encore à un Magritte plus intime et léger, des tracts, des dessins érotiques. On retient enfin l’influence de la culture populaire sur son œuvre, et son côté anarchiste ! Un vrai portrait d’artiste se dessine, dans toute sa complexité.
Il y a quelques années, le Centre Paul Klee à Berne faisait le pari de la périphérie. Décentrer le musée de la grande ville pour créer un espace neuf et proposer à un grand architecte (Renzo Piano) un dialogue avec l’artiste. Le musée Magritte a fait le choix du centre, au cœur de la cité, pour révéler un univers unique et singulier.

François Zanetta