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Schaulager, Bâle
Bâle, Schaulager : Robert Gober
Article mis en ligne le juillet 2007
dernière modification le 4 août 2007

par Régine KOPP

Depuis l’ouverture de ce lieu en 2003, construit par les architectes Herzog et de Meuron, mais généralement fermé au grand public, il est de tradition de programmer une fois par an une grande exposition de portée internationale. Après Dieter Roth, Jeff Wall, Tacita Dean ou Francis Alÿs, la directrice et
commissaire Theodora Vischer propose en exclusivité mondiale, une
présentation exhaustive de l’œuvre de Robert Gober.

Sculptures et installations familières et étranges
L’exposition comprend une quarantaine de sculptures, plusieurs ensembles de dessins et de photographies, cinq installations de grandes dimensions dont certaines n’ont pas été remontées depuis leur création. Elle se veut chronologique et intègre des œuvres plus anciennes guère connues et d’autres plus récentes pas encore montrées.
Chaque nouvelle exposition déconcerte et interpelle le visiteur. Car chaque œuvre, qu’il s’agisse d’une sculpture isolée ou d’installations, est considérée et discutée dans le contexte de son actualité. Avec une thématique qui est la même pour l’artiste depuis ses débuts et l’a conduit à développer un langage artistique très personnel : enfance, religion, sexualité, pouvoir et discrimination apparaissent dans toutes les communautés sociales mais sont traités par l’artiste dans la perspective des années 80 et 90 mais aussi des premières années du XXI° siècle. Son imaginaire puise dans la vie domestique quotidienne, dans son histoire personnelle et dans le patrimoine collectif.
Construite sur deux niveaux, l’exposition réserve sur son parcours de nombreuses surprises au visiteur qui reconnaît dans les sculptures des objets de la vie quotidienne. Fauteuils, parcs à bébés, portes, lavabos et bouches d’écoulement sont en réalité autant de reproductions conçues et réalisées par des processus artistiques de longue haleine. Toutes ces sculptures semblent la copie conforme de leur modèle et pourtant, par leurs matériaux et leur distorsion, elles acquièrent une autonomie déconcertante, qui révèle qu’elles ne sont pas ce qu’elles prétendent. Leur existence se situe dans une sphère intermédiaire entre rêve et réalité. La maison et tous les objets domestiques qui s’y rapportent, incarnent un lieu protégé où règnent bonheur et du bien-être. Mais pour l’artiste, il s’agit là d’apparences trompeuses, ce dont témoignent par exemple une sculpture comme Crouching Man (1982) qui nous montre un homme replié sur soi et dépressif, à côté d’un chien tout enjoué ou Chair with pipe (1994/95), un fauteuil traversé par un bout de tuyau de canalisation. Avec plusieurs de ses installations, Gober explore les frontières entre le monde intérieur et extérieur. Il en est ainsi de cette installation montrée à New York en 1989 et dans laquelle le monde extérieur pénètre dans le monde intérieur. L’installation créée pour une exposition à Boston en 1988, reproduit une chambre, avec des tableaux sur les murs et au milieu de la pièce, un carré de mousse verte et bien odorante. Ainsi mise en scène, la stabilité de l’opposition nature/culture, fondement de l’ordre social occidental, vacille.
Au sous-sol, c’est l’installation intitulée Untitled, réalisée en 1992 pour le Dia Center for the Arts de New York, qui a été reconstruite et émeut le visiteur. En entrant dans ce paysage arcadien, il participe pleinement à ce qu’il entend – l’eau qui coule et clapote dans les lavabos – et à ce qu’il voit – les quatre murs sont recouverts de forêts peintes, d’où, à travers quatre lucarnes fermées par des barreaux l’on entrevoit le ciel bleu de l’extérieur, et dans les coins, sont posés des paquets de journaux et des boîtes de mort aux rats.

Motif récurrent
Dans l’œuvre de Gober, la bouche d’écoulement du lavabo est un motif récurrent qui fait ainsi coïncider le monde extérieur et le monde intérieur, le public et le privé, créant une oeuvre sobre, mais qui, à mesure que sa révolte augmente, devient plus forte voire plus subversive. Mais il va encore plus loin, en introduisant le corps humain dans la création de ses sculptures : là, c’est une jambe, ici un torse, réalisés dans la cire et posés à même le sol. En même temps que l’idée d’exclusion qui occupe alors son imaginaire, l’artiste introduit l’idée du corps vulnérable. Dans son œuvre récente, il reprend certes des thèmes anciens mais qu’il traite avec humour : Untitles (2006/07) est un lavabo fixé au mur, dans lequel il pose à l’endroit de l’écoulement un nid d’oiseau, garni d’œufs.
Le détour par le Schaulager vaut en tout cas la peine et permet au visiteur d’appréhender en un puissant panorama, la densité et la cohérence formelle et thématique que cet artiste a développé au fil de ses années de création.

Régine Kopp

Exposition jusqu’au 14 octobre 2007
voir le site du Schaulager
tél. : +41 61 335 32 32