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Cartoonmuseum Bâle
Bâle : Les aventures de la ligne claire

Tout sur la ligne claire !

Article mis en ligne le 23 novembre 2013
dernière modification le 9 mars 2014

En créant la célèbre série d’aventures de Tintin, le dessinateur belge Hergé pose un jalon dans l’histoire de la bande dessinée tout en marquant et en perfectionnant le style de la ligne claire. Dans son exposition intitulée « Les aventures de la ligne claire. L’affaire Herr G. & Cie. », le Cartoonmuseum de Bâle présente des dessins originaux des principaux représentants de ce style aussi bien populaire qu’ambitieux, depuis les débuts du mouvement jusqu’à notre époque avec les artistes suisses contemporains, en passant par son apogée au milieu du 20e siècle.

Nous connaissons tous Tintin le reporter rapide et malin, Milou, son chien intelligent et Hergé (1907–1983), le dessinateur belge créateur de leurs aventures. La clarté et la parfaite lisibilité des bandes dessinées d’Hergé reposent sur des scénarios très réalistes qui ont d’autant plus de vivacité qu’ils font volontairement abstraction des détails. Son trait remarquable, à la fois concis et marquant, ses contours précis et ses coloris en aplats unicolores sont encore aujourd’hui une source d’inspiration et une référence pour les créateurs de bandes dessinées du monde entier. En 1977, lorsque le Néerlandais Joost Swarte, lui-même un maître de ce style, forge le terme de « ligne claire », il réunit élégamment sous un même dénominateur l’ensemble des bandes dessinées qui s’inspirent du trait incomparable d’Hergé et de sa narration limpide.

Les débuts
Hergé a porté la ligne claire à la perfection, mais il ne l’a pas inventée ex nihilo. Pendant les années 1930, il élabore progressivement ce système graphique et narratif qui allait avoir une influence énorme sur la bande dessinée franco-belge, en partant de ce qui se fait à l’époque du côté de la bande dessinée et dans d’autres domaines comme le graphisme, la peinture, la mode, le design ou l’architecture. Parmi les influences qu’il revendique, Hergé cite les dessinateurs américains dont il admire la clarté. Il se souvient surtout de George McManus et de son « Bringing Up Father » avec ses décors épurés très Art déco et son souci documentaire.

Le journal « Tintin » et l’apogée de la ligne claire
En 1948, le lancement du journal « Tintin » en Belgique marque d’une pierre blanche l’histoire de la ligne claire ; son succès est considérable. Tintin est omniprésent dans les pages du journal qui porte son nom. Dans le rôle de directeur artistique de « Tintin », Hergé marque la publication de son empreinte. Des dessinateurs et des auteurs comme Edgar P. Jacobs (« Blake et Mortimer »), Jacques Martin (« Alix »), ensuite Willy Vandersteen (« Bob et Bobette »), Albert Weinberg (« Dan Cooper ») et Bob de Moor (« Monsieur Barelli ») se plient plus ou moins aux canons esthétiques du journal. Plusieurs d’entre eux rejoignent plus tard les Studios Hergé.

L’influence de l‘underground américain
Les années 1980 vivent un renouveau de la ligne claire. L’esthétique des comics underground américains s’importe en Europe et, liée à un détournement des codes, elle inspire de nombreux dessinateurs qui participent à ce nouveau mouvement en l’intégrant à l’esthétique limpide et à la narration de la ligne claire.
Il n’est pas surprenant si Joost Swarte, venant des Pays-Bas tolérants, devient un passeur capital pour l’esthétique de la ligne claire et pour ses nouvelles idées ; en effet, il en a forgé le concept. Il adopte le trait d’Hergé, mais il en détourne le sens, de manière subversive, pour l’appliquer à un univers à la fois délirant et structuré. En France, les chefs de file de ce nouveau courant s’appellent Ted Benoit (« Ray Banana »), Floc’h (le jacobsien « Rendez-vous de Sevenoaks » est réalisé avec le scénariste François Rivière) ou Serge Clerc qui adopte une ligne claire moins évidente et plus anguleuse (« Meurtre dans le phare »). Il faut mentionner en particulier Yves Chaland dont les influences sont aux confins de la ligne claire d’Hergé et du « style atome » personnifié par André Franquin : d’ailleurs son « Freddy Lombard » est un jeune aventurier mi- Tintin mi-Spirou.

Un terrain d’expérimentation vivace
Jusqu’à présent, la ligne claire reste un laboratoire d’expérimentations qui accueille notamment des Suisses tels que le genevois Exem ou le zurichois Christophe Badoux. « Le Jumeau maléfique », un hommage au style d’Hergé à son décès en 1983, pousse Exem vers la parodie, un genre où il excelle. Une foule de références s’allient à un trait rigoureux qu’il est allé chercher comme Hergé dans le foisonnement de ses crayonnés. Badoux, en revanche, élabore sa propre version de la ligne claire en développant un trait d’une originalité incomparable. L’exposition présente en outre des maîtres tels que le zurichois Robert Lips créateur de Globi, idole des enfants suisses depuis les années 1930, et les genevois Daniel Ceppi et Aloys qui s’apparentent tous deux à la ligne claire et à l’héritage d’Hergé pendant les années 1970. Avec « Le Guêpier », Ceppi renouvèle la bande dessinée réaliste d’aventures « à la Tintin ». Plus fantaisiste, Aloys rend hommage à Hergé et à ses personnages Quick et Flupke en appelant ses deux héroïnes Quickett’ et Flupkette.

Jusqu’au 9 mars 2014