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Fondation Beyeler, Riehen/Bâle
Bâle : Basquiat

La Fondation Beyeler propose, jusqu’au 5 septembre, d’admirer l’œuvre de Basquiat.

Article mis en ligne le juillet 2010
dernière modification le 12 août 2010

par Régine KOPP

L’œuvre de Jean-Michel Basquiat, né en 1960 à New York, de parents d’émigrés des Caraïbes et mort à vingt-sept ans d’une overdose, fait l’objet d’une première rétrospective en Europe. Avec plus de cent toiles, travaux sur papier et objets, en provenance de grands musées internationaux, de collectionneurs privés de renom.

Un artiste dépassé par son mythe
La rumeur prétend même que Madonna, qui a connu Basquiat, aurait prêté une œuvre. Qu’elle ait lieu à la fondation Beyeler n’est pas le fruit du hasard. Lors de l’exposition intitulée Peinture expressive à la galerie Beyeler en 1983, Basquiat, qui n’a alors que vingt-deux ans, entre dans la cour des grands avec deux œuvres exposées, Phillistines et Self-Portrait, vendues à des collectionneurs et prêtées le temps de l’exposition. L’artiste n’est cependant pas devenu un poulain de l’écurie Beyeler. C’est le galeriste Bruno Bischofberger de Zurich qui s’est chargé de gérer et de vendre son œuvre. Une tâche dont il s’acquitte en homme d’affaires avisé.

Jean-Michel Basquiat, « Untitled », 1981.
Acrylique et pastel gras sur toile,
207 x 176 cm. The Eli and Edythe L. Broad Collection, Los Angeles
Photo : Douglas M. Parker Studio, Los Angeles © 2010, ProLitteris, Zürich

Une œuvre radicale
L’œuvre de Basquiat peut déconcerter plus d’un spectateur, tant elle est radicale. Non seulement, elle touche à toutes les techniques, matériaux et supports mais cherche aussi son inspiration dans tous les domaines, la musique, le sport. Les thèmes politiques et sociaux qui débouchent sur une critique de la société de consommation et l’injustice sociale traversent également l’œuvre de l’artiste. C’est dans l’underground new-yorkais que le jeune Jean-Michel Basquiat, âgé de seize ans, passe son temps comme musicien, acteur et graffeur. C’est aussi dans ses années-là qu’il vend des collages sous forme de cartes postales et des t-shirts qu’il peignait lui-même. Sans domicile fixe à ses débuts, il profite de l’hospitalité de ceux qui veulent bien la lui offrir, n’hésitant pas à peindre sur des portes, des fenêtres ou même un frigidaire, dont un exemplaire figure dans l’exposition. C’est sa première galeriste, Annina Nosei, qui lui mettra à disposition un atelier au sous-sol de sa galerie, pour lui permettre de peindre sur des toiles. Cadillac Moon (1981), Aaron I (1981), Untitled (1981), Red Kings (1981), datent de cette période et ont toutes la même marque de fabrication, caractérisée par la spontanéité et la rapidité, comme le sont les graffitis.

Jean-Michel Basquiat Self-Portrait with Suzanne, 1982
Acrylique sur papier, 152,4 x 101,6 cm. Courtesy, The Brant Foundation, USA
© 2010, ProLitteris, Zürich

C’est lors de l’exposition New York/New Wave en 1981 que ses compositions picturales débordantes d’énergie, présentées à côté de celles d’artistes comme Keith Haring et Robert Mapplethorpe, commencent à intéresser le public mais surtout les professionnels de l’art. Il est invité la même année à exposer à la très importante Dokumenta et réussit à s’imposer sur la scène internationale.

Symbole récurrent
Il élargit par la suite son champ d’exploration, recueillant dans la rue, la télévision, les conversations, des mots ou des concepts qu’il intègre à ces œuvres. L’association entre les repeints – visibles à travers la transparence des couleurs – l’acrylique, le pastel gras, et le collage crée une sorte de hip-hop pictural. De plus en plus, il superpose les couches de peinture, allant jusqu’à repeindre sur ses compositions, sans vraiment les effacer tout à fait. Il entame en 1982 une nouvelle phase, avec des œuvres comme Jawbone of an Ass ou See Plate 3, où il dessine des mots et des symboles de façon accrue et utilise des matières brutes comme support pictural, tendant ses toiles sur des palettes de bois ou des portes. Un des symboles récurrent de son œuvre est la couronne à trois pointes. En 1983, sa quête artistique le conduit à collaborer avec Andy Warhol, auquel il emprunte le procédé sérigraphique, et Francesco Clemente, réalisant une centaine d’œuvres. Sa toile Max Roach (1984) rend hommage à un des plus grands batteurs de l’histoire du jazz ; ailleurs, il fait allusion à des musiciens comme Charlie Parker, Miles Davis dans Discography One et Discography Two.
Les œuvres des deux dernières années de sa vie frappent par une richesse de signes, de mots, de formules, de pictogrammes. Mais c’est surtout la mort qui hante l’artiste dont l’œuvre Riding with Death (1988) peut être considérée comme un testament. Basquiat, qui se situe dans la tradition du pop-art mais aussi minimaliste et conceptuelle, est entré dans l’histoire comme le premier artiste afro-américain. Il s’est confronté à la violence et au racisme de la société. « Il a vécu comme une flamme, il a brûlé haut et clair, puis le feu s’est éteint, mais les braises rougeoient encore ».

Régine Kopp

Jusqu’au 5 septembre 2010