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Foam-Fotografiemuseum d’Amsterdam
Amsterdam : Richard Avedon

Après son passage au Jeu de Paume à Paris, et au Martin-Gropius-Bau de Berlin, Richard Avedon, le photographe des extrêmes, est à l’honneur à Amsterdam, du 13 février au 13 mai.

Article mis en ligne le septembre 2008
dernière modification le 15 mai 2009

par Régine KOPP

La plupart des expositions consacrées à Richard Avedon ont célébré son talent de photographe de mode et de portraitiste de gens célèbres. L’exposition « Richard Avedon : photographies 1946-2004 » revient sur l’ensemble de sa carrière et lui rend hommage avec 270 photos, comme photographe de mode et des people.
A Berlin, cette rétrospestive était placée sous l’égide des Berliner Festspiele - en collaboration avec le Louisiana Museum of Modern Art, Humlebœk et la Richard Avedon Foundation, New York.

La présentation parisienne, organisée conjointement avec le Louisiana Museum of Modern Art (Danemark) offre cependant une large place à une quarantaine d’images de la série In the American West, lorsque le photographe a sillonné l’Amérique profonde pour faire des centaines de portraits de petites gens, mineurs, vieillards, forains, chômeurs ou autres damnés de cette terre.

Au Jeu de Paume, le visiteur était accueilli par le double portrait de Samuel Beckett (1979), devant lequel il suffit de rester quelques instants, pour comprendre qu’il témoigne d’une empathie, d’une responsabilité que le photographe partage avec son sujet. « J’ai posé une série de non : non aux jolies lumières, non aux compositions apparentes, non à la séduction des poses et tous ces non m’ont conduit à un oui : un fond blanc, un sujet qui m’intéresse et le courant qui passe entre lui et moi », tel est le credo du photographe.
Les premières salles du rez-de-chaussée revenaient sur les photos de mode, un phénomène qu’il a été le premier à faire descendre dans la rue. Dès 1946, il travaille pour différents magazines, Life et Harper’s Bazaar, rejoignant Vogue en 1966. Il est envoyé à Paris pour les défilés de haute couture. Sous son regard, la photo de mode, jusque-là monotone et compassée, acquiert un dynamisme tout à fait novateur pour l’époque. Les mannequins ne sont plus de simples portemanteaux sur lesquels sont accrochés des créations mais des femmes en mouvement mises en scène dans des lieux publics, donnant l’impression que ses photographies sont prises à l’improviste et sur le vif. On retrouvera bien sûr l’image légendaire du mannequin fuselé dans sa robe du soir entre les éléphants.

L’exposition n’évoque toutefois le prince de la photographie de mode que brièvement. Plus développée est la galerie des portraits, où défile tout le siècle avec ses têtes connues de stars (Charlie Chaplin, Marilyn Monroe, Audrey Hepburn, Björk..), de presque tous les artistes (Duchamp, Picasso, Giacometti, De Kooning, Jasper Johns, Warhol et les déjantés de la Fabrique), des compositeurs (un magnifique triptyque de Stravinsky), des chanteurs (Les Beatles, Tina Turner, Janis Joplin), des hommes politiques (Carter, Reagan, Kennedy). Il sait aussi réunir les êtres comme Claude et Paloma Picasso dans cette photo de 1966, pleine de grâce et d’innocence, comme si c’était une peinture d’inspiration religieuse. Il y a aussi la série bouleversante consacrée à son père vieux et malade. Toutes ces photos ont en commun de figer l’intensité psychologique qui émane du sujet, de révéler l’âme de ses modèles, en les photographiant seulement de face et sur fond blanc. Le photographe donne l’impression d’en savoir plus sur ses modèles qu’ils n’en savent sur eux-mêmes. Comme le fait Irving Penn, mais de manière plus radicale, il révolutionne les codes de la photographie.

Un regard très pointu
Comme l’écrit la commissaire de l’exposition Marta Gili, dans sa préface du catalogue, photographier « c’est défier la séduction d’un visage et établir un rapport entre la présence vitale de l’autre et la sienne, c’est-à-dire trouver l’instant où tout converge et tout advient ». Ce regard très pointu, magnétique, il le pose aussi sur l’Amérique profonde, celle des déshérités. Une quarantaine d’images sur la série des 124, tirées de ce voyage dans l’Ouest américain entrepris par Avedon entre 1979 et 1984, est proposée dans plusieurs salles du premier étage du Jeu de Paume. In the American West est en fait une commande du Amon Carter Museum de Fort Worth au Texas. Il centre son attention sur des lieux bien précis : ranchs, mines de charbon, foires aux bestiaux, gisements pétrolifères, relais routiers, mines de charbon.
Toutes les photos ont été prises à la lumière du jour, en extérieur, en recherchant une ombre, sur un simple fond en papier blanc accroché au flanc d’un camion. Qu’il pose son regard sur le monde du glamour ou sur le monde des exclus et des défavorisés, les portraits sont tout aussi expressifs et sans concession. On est touché par l’élégance qui émane du portrait de Clarence, un sans domicile fixe ou de celui d’un agriculteur usé par le travail. Comment ne pas être d’ailleurs interpellé par le portrait de cet enfant armé d’un fusil, ou par cet apiculteur dont les abeilles recouvrent le corps ? Mais ce sont surtout les portraits des mineurs de charbon ou des ouvriers des gisements pétrolifères qui captent l’attention du visiteur, portraits d’êtres d’où l’humain semble avoir disparu et qui, pourtant paradoxalement, sont empreints d’humanisme. On comprend que ces clichés, au regard démystifiant, ont pu choquer l’Amérique bien-pensante, à laquelle Richard Avedon ne peut qu’expliquer sa démarche : « un portrait n’est pas une ressemblance… l’inexactitude n’existe pas en photographie. Toutes les photos sont exactes. Aucunes d’elles n’est la vérité ».

Régine Kopp

Jusqu’au 28 septembre à Paris, www.jeudepaume.org
En Allemagne, au Martin Gropius Bau de Berlin, du 19 octobre 2008 au 19 janvier 2009
Aux Pays-Bas, du 12 février au 13 mai 2009, au Foam_Fotografiemuseum d’Amsterdam
Aux Etats-Unis, à partir d’octobre 2009, au San Francisco Museum of Modern Art