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Espace Nuithonie, Villars sur Glâne
Villars s/Glâne : Ulysse, mythe et vie

L’Espace Nuithonie accueille Cher Ulysse, la nouvelle chorégraphie de Jean-Claude Gallota.

Article mis en ligne le novembre 2008
dernière modification le 22 février 2009

par Bertrand TAPPOLET

Quatorze interprètes s’adossent à l’odyssée homérienne du plus obscur des héros dans Cher Ulysse de Jean-Claude Gallotta.

Le chorégraphe et actuel directeur du Centre chorégraphique de Grenoble n’a sans doute pas oublier l’enchantement et la magie nées d’un castelet qu’il reçu à l’âge de sept ans de ses parents. Il lui permit de créer des spectacles pour sa famille toute entière. Cette interrogation sur la notion de transmission entre génération est souvent présente au fil de son œuvre. Témoin en 2004 sa pièce chorégraphique, Trois générations où il propulse sur le plateau des grappes d’interprètes aux corps volubiles, comme saisis entre état d’urgence, plénitude inquiète et jouissance. Leurs âges s’étagent à 8, 30 et 60 ans.
Cette idée du temps qui passe à la fois joyeusement et inexorablement se retrouve au chœur de Cher Ulysse, danse en forme d’adresse épistolaire que Pénélope n’aurait jamais envoyée. Ou ces lignes du chorégraphe, qui datent de janvier 2007 : « Cher Ulysse, ta Méditerranée t’est devenue étrangère. Tu y navigues en boucle, tu laisses faire le hasard. Sur les rives d’Ithaque où tu arrives enfin, tu ne reconnais plus rien. Et sous les traits de Bloom, le juif errant de Joyce, tu tournes en rond toute la sainte journée. Même le costume blanc que je t’avais trouvé, rappelle-toi, ne te va plus très bien. Tu vois, il y a des choses qu’on ne comprend plus, cher Ulysse, et personne ne sait vraiment à quoi ça tient. Du monde, heureusement, me parvient encore une sorte de blues...  »

Origines
Quatrième retour sur ce mythe des origines en un quart de siècle pour le chorégraphe. Créé en 1981, le ballet Ulysse s’inscrivait alors dans la vague de la nouvelle chorégraphie française marquée par une énergie, un optimisme innocent et délicieusement naïf que les décennies suivantes sont venues tempérées de tragique et de mélancolie. Tout de blanc tendu jusqu’aux costumes de scène, tels se présente scénographiquement cette réécriture.

« Cher Ulysse », chorégraphie de Jean-Claude Gallotta
Photo Guy Delahaye

Les compositions électro de Strigall paraissent tour à tour éminemment dance floor et étrangement anxiogènes alors que l’intranquilité contamine désormais jusqu’aux mots. Restent un tournoiement incessant, des envolées de la plus fine expression. Sans omettre un enchantement intermittent que vient accentuer les trajectoires des danseurs faisant du tourbillon, de la giration la plus accomplie de leurs expressions.
Un étonnant manège kaléidoscopique avec ses courses circulaires alternant vitesse d’exécution, et envolées d’une confondante plasticité. Grand maître du duo et du saut furtif à grand écart, Gallotta l’est, incontestablement. On est parfois dans les parages de l’animal dans des mouvements zoomorphes. Et des scopitones de la décennie disco qui dégorgent par flashs. Des associations de grammaires mouvementistes, qui savent se mettre au service d’une authentique recréation populaire. Témoin ces petites communautés dansante mêlant les âges et traversé d’une débordante énergie.
Tel un coryphée plein de malice, le chorégraphe assis sur un tabouret délivre ses indications au danseur puis réalise quelques felliniennes apparitions micro ou mégaphone en main. Souvent affirmé, l’hommage à la post modern dance américaine des années 70 et ses incessants changements de direction, ses déplacements finement architecturés et géométrisés. L’ensemble fait de la mémoire dansée un feuilleté très maîtrisé.

Exils
L’opus se délie en une suite de tableautins mythologiques où les gestes viennent à se débonder dans une décharge de gestes enfiévrés alliant le primitif et l’ensauvagement. De solos médusant d’envoûtement à des duos ouvrant l’intime, l’espace de l’autre, de trios en quatuors toujours redistribués et réarchitecturés sur le plateau. En collaboration avec la chorégraphe Josette Baïz, c’est presque un au-delà du corps qui est exploré, dans un espace d’une blancheur évoquant tout à la fois les langes des origines et le linceul terminal. Eclairée au néon, la scène se métamorphose en espace d’exposition. Où la figure d’Ulysse se confond avec celle des exilés d’ici et d’ailleurs partis à l’assaut de la forteresse européenne et fait écho, de loin en loin à notre questionnement sur l’identité à l’heure où les droites extrêmes s’affirment chaque jour davantage. Etranger au monde, à lui-même et à la terre qu’il foule à nouveau, le héros d’Homère est sans doute un malentendu pour lui et les autres. L’humanisme en danse est ce qu’incarne sans doute le mieux Gallotta.

Bertrand Tappolet

Espace Nuithonie. Mardi 4 nov à 20h
Rés : 026 407 51 41
et Fribourg Tourisme et Région
Service spectacles : 026 350 11 00