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Capitole de Toulouse
Toulouse : “Hippolyte et Aricie“

Cette production est l’aboutissement d’un vieux projet de Nicolas Joel.

Article mis en ligne le avril 2009
dernière modification le 24 avril 2009

par Pierre-René SERNA

C’était un vieux projet caressé par Nicolas Joel, actuel directeur du Capitole et prochain responsable de l’Opéra de Paris : présenter Hippolyte et Aricie. Ambition pleinement aboutie à Toulouse par les mains de deux experts ès Rameau : Emmanuelle Haïm à la baguette et Ivan Alexandre à la direction scénique.

Ivan Alexandre s’est surtout fait un nom comme musicographe, à travers journaux et ouvrages témoins de son savoir en matière de musique baroque. Mais il s’était déjà frotté au théâtre (comme librettiste, collaborateur de productions ou même animateur de compagnies dans son jeune temps) avant de se jeter dans la mise en scène lyrique l’an passé, avec Rodelinda de Haendel à Buenos Aires.

« Hippolyte et Aricie » avec Anne-Catherine Gillet (Aricie) et Frédéric Antoun (hippolyte)
© Patrice Nin

Au Capitole son Hippolyte et Aricie porte certainement la trace de ces différentes expériences, avec une attention méticuleuse à ce que d’aucuns traduiraient comme une reconstitution d’époque (quand bien même l’auteur s’en défend). Les feux de la rampe, les toiles peintes (signées André Fontaine), les poses stéréotypées à la mode du temps, les costumes allégoriques relus de l’imagerie du XVIIIe siècle (créés par Jean-Daniel Vuillermoz), la gestuelle de danse baroque (chorégraphiée par Natalie van Parys), les effets de machineries tombés des cintres ou sorties du plateau : tout concourt à créer l’illusion d’un retour à des normes théâtrales à l’ancienne.
Il ne s’agit pour autant pas d’un simple placage historiciste (comme le réalise – avec quelle science ! – un Benjamin Lazar), puisque la représentation s’écarte parfois du modèle pour prendre des libertés (y compris même dans la partition). Il faut donc aussi compter avec une touche personnelle, dans ces gris obstinés, qui vont du perlé au ténébreux, accordés à des lumières blafardes, dans un jeu d’acteurs qui combine des présences hiératiques, pour les rôles principaux, et des virevoltes volubiles, pour les personnages secondaires.
L’alliage réussit, par la beauté plastique des images et la cohésion de la conception, au point même de séduire un public toulousain d’habitude plus dissipé. Musicalement, les meilleurs ingrédients y contribuent. La distribution vocale, qui n’était pourtant pas sans risque avec de nouveaux venus dans ce répertoire, n’appellerait que des éloges. Frédéric Antoun (Hippolyte), Anne-Catherine Gillet (Aricie), Allyson McHardy (Phèdre), Stéphane Degout (Thésée), Françoise Masset (Oenone) ou Jaël Azzaretti (Amour) conjuguent justesse stylistique et parfaite adéquation de leurs tessitures et de leurs personnages. Seule Jennifer Holloway décevrait, Diane au phrasé quelque peu embourbé. L’Orchestre et le Chœur du Concert d’Astrée s’acquittent au mieux de leur tâche, malgré de rares décalages appelés à disparaître au fil des représentations. La direction d’Emmanuelle Haïm, constamment attentive et soutenue, n’échappe cependant pas toujours à un trop étale mezzo-forte. Mais Rameau exige tant de ses interprètes que la prouesse ne peut être nécessairement au rendez-vous d’une première appelée à se polir lors des exécutions suivantes.

Pierre-René Serna