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Neuchâtel International Fantastic Film Festival
Neuchâtel : NIFFF, argh !

Le NIFFF ne fait pas dans le cliché, et sa programmation déniche de fantastiques oubliés.

Article mis en ligne le juillet 2009
dernière modification le 15 juillet 2009

par Frank DAYEN

De l’Américain William Castle aux nouveaux réalisateurs scandinaves, de Shinji Aoyama aux films de transgression made in Hong Kong, des influences de Bong Joon-ho au point sur les dernières technologies filmiques, la 9e édition du NIFFF sort ses crocs, pour la plus grande joie des mordus de films fantastiques.

Le NIFFF ne fait pas dans le cliché. Il ne propose pas les films de SF ou de la Hammer pour légitimer son existence. Non, la bande à Anaïs Emery se donne de la peine, si bien que sa programmation déniche de fantastiques oubliés.
A commencer par William Castle (1914-1977), dont l’œuvre fantastique – une cinquantaine de films pourtant – n’a jamais été prise très au sérieux de son vivant. Et pour cause, William, Schloss de son vrai nom, avait la manie non seulement de prendre la peur comme grand thème de ses films, mais aussi de la mettre en scène, en accompagnant chacune de ses projections de gimmicks. Ainsi, dans Macabre (1958), chaque spectateur s’est vu, à l’entrée du cinéma, recevoir une police-vie Lloyd’s de 1000 dollars au cas où il mourrait de peur ; de fausses infirmières étaient postées dans le cinéma et des corbillards parqués à la sortie. Dans The Tingler (1959 ; où Vincent Price incarne un savant traquant la matérialisation de la peur dans le dos des gens), Castle a truffé les fauteuils du cinéma de boutons buzzer qui se déclenchaient au moment le plus effrayant du film…

« Mr Sardonicus » de William Castle

« Une des vocations de notre festival, explique Anaïs Emery, directrice artistique du NIFFF, est de replacer le fantastique dans l’histoire du cinéma. A la toute fin des années 50, William Castle arrive au moment où le cinéma connaît une crise : tous les ménages américains viennent d’être équipés de téléviseurs. Castle s’inspire des émanations de ce changement pour ramener les spectateurs dans les salles, en les y amenant de force s’il le faut. Notre collaboration avec la Cinémathèque Française et celle de Munich nous permet de montrer ces expérimentations de Castle. De ce point de vue-là, ce réalisateur se retrouve sur le même pied qu’un Méliès, que la tentative de diffusion en odorama ou des bidouilleurs d’images digitales aujourd’hui. »
Preuves que la postérité doit retenir William Castle : il a été l’assistant-directeur (non crédité) d’Orson Welles sur The Lady from Shanghai (1947) et joue un rôle (non crédité) dans Rosemary’s baby (1968) de Polanski. Même si son chef-d’œuvre reste Mr Sardonicus (1961), deux de ses films ont fait récemment l’objet de remake : 13 Ghosts (1960) et House on haunted hill (1959).

Du froid dans le dos venu du nord
Président de la compétition cette année, le Coréen Bong Joon-ho (The Host, Tokyo !…) a reçu carte blanche pour glisser quelques films dans la programmation 09. Il a choisi Kairo (2001) de Kiyoshi Kurosawa, The Thing (1982) de Carpenter et The Housemaid (1960) de Kim Ki-young, trois films qui l’ont influencé. Il promet d’en expliquer les raisons au NIFFF.

« Dead Snow » de Tommy Wirkola

A côté de la compétition officielle, le festival a remarqué une recrudescence du genre fantastique en Europe du nord (la sélection du genre scandinave comprend l’horrible Sauna (2008) du Finlandais Antti-Jussi Annila, l’hypnotique Dead snow (2009) de Tommy Wirkola, Fear me not (2008) du Danois Kristian Levring…) et repéré des productions de qualité en Malaisie et Indonésie : « Il y a cinq ans, commente Anaïs Emery, il aurait été inimaginable de retenir des films de deux ces pays pour les sélections de nos festivals occidentaux. La qualité de ce cinéma émergent s’est rapidement améliorée ces dernières années et leurs réalisateurs ont des choses à nous dire ! »

Si la sélection des films hongkongais de la Catégorie III (adults only) a retenu l’attention du NIFFF, ce n’est pas pour une raison racoleuse. Le système de censure mis en place à Hong-Kong en 1988 y classe, pêle-mêle, les films érotiques, les films fantastiques ou d’horreur ou les films violents. On y trouve par exemple les films de Johnnie To comme Election (nominé à la Pale d’or cannoise en 2005) et sa suite, Election II, ou encore Mad Detective (2007).

« Eli Eli » de Shinji Aoyama

Enfin, le NIFFF rend hommage au réalisateur japonais Shinji Aoyama (Chinpira : two punks, Moon desert, Crickets…). La directrice du festival s’en explique : « Dans le classement des films généralement admis, un film ne peut pas être à la fois fantastique et classique, c’est-à-dire d’auteur. Le NIFFF s’affirme en désaccord avec cette pratique et tente de déconstruire cette manière de classer les films, trop arbitraire. A ce titre, Aoyama reflète notre manière de penser : bien que souvent classés dans la catégorie "cinéma d’auteur", ses films, en prise au fantastique, brisent les codes et proposent de nouvelles solutions esthétiques, en mélangeant genre fantastique et patte auctoriale. Pour nous, le fantastique est bien le laboratoire esthétique du cinéma. »

Frank Dayen

Neuchâtel International Fantastic Film Festival, du 30 juin au 5 juillet
www.nifff.ch

Symposium NIFFF


Le festival ne fait pas que découvrir des films. Depuis quatre ans, il est aussi l’occasion d’un symposium sur les nouvelles technologies cinématographiques, bien nécessaires dans le cinéma fantastique. Adressé à tous, mais en priorité aux professionnels et aux étudiants en cinéma, ce rendez-vous se décline en trois modules. Le premier s’intéresse à la création digitale des images en Suisse, aussi bien celles de l’imagerie médicale que du cinéma. Le deuxième explore la porosité entre les médias : par exemple, comment faire pour passer de la BD, c’est-à-dire du mode papier et séquentiel, au jeu vidéo (comme l’a fait Benoît Sokal ; il sera présent au symposium) ? ou du jeu vidéo au film ? Le troisième est consacré au matte painting ; cette peinture de décors sur verre est l’un des plus vieux effets spéciaux au cinéma, mais son utilisation a beaucoup évolué. Enfin, le symposium se penchera sur l’avenir des médias.