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Festival international du Film de Locarno
Locarno : Palmarès 2010

Coup d’œil sur la Palmarès du dernier Festival de Locarno.

Article mis en ligne le octobre 2010
dernière modification le 26 septembre 2010

par Firouz Elisabeth PILLET

Le Palmarès de la 63 édition du festival international du Film de Locarno, qui s’est déroulée du 4 au 14 août, a fait bien des remous auprès des journalistes présents comme du public. Les premiers ne parvenaient pas à établir des pronostics et se laissaient plus séduire par les films hors compétition ; les seconds affichaient leurs coups de cœur en votant après chaque séance sur la Piazza mais leurs votes ne correspondaient guère au prix attribués.

Ainsi, le film Han Jia (Vacances d’hiver) du réalisateur chinois Li Hongqi a remporté le Léopard d’or décerné. Han Jia, qui a obtenu deux autres distinctions à côté du Léopard d’or, raconte le quotidien de quatre adolescents désœuvrés et de leur famille dans un petit village perdu dans le Nord de la Chine où il se ne passe jamais rien...

« Han Jia » de Li Hongqi

D’ailleurs, il ne se passe pas grand-chose pour les spectateurs non plus. Le film, presque dénué de dialogue et de mouvement, se base sur les plans longs et fixes, très longs et très fixes, de quoi dissuader les spectateurs les mieux intentionnés.

« Morgen » de Marian Crisan, Prix spécial du jury

Le Prix spécial du jury revient à Morgen , de Marian Crisan (France/ Roumanie/Hongrie), le film le plus primé avec trois autres mentions.
Morgen évoque quant à lui l’immigration, avec en filigrane la traite des hommes par des passeurs peu scrupuleux, notamment dans les pays de l’Est. Le film relate l’histoire d’un Roumain qui vit à la frontière hongroise où de nombreux passeurs abandonnent des immigrants qui ne les ont pas suffisamment rétribués ; ce Roumain aide un Turc à passer la frontière hongroise. Le Prix du public récompense aussi un film tournant autour de l’immigration : The Human Resources Manager (le Directeur des Ressources humaines) d’Eran Riklis, un habitué de la piazza Grande où il avait déjà présenté The Syrian Bride (La fiancée syrienne, en 2004, déjà primé par le public. Cette coproduction (Israël/Allemagne/France) suit les tribulations d’un chef du personnel qui accompagne le corps d’un employé dans sa patrie d’origine, en Roumanie. Il tombe sur de curieux personnages, tous plus pittoresques les uns que les autres, et des problèmes bizarres qui semblent dater de l’ère communiste, le tout oscillant entre une fable humaniste et un voyage initiatique. Les distributeurs suisses vont s’empresser d’acheter les droits pour ces deux films qui ont séduit le public locarnais, un baromètre pour distribuer avec succès ces œuvres sur les écrans helvétiques.

« The Human Resources Manager » d’Eran Riklis

Un autre film chinois qui a enthousiasmé plusieurs membres du jury et a obtenu le Prix du jury des jeunes et trois mentions, Karamay . Le réalisateur Xu Xin propose le drame d’un incendie qui a coûté la vie à des centaines d’enfants parce que les pontes du parti les avaient empêchés de fuir. Le film, qui dure quelques six heures, pourrait effrayer par sa longueur ; mais au fil des témoignages des parents, on se laisse captiver et la durée en est rapidement oubliée.

« Karamay » de Xu Xin

Le Prix de la meilleure mise en scène a été attribué à Denis Côté pour le film Curling (Canada). Pour ce même film, l’acteur Emmanuel Bilodeau a été récompensé pour la meilleure interprétation masculine. L’actrice Jasna Durici reçoit le Léopard de la meilleure interprétation féminine pour le film Beli Beli Svet de Oleg Novkovic (Serbie/Allemagne/Suède).
Le cinéma serbe revient donc à l’honneur après plusieurs années d’absence du Palmarès à Locarno. Exceptées les distinctions nationales, le cinéma suisse n’a reçu aucun prix dans la compétition internationale. Peut-être cette absence douloureuse de récompenses remettra-t-elle en question l’ère du Monsieur Cinéma, alias Nicolas Bideau, qui a quitté ses fonctions après avoir suscité moult déconvenues et désarroi.

« L.A. Zombie » de

Les films considérés à connotation pornographique, comme Homme au bain et LA Zombie , tous deux avec l’acteur porno gay français François Sagat, n’ont ni su convaincre ni trouvé grâce devant le jury de cette 63e édition du festival. Celui-ci était présidé par le réalisateur singapourien Eric Khoo, et composé du réalisateur vaudois Lionel Baier, de l’acteur français Melvil Poupaud, l’actrice iranienne Golshifteh Farahani et du réalisateur américain Joshua Safdie.
Quant à la programmation de la Piazza Grande, on retiendra le film allemand Das letzte Schweigen , de Baran bo Odar, un thriller dramatique qui suit l’enquête que mène un policier à la retraite sur le viol et la disparition d’une adolescente de treize ans, Sinikka. Vingt-trois ans auparavant, au même endroit, une jeune fille du nom de Pia a été violée et assassinée. S’agirait-il du même pervers ? Krischan, le policier retraité qui avait mené l’enquête, est convaincu qu’il y a un lien entre les deux crimes. L’originalité du film réside de le parti pris esthétique du réalisateur qui a choisi une photographie lumineuse, aux tonalités estivales presque éblouissantes. Le cinéaste avoue avoir voulu casser les paramètres du registre policier ou film d’investigation habituel, tourné généralement dans des tons obscurs, et déstabiliser ainsi les spectateurs. La cible est atteinte et on se laisse hypnotisé par cette enquête et ses méandres.

« Das Letzte Schweigen / The Silence » de Baran bo Odar

Retenons une rétrospective consacrée à Ernst Lubistch, réalisateur qui avait déjà eu la part belle au Festival de Saint-Sébastien, en 2006, grâce à la Filmoteca de Madrid et au festival international du Film de la capitale de la Guipuzcoa. La qualité de la rétrospective de Locarno tenait tant à la qualité des films montrés qu’au caractère exhaustif de ce panorama (du tout début de sa carrière allemande, avant même Shuhpalast Pinkus, réalisé en 1916, à la période finale, That Lady in Ermine, qu’Otto Preminger termina en 1948). Si Olivier Père a suscité vives réactions et a divisé par ses choix de films en compétition, il a réussi un joli coup de maître en mettant tout le monde à l’unisson face à cette rétrospective, qui est passé la cinémathèque suisse ensuite, et poursuivra son périple à la Cinémathèque française. Ernst Lubitsch (1892-1947) a déjà sa place au Panthéon du septième et les études lubitschiennes sont légions depuis le pionnier The Lubitsch Touch de Herman G. Weinberg (1968). Mais la rétrospective avait la particularité de présenter l’œuvre intégrale de l’auteur, soit 52 films.

Firouz-Elisabeth Pillet

www.pardo.ch