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Festival international du Film de Locarno
Locarno 2010 : Olivier Père

Olivier Père, après les « Inrocks », la cinémathèque française, Cannes : la Piazza Grande sous la houlette d’un Marseillais.

Article mis en ligne le octobre 2010
dernière modification le 26 septembre 2010

par Firouz Elisabeth PILLET

Les jeux de mots allaient bon train lors de la passation de direction : « De Maire à Père ». Mais cette passation s’est nettement fait ressentir cette année, entre l’ancien directeur, Frédéric Maire, volubile et toujours souriant et le nouveau directeur Olivier Père, nettement plus effacé que son prédécesseur.

La 63e édition du Festival international du Film de Locarno s’est tenue du 4 au 14 août 2010, bénéficiant d’une météo assez clémente. Les choix des films en compétition comme ceux présentés sur la Piazza Grande ont fait coulé beaucoup d’encre dans la presse, tant tessinoise qu’italienne, et la programmation de certains films « porno gay » comme Zombie L.A. a surpris, voire décontenancé les Locarnais, plus habitués à des œuvres d’auteur ou d’art et d’essai, et depuis quelques éditions à des succès hollywoodiens. Mais quel est l’homme qui se cache derrière ces coups de provocation assumée ?
Le Français Olivier Père est né et a grandi à Marseille, habite Paris et voue un véritable culte au cinéma italien. Avant de reprendre la direction du Festival de Locarno, Olivier Père s’est occupé de la sélection des films pour la Quinzaine, à Cannes. Parlant couramment l’anglais, il a mis un point d’honneur à parler en italien tant sur le célèbre « Palco » (la scène) de la Piazza Grande que lors des conférences de presse, semblant ignorer que la langue officielle du Festival est et a toujours été le français ; cette nouvelle donne n’a pas manqué de surprendre les professionnels, les journalistes comme le public, mais en premier lieu le Président Marco Solari qui s’est mis à parler toujours en italien – bien qu’il soit parfaitement francophone – histoire de ne pas être en reste.

Portrait
Entré en fonction en septembre 2009, présenté par son prédécesseur Frédéric Maire, le nouveau directeur paraissait réservé et discret, affichant une dégaine de dandy anglais. Cependant, Olivier Père connaissait la renommée du festival depuis plusieurs années. Le nouveau directeur vivra désormais trois mois par année dans la cité tessinoise.

Olivier Père

Décrochant un sourire discret, sympathique mais toujours sur la réserve, il s’est fait un nom de sa première édition à la tête de la manifestions, affichant ses goûts qui pourraient sembler de prime abord élitistes, voire provocants. Pour Olivier Père, il est important de laisser toutes les esthétiques s’exprimer, même si elle speuvent choquer. Le nouveau directeur avoue humblement avoir adoré Indiana Jones autant que les films de Godard, il est parvenu à fédérer presse, professionnels et festivaliers en lançant de petites phrases du genre : « Un film n’a pas besoin d’être chiant pour être bon. »

Lors de la soirée en hommage à Alain Tanner, Père a fait venir son ancien employeur, Serge Toubiana, alors qu’Olivier père travaillait à la cinémathèque française. Ses anciens acolytes des « Inrocks » se rappellent de lui comme privilégiant tout film susceptible de transmettre une émotion. Et ce leitmotiv n’a cessé de diriger les choix de Père qui a offert ainsi au public de Locarno de voir des films déconcertants, marquants et parfois choquants mais des films qui font parler d’eux. C’est en effet un mot d’ordre qu’il applique sans concession : les films projetés cette année à Locarno, le public ne les verra pas parce qu’ils pourraient lui plaire, mais parce qu’ils ont suscité une émotion chez le directeur et parce qu’ils ont déclenché une émotion chez les spectateurs. « Etre sélectionneur, ce n’est pas être programmateur », nuance ce dernier. Le premier doit faire découvrir un film, le faire émerger puis voyager. Le second doit satisfaire des spectateurs.  » Voici donc les motivations du nouveau directeur qui partage désormais sa vie entre Paris, Zurich, Berne, Locarno et les festivals du monde entier afin de dénicher les petites merveilles qui feront la programmation de sa prochaine édition.

Passion
Le cinéma est pour Olivier Père une passion qui le consume depuis son plus jeune âge. Il a tenté de l’étudier mais a été recalé d’une école en Belgique. Il a donc appris le septième art sur le terrain, en côtoyant des personnes du milieu, et surtout en devenant, à 25 ans, le programmateur de la prestigieuse Cinémathèque française. « Je hantais l’endroit depuis des années. J’ai fini par me lier d’amitié avec les responsables, qui m’ont engagé. » Il n’a pas postulé à la succession de Frédéric Maire, c’est en dégustant un plateau de fruits de mer en compagnie du Président du Pardo Festival, Marco Solari, qui ce dernier lui a proposé l’expérience tessinoise. Olivier a ainsi troqué le glamour et le bling-bling des marches cannoises mais n’en a pas pour autant oublié le tapis puisque, parmi ses innovations, il a fait installer un tapis rouge à l’entrée des studios radiophoniques, dans une ruelle qui amène les réalisateurs et acteurs sur la grande scène du Festival. Les autres changements, plus techniques, de l’ère Père ont enchanté les journalistes comme les festivaliers : le volumineux catalogue du festival a fondu puisqu’il est dorénavant édité en deux volumes : l’un en français et anglais ; l’autre en italien et allemand. Mais il est à déplorer que les filmographies, les biographies des réalisateurs et leurs notes d’attention aient aussi disparu de la nouvelle version du catalogue. Auparavant les journalistes étaient autorisés à traverser la Piazza pour se rendre à la salle des ordinateurs afin de travailler et envoyer leurs textes. Désormais, la Piazza est fermée même aux médias dès 19h, en dépit de tout bon sens.

Mais globalement, le nouveau directeur a fait l’unanimité auprès de la presse quotidienne suisse, prise en charge intégralement, et donc redevable. La presse française n’a pas tari en éloges dithyrambiques mais est-elle si objective ? Reste donc la presse hebdomadaire ou mensuelle qui semblait garder quelques réserves quant aux choix de programmation. Mais une seule édition ne suffit pas pour se faire une opinion définitive ; attendons donc la 64e édition du festival qui se tiendra du 3 au 13 août 2011.

Firouz-Elisabeth Pillet

www.pardo.ch