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Les films de mars 2007 - I

Commentaires sur les films : Blood Diamond – Molière – The Pursuit of Happyness – Je vais bien, ne t’en fais pas – Quelques jours en septembre.

Article mis en ligne le mars 2007
dernière modification le 17 mars 2012

par Firouz Elisabeth PILLET

Blood Diamond


de Edward Zwick, avec Leonardo DiCaprio, Djimon Hounsou. Jennifer Connelly. USA, 2006.

Alors qu’il purge une peine de prison pour ses trafics, Archer rencontre Solomon Vandy, un pêcheur d’origine Mende. Arraché à sa famille et forcé de travailler dans les mines diamantifères, ce dernier a trouvé - et caché - un diamant rose extrêmement rare et d’une immense valeur. Accompagnés de Maddy Bowen, une journaliste nord-américaine idéaliste, les deux hommes s’embarquent pour un dangereux voyage en territoire rebelle pour récupérer le fameux caillou, synonyme de laisser-passer pour Archer et de monnaie d’échange pour Vandy qui tente de récupérer son fils aîné enlevé par les milices. Un voyage qui pourrait donc bien sauver la famille de Salomon et donner à Archer la seconde chance qu’il n’espérait plus.

« Blood Diamond » de Edward Zwick, avec Leonardo DiCaprio
© Collection AlloCiné

Le film d’Edward Zwick s’attaque à l’un des maux qui rongent le continent africain, entretenu par la cupidité des trafiquants et l’insouciance des consommateurs occidentaux : le trafic diamantaire. Le monde entier voit dans les diamants un symbole de richesse, d’amour, de beauté et de glamour, le symbole même de la fidélité que l’on se jure lors de son engagement, mais en Sierra Leone, ces joyaux étincelants ont une tout autre connotation : rapts d’enfants engagés de force dans les troupes rebelles, crimes, exactions, pillages, exécutions sommaires, la liste est interminable. Le cinéaste ignorait les coulisses d’un trafic d’une telle envergure et ce n’est qu’à la lecture du scénario qu’il a réalisé l’ampleur des ravages de ce phénomène. "Les "diamants de la guerre" sont des pierres précieuses, exportées en secret depuis les pays en conflit. Ils servent à l’achat d’armes qui provoqueront encore plus de morts et de destructions. Bien qu’ils ne représentent qu’une infime partie des ventes mondiales de joyaux, ils permettent d’acquérir quantité d’armes légères. À la fin des années 1990, des ONG comme Amnesty International, Global Witness et Partnership Africa-Canada leur ont donné un nom : "blood diamonds".

« Blood Diamond » de Edward Zwick, avec Djimon Hounsou
© Collection AlloCiné

Persuadé que le divertissement peut aider à l’éveil de la conscience politique, le réalisateur a fait un film d’aventures porteur d’un message fort. Il est bon que des films issus des studios hollywoodiens, bénéficiant d’un budget considérable, soient aussi au service de causes de cette importance. C’est certainement cette intention du réalisateur qui invite les spectateurs à se plonger sans rechigner dans un spectacle typiquement américain. On oublie vite ce détail pour adhérer au propos du film et crier en chœur pour dénoncer cette injustice oubliée de tous. Vu la virulence du sujet, le film ne s’est pas fait sans heurts. L’industrie diamantaire redoutait que l’image internationale du diamant ne soit ternie par un tel film et a voulu s’assurer que « les spectateurs sont bien conscients que l’action du film se déroule dans le passé et qu’ils doivent comprendre que l’industrie du diamant a aujourd’hui dépassé cette période de conflits ». Il apparut alors évident au réalisateur de juxtaposer l’exploitation diamantaire en Afrique à une autre exploitation : celle des enfants guerriers, arrachés à leur famille et endoctrinés. “L’exploitation de ces jeunes m’apparut indissolublement liée à celles des ressources du tiers-monde. C’est pour m’en souvenir au début de chaque jour de tournage que j’ai écrit sur la couverture de mon script : Le joyau, c’est l’enfant.“, souligne le cinéaste.

« Blood Diamond » de Edward Zwick, avec Jennifer Connelly
© Collection AlloCiné

Si le film de Zwick a le mérite de revenir sur un conflit qui date du début des années 90 - une guerre ignorée par les pays occidentaux, coûteuse en argent et en hommes, qui obligeait le Front Révolutionnaire Uni à s’approvisionner constamment en armes à feu. Le groupe trouva non seulement le financement nécessaire à son action par la prise de contrôle des zones diamantifères du pays, mais aussi un vivier de soldats faciles à diriger, par le biais de kidnapping d’enfants dans les villages ciblés par la guerre – il est surtout remarquable par sa capacité à rappeler le conflit sans prise de parti ni jugement, simplement en relatant les faits de différents points de vue : les trafiquants, le mercenaire, la victime, la reporter, les rebelles, les responsables de l’industrie diamantaire. Ce film, à mi-chemin entre le film de fiction explosif et la dénonciation imide, rappelle sans concession le triste sort infligé aux enfants guerriers.
On ne peut pas, pour autant qualifier ce film d’engagé car le spectacle reste du pur divertissement, tant visuel que sonore mais peut-être est-ce là le meilleur moyen de faire bouger les choses ? La musique, pourtant discrète, qui emprunte généreusement aux sonorités africaines pour constituer une bande originale efficace et envoûtante, agrémente fort judicieusement les magnifiques panoramas (tournés au Mozambique et en Afrique du Sud). Un tableau qui ne serait pas très loin du chef-d’œuvre si ce n’est la romance un peu trop bien ficelée entre Di Caprio et la reporter, et le personnage de Djimon Hounsou, pourtant arche fondateur du récit, souvent relégué comme faire-valoir du mercenaire Di Caprio.
Firouz-Elisabeth Houchi-Pillet

Molière


de Laurent Tirard, avec Romain Duris, Fabrice Luchini, Laura Morante. France, 2006.

En 1644, Molière n’a encore que vingt-deux ans. Criblé de dettes et poursuivi par les huissiers, il s’entête à monter sur scène des tragédies dans lesquelles il est indéniablement très mauvais. Puis un jour, après avoir été emprisonné par des créanciers impatients, il sort de prison grâce à un inconnu qui règle sa caution et disparaît…
Ce Molière n’est pas une biographie de l’auteur du Malade imaginaire (contrairement au Molière d’Ariane Mnouchkine qui retraçait la vie de l’auteur de son enfance à sa mort sur scène), les auteurs s’étant amusés à imaginer ce qui est arrivé au jeune homme, âgé de 22 ans, après avoir été envoyé en prison en 1645 à cause de ses dettes. Le réalisateur, Laurent Tirard, justifie le choix de cette période : "Les biographies des années 50 parlent d’une disparition de plusieurs mois. Même si ce fait est aujourd’hui parfois remis en cause, nous avons choisi de nous intéresser à cette période décisive qui survient au moment où Molière affronte son pire échec de tragédien, juste avant le grand départ pour la tournée en province qui marquera le véritable début de son envol. De ce mystère, de cette absence, nous avons décidé de faire le cœur du film. » En ce sens, le cinéaste français suit les traces de l’Anglais John Madden qui s’amusa à mêler biographies et références à l’œuvre littéraire pour raconter avec humour et légèreté la vie du grand dramaturge et poète anglais dans Shakespeare in love. Suivant le même procédé, Tirard mêle avec justesse références aux pièces de Molière et éléments communément admis de la vie de Jean-Baptiste Poquelin.

« Molière » de Laurent Tirard
© Wild Bunch Distribution

Contrairement à ce que l’on pourrait supposer, le rôle de Molière ne fut pas attribué à Fabrice Luchini mais au jeune Romain Duris. Ce dernier s’en sort à merveille bien que n’ayant jamais fait de théâtre classique. Le cinéaste avoue avoir peiné pour trouver un acteur capable de rester en réserve, d’être spectateur face à un Jourdain omniprésent, tout en ne perdant pas d’épaisseur. Luchini dans le rôle de Monsieur Jourdain, nigaud bienheureux et suffisant, n’était pas acquis d’avance. En effet, le comédien, amoureux du verbe et fin connaisseur de la langue française, s’est initialement senti meurtri d’être relégué à ce rôle. Le génie et la puissance de Luchini lui permettent toutefois de renverser les a priori sur son personnage.
Au cours de son escapade, le jeune Molière rencontre des individus fortement inspirés des figures bien connues de ses futures oeuvres. A propos du choix de ces personnages, le cinéaste reconnaît avoir dû effectuer une forte épuration mais le public retrouvera avec bonheur Tartuffe, Les Femmes savantes, Célimène. C’est donc avec bonheur que l’on retrouve ces diverses figures au cours du film, le tout déclamé dans la langue versifiée de … Molière. Un vrai régal pour les oreilles, mais les yeux ne sont pas en reste avec ce film d’époque en costumes raffinés et décors soignés. Les souvenirs d’un Molière poussiéreux et suranné issus des lectures obligées de lycée sont vite oubliés au profit d’un film qui redore l’image d’un auteur novateur, avant-gardiste et qui a su si bien croquer les travers de ses contemporains.
Firouz-Elisabeth Houchi-Pillet

The pursuit of Happyness


(A la recherche du bonheur), de Gabriele Muccino, avec Will Smith, Thandie Newton, Jaden Smith. USA, 2007.

Avant de vous parler de ce film du cinéaste italien le plus courtisé par Hollywood, Gabriele Muccino, je précise que la faute d’orthographe du titre est voulue (Happyness au lieu de Happiness), se référant à une scène du film. Inutile donc de vous précipiter sur votre Petit Oxford illustré !
Représentant de commerce, Chris Gardner peine à gagner sa vie. Il jongle pour s’en sortir, mais sa compagne supporte de moins en moins leur précarité. Elle finit par quitter Chris et leur petit garçon de cinq ans, Christopher.
Désormais seul responsable de son fils, Chris se démène pour décrocher un job, sans succès. Lorsqu’il obtient finalement un stage non rémunéré dans une prestigieuse firme de courtage, il se donne à fond pour décrocher le contrat que les employeurs lui font miroiter. Incapable de régler son loyer, il se retrouve à la rue avec Christopher. Père et fils dorment dans des foyers ou des gares, cherchant des refuges de fortune au jour le jour. Malgré cette traversée du désert, Cris continue à veiller sur son fils en lui prodiguant soins et amour.

« The Pursuit of Happyness » de Gabriele Muccino
© Gaumont Columbia Tristar Films

Inspiré du livre éponyme du véritable Chris Gardner (publié en 2006) qui relate sa descente aux enfers, le film de Muccino reflète le « véritable rêve américain », selon l’acteur Will Smith qui, aussitôt le scénario lu, a accepté le rôle aux côtés de son propre fils qui fait ici ses débuts au cinéma. Contrairement aux apparences, le fils n’a pas été engagé sur le tournage par favoritisme mais sur casting. Les motivations de Will Smith, qui a accepté d’endosser le personnage de Chris Gardner, ont été renforcées après avoir lu le parcours sinueux et difficile de l’auteur : « Ce pays est fondé sur l’espoir que toute personne ayant suffisamment de volonté et de détermination peut réussir sa vie. Nous avons tous envie de croire qu’il est possible, en partant du bas, d’atteindre le sommet. Chaque fois que vous voyez quelqu’un faire preuve de cette grandeur et de cette détermination, vous vous posez naturellement la question : "Est-ce que j’en serais capable ?". On se dit : "Est-ce que j’aurais été suffisamment homme, père et mari pour faire face comme il l’a fait ?". Je me suis posé toutes ces questions, et cela m’a donné envie de faire découvrir son histoire."
Si le film de Muccino dépeint en effet le rêve américain, on en retiendra surtout l’autre facette : celle où le train-train quotidien, même modeste, bascule du jour au lendemain dans les bas-fonds de la société, emportant famille, enfants et économies avec soi. Aussitôt marginalisés, rejetés par la société qui a réussi, ces âmes errantes passent de file d’attente en file d’attente afin d’obtenir un lit, une place de fortune dans un foyer, l’unique plat chaud de la journée, et ceci dans un des pays les plus riches du monde. C’est très certainement cette facette-là que The Pursuit of Happyness retranscrit avec le plus de justesse, sans crainte de choquer la bonne conscience de l’Américain moyen. S’il est toutefois un reproche à faire au film, c’est sa linéarité : en effet, on entre dans le film comme on en sort. Ni début ni fin pour ce film qui aurait pourtant bien supporter des nuances dans le récit, vu le foisonnement d’émotions qui s’en dégagent.
Firouz-Elisabeth Houchi-Pillet

Je vais bien, ne t’en fais pas


de Philippe Lioret, avec Mélanie Laurent, Kad Merad, Julien Boisselier. France, 2006.

En rentrant de vacances, Lili, 19 ans, apprend par ses parents que Loïc, son frère jumeau, a quitté la maison familiale suite à une violente dispute avec son père. Encore une dispute au sujet de sa chambre désordonnée… L’argument semble un peu léger à Mélanie vu la réaction fraternelle. Elle n’a de cesse de poser des questions à son père sur cette fameuse altercation mais n’obtient que des réponses évasives, peu satisfaisantes. Loïc ne lui donnant pas de nouvelles, Lili finit par se persuader qu’il lui est arrivé quelque chose et part à sa recherche. Ce qu’elle va découvrir dépasse l’entendement.
Basé sur le roman éponyme d’Olivier Adam, disponible aux éditions La Dilettante, ce film a bénéficié de l’intense contribution du romancier à l’élaboration du scénario. Le réalisateur a décelé la « perle » qui transmettait vivacité et luminosité au personnage de Lili ; Mélanie Laurent a immédiatement accepté ce rôle, sachant qu’il est sans doute le dernier à pouvoir lui offrir d’interpréter cette période charnière entre l’adolescence et l’âge adulte. Le film met l’accent sur les liens très forts de Lili avec son jumeau. Lili, brutalement privée de l’un de ses repères fondamentaux, vit un drame. Elle en est déstabilisée au point de se perdre. S’ensuit une dépression, conjuguée à la volonté d’en finir par l’anorexie. Il s’agit bien sûr d’un appel au secours.

« Je vais bien, ne t’en fais pas » de Philippe Lioret

Comme le confesse le réalisateur, « Le livre d’Olivier Adam est beaucoup plus noir que le film, mais j’y ai trouvé matière à quelque chose d’humain, simplement, profondément, et aussi la possibilité de mettre en scène des personnages qui pourraient être nos parents, nos frères et nos sœurs. À travers l’histoire qu’il raconte, Je vais bien, ne t’en fais pas révèle les sentiments extraordinaires de gens simples. Il parle aussi de la difficulté qu’on a tous à se dire qu’on s’aime, par pudeur, timidité ou parfois manque de générosité. Je me rends compte aujourd’hui que tous mes films, chacun à leur façon, ne parlent que de ça. Par ailleurs, derrière le portrait de cette famille, l’histoire d’Olivier vous tient en haleine à la manière d’un thriller et vous révèle finalement une dimension inattendue."
En effet, ce drame familial pourrait être le nôtre. Chacun pourra s’identifier au père de famille reclus dans son silence, à la mère désemparée, à la sœur révoltée, au petit ami lucide et protecteur. Une foule de sentiments – colère, chagrin, incompréhension, révolte – sont dépeints avec l’intensité et le suspens d’un thriller et bénéficient de la sobriété de la mise en scène. En quelques mots, tout est dit. L’essentiel, du moins. Cette économie des dialogues, ce sens parcimonieux du sous-entendu frappe et touche sa cible.
Pour les mélomanes, précisons que la chanson phare de Je vais bien, ne t’en fais pas, intitulée U-Turn (Lili dans le film), a été composée par le groupe Aaron dont le chanteur, Simon Buret, fait une brève apparition dans le long-métrage avec le rôle du musicien qui remet la cassette à Lili (Mélanie Laurent). Bercés par cette chanson, fil rouge de cette quête impossible, les spectateurs se laissent portés par le récit qui, de manière insidieuse, effectue son travail de sape et nous laisse pantois, décontenancés au final. Le but est atteint : on se remet à grand peine de ce film qui nous bouleverse et réveille en nous des émotions enfouies.
Firouz-Elisabeth Houchi-Pillet

Quelques jours en septembre


de Santiago Amigorena, avec Juliette Binoche, John Turturro. France-Italie-Portugal, 2007.

1er septembre 2001. Elliot, agent secret américain possédant une information capitale pour l’avenir du monde disparaît. Sa fille Orlando, qu’il a abandonnée dix ans auparavant, Irène, un agent secret français avec qui il a travaillé, et David, son fils adoptif, se lancent à sa recherche. Ils sont poursuivis par William Pound, tueur psychopathe et poète, lui aussi à sa recherche, entre deux séances de psychanalyse lacanienne. Au fur et à mesure que la quête se poursuit, le portrait d’Elliot se dessine, auquel chaque personnage apporte sa contribution, son opinion, ses impressions pour dépeindre ce personnage énigmatique qui semble échapper à tous et à tout. Le calendrier s’effeuille et le compte à rebours est lancé jusqu’au fatidique 11 septembre…
Santiago Amigorena signe avec Quelques jours en septembre son premier long-métrage -alors qu’il a déjà de nombreux scenarii et quatre livres à son actif - mû certainement par la frustration du scénariste et l’inspiration de l’écrivain. Le cinéaste d’origine argentine a voulu ainsi rendre hommage aux films d’espionnage qui ont bercé son enfance, dont un certain James Bond 007 contre Dr. No.

« Quelques jours en septembre » de Santiago Amigorena

Pari tenu en ce qui concerne le film d’espionnage, d’autant que les acteurs à l’affiche font rêver : Juliette Binoche, John Turturro, Nick Nolte. Malheureusement, le réalisateur a voulu papillonner entre divers genres – romance, psychanalyse, drame, action, politique – et perd très rapidement le fil conducteur de son film. Bien que la réflexion sur l’hégémonie nord-américaine puisse intéresser dans un premier temps, le cinéaste s’enfonce rapidement dans la confusion exagérée des genres et dans le maniérisme esthétique d’une mise en scène très prévisible, ce qui finit par agacer et lasser. A force de trop cultiver les procédés passe-partout et l’artifice, le réalisateur en a oublié de nous captiver, de soutenir la narration et de distiller savamment ses effets. Les spectateurs sombrent assez rapidement dans l’ennui (difficile de lire le cadran de sa montre dans une salle obscure !) et la torpeur. Après avoir ingurgité tant de longueurs non justifiées, une question me taraude : doit-on obligatoirement s’essayer à la réalisation quand on est bon scénariste ?
Je vous laisse juge de la réponse.
Firouz-Elisabeth Houchi-Pillet